Tribune
Répondre à la pénurie de main-d’œuvre dans l’agroalimentaire
28/03/2022
Les difficultés de recrutement rencontrées par les industriels de l’agroalimentaires ne sont pas nouvelles, mais le problème s’est accentué ces derniers mois, du fait notamment de la crise sanitaire. Près de trente mille postes ne sont pas pourvus (source Ania). La pénurie de main-d’œuvre se fait particulièrement sentir dans les régions, telles que la Bretagne, où le taux de chômage est faible et où les entreprises de l’industrie agroalimentaires sont concurrencées à l’embauche par d’autres secteurs.
Les difficultés de recrutement rencontrées par l’industrie agroalimentaire viennent en grande partie de son déficit d’attractivité et d’une offre de métiers généralement perçus comme peu valorisants, financièrement et socialement. Nous esquissons ici des solutions fondées sur notre expérience de cabinet de conseil en recrutement spécialisé dans les filières alimentaires, en abordant la formation, les conditions de travail, et la communication.
Miser sur la formation, et s’y engager
Outre les postes de cadres sur un marché qui n’a jamais été aussi défavorable aux entreprises depuis vingt ans, les unités de production ont de plus en plus de difficultés à recruter pour des postes de techniciens, dans la production, les travaux neufs, la maintenance, les conducteurs de ligne, les caristes, et pour les sièges sociaux dans les métiers de la vente. C’est un constat que nous faisons souvent lors de nos missions : la pénurie chronique de main-d’œuvre dans le secteur agroalimentaire est aussi le résultat d’un déficit de formation aux métiers d’usine et de vente dans les bassins d’emplois.
Dans ce contexte, il semble nécessaire de chercher à fidéliser les salariés, en leur proposant de vrais parcours professionnels fondés sur le développement des compétences. Nous conseillons ainsi d’intégrer dans les organisations, et dans les usines, des équipes dédiées à la formation et à l’apprentissage. Elles auront pour objectif de développer les compétences des différentes équipes pour leur permettre d’évoluer dans l’organisation. C’est un point central, il est nécessaire de proposer des plans de carrière aux salariés des usines, y compris aux populations ouvrières. Donner une perspective, susciter des vocations, est une condition à la fidélisation des employés.
La formation professionnelle elle-même doit être redessinée. Elle souffre d’effets silos entre filières et secteurs industriels, qu’il est nécessaire de casser pour identifier les compétences transposables. Une solution peut être la création de pôles dans les régions, afin de mutualiser les ressources et offrir de vrais parcours professionnels, à l’instar de ce qui a été fait par l’Agropole d’Agen, qui a mis en place une offre de formations certifiantes avec l’organisme de formation Sud-Management : des parcours métiers orientés agroalimentaires sont proposés – animateur d’équipes en production, opérateur de maintenance… –, mais aussi des formations longues – Bac+3 à Bac+4 dans les domaines du commerce et de la logistique – ou des formations de quelques jours sur des savoirs spécifiques – lean, hygiène…
Les grandes entreprises peuvent aussi être moteurs dans la création d’organismes proposant des formations aux postes en pénurie du secteur. Exemple peut être pris de l’initiative d’Adecco, Korian, Accor et Sodexo, qui ont lancé un projet de mise en place d’un Centre de formation par l’apprentissage (CFA) commun pour les métiers de la cuisine et de la restauration, en pénurie de main-d’œuvre et de qualification. L’ambition est de mettre en œuvre une approche différenciante de la formation des apprentis, en innovant notamment dans les méthodes pédagogiques.
Réduire la pénibilité due aux contraintes horaires
La question des conditions de travail, réputées pénibles, altère l’image du secteur agroalimentaire et contribue à la pénurie de vocations. La notion de pénibilité doit être interrogée, elle ne concerne pas uniquement le métier en lui-même ; beaucoup d’automatisations dans les usines facilitent aujourd’hui le travail physique. La pénibilité vient souvent d’autres contraintes, en particulier des contraintes horaires.
Les solutions doivent s’attacher à répondre directement à ces contraintes. Dans le cas des contraintes horaires, de nouvelles modalités peuvent être proposées, pour diminuer la pénibilité : par exemple des semaines de quatre jours travaillés suivis de trois jours de repos.
La question des salaires n’en est pas moins fondamentale pour attirer de nouveaux talents. Aujourd’hui, une entreprise ne peut plus proposer de salaires en dessous du prix du marché sans risquer de se retrouver en pénurie de main-d’œuvre.
Communiquer autour de la marque employeur
La mutation qui touche les industriels de l’agroalimentaire rend plus complexe la gestion des ressources humaines. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, recruter de jeunes talents est critique. Mais cela demande de trouver un équilibre entre leurs aspirations, les nouvelles attentes, et les intérêts de l’entreprise. Les jeunes talents recherchent avant tout un métier qui fait sens à leurs yeux, et demandent plus que jamais des engagements forts de leurs futurs employeurs.
Chez LeaderIA, nous sommes quotidiennement confrontés à des questions concernant les engagements de l’entreprise qui recrute : création de filière, clean label, green label, collaborations avec les acteurs locaux. Les entreprises à mission sont de plus en plus plébiscitées.
Dans ce contexte, travailler sur la notoriété et la « marque employeur » pour attirer des talents est clé. L’entreprise ne doit pas hésiter à communiquer lors de ses opérations de recrutement, en mettant en avant les conditions à l’épanouissement du talent : la transversalité du poste et ses perspectives d’évolution plus personnalisées, la responsabilisation pour une montée en compétence rapide, l’image de la marque, l’innovation des produits ou services, ou une mission qui fait sens (enjeux écologiques et environnementaux, etc.).