Éditorial
Décarbonation - Numéro 452
01/10/2015
Si le réchauffement n’est pas le seul enjeu dont la négligence menace les générations futures, l’essentiel du chantier climatique ne semble plus faire question : la transition énergétique, de l’énergie fossile vers la renouvelable. Les ONG en font l’objet de leurs interpellations des gouvernements. Les politiques s’en sont assez avisés en France pour avoir adopté l’été dernier une « loi de transition énergétique » relativement consensuelle.
Dans quelle mesure sera-t-elle suivie des effets attendus, et son inspiration fera-t-elle école ? La conférence de Paris livrera quelques indices en ce sens. Si seuls les États ont le pouvoir d’y négocier, les entreprises sont invitées à y proposer leur propre contribution à la lutte contre le changement climatique. Or le « climat » financier est porteur. Selon Bloomberg New Energy Finance1, la tendance est déjà mondiale et inscrite dans les choix d’investissement : les filières fossiles sont à terme financièrement hors course face aux renouvelables, solaire en tête.
Beaucoup ont commencé. À l’échelon mondial, près de quarante grands groupes2 se sont associés à l’initiative « RE100 » visant à un approvisionnement à 100 % par les énergies renouvelables, dont une demi-douzaine d’acteurs industriels de la grande consommation. En France, les initiatives bas carbone se sont multipliées dans ce secteur, que sa culture y a porté plus vite que d’autres (sans mention des tricheurs qui ont ailleurs défrayé la chronique). Leur notoriété, leurs marques, sont promesse de réussite. Car hors de la commande publique, nul mieux que de tels grands comptes ne peut aider à diffuser la révolution industrielle de l’économie décarbonée.
C’est qu’au-delà du risque réputationnel qu’il y aurait à ne rien faire, les ressources des entreprises sont menacées. Le pas est inégal (et la part des secteurs et sous-secteurs dans l’empreinte carbone n’est pas facile à établir), mais le mouvement est enclenché. Dès lors que les objectifs publics affichés n’altèrent pas la concurrence, rien ne s’oppose à ce que les entreprises s’accommodent d’un accord prévoyant que les engagements seront revus à la hausse de manière régulière. À charge pour les politiques publiques d’œuvrer à renforcer l’attrait des investissements d’avenir et la cohérence du paysage normatif, et surtout de donner un prix au carbone.
Lueur d’optimisme, l’ambition de réduire l’ampleur du réchauffement prévaut encore parmi les agents économiques sur la nécessité de s’y adapter – où entrerait de la résignation, nonobstant les obligations des États devant les villes menacées de submersion ou les populations poussées à l’exode. Une volonté qu’un accord à la Cop 21 ne devra pas diluer.