Vertu pratique - Numéro 478
15/01/2019
L’Institut national de l’économie circulaire écrit : « L’économie circulaire permet de stimuler le développement économique territorial et la création d’emplois en intensifiant l’usage des ressources locales. Elle contribue à relocaliser des activités intensives en main-d’œuvre humaine et crée de nouveaux métiers non délocalisables. »1 Est-il associé au plan de réindustrialisation des territoires présenté par le Premier ministre le 22 novembre dernier ? Y a-t-il des ponts entre ce plan et la Feuille de route de l’économie circulaire (FREC)2 ?
Adrian Deboutière : L’Institut souhaite contribuer à ce plan. Il a fourni des recommandations dans le cadre de la mission « territoires d’industries ». Nous avons souligné l’importance du déploiement de l’écologie industrielle et territoriale (ÉIT), sujet sur lequel nous avons déjà conduit bon nombre de travaux. L’ÉIT, qui vise à déployer des synergies interentreprises, permet de répondre à un enjeu industriel prégnant : améliorer la compétitivité des entreprises par des programmes d’optimisation des ressources. Un fonds économie circulaire géré par l’Ademe aide les filières locales d’optimisation des déchets, de gestion des ressources.
Des ponts existent entre le plan de réindustrialisation des territoires et la FREC, ils ont été mentionnés par le Premier ministre, qui a réaffirmé la nécessité d’inclure un volet économie circulaire dans notre politique industrielle. L’économie circulaire doit être un principe structurant tout au long de la chaîne de valeur, de la production au recyclage, en favorisant l’incorporation de matières recyclées à travers des engagements volontaires, en facilitant l’émergence de synergies, ou en s’appuyant sur la commande publique.
Comment la notion d’ÉIT, mise en avant en 2014 à l’occasion des « Premières Assises de l’économie circulaire »3, organisées par l’Ademe, est intégrée en 2018 dans la Feuille de route de l’économie circulaire.
A. D. : L’ÉIT est intégrée à la FREC à travers sa mesure 46 qui vise à « renforcer les synergies entre entreprises [à travers] l’écologie industrielle et territoriale ». Trois mesures y sont établies : promouvoir l’ÉIT dans les schémas et plans régionaux (développement économique, gestion de déchets) ; amplifier la mise en place de bourses aux ressources dématérialisées, en s’appuyant sur les outils numériques ; constituer une base de données nationale pour faciliter la détection des opportunités d’optimisation des déchets et des ressources.
Dans quels domaines à l’échelon territorial les entreprises sont-elles le plus attendues en matière de « boucles » circulaires : chauffage, déchets, transport… ?
A. D. : D’abord là où les opportunités économiques sont les plus importantes pour elles (mutualisation d’équipements, de services, etc.), mais également pour des synergies plus innovantes, lorsqu’elles sont soutenues ou incitées à l’action par les pouvoirs publics. Concernant la gestion des déchets, il y a clairement un besoin de mutualisation entre les petites entreprises, qui n’ont pas individuellement la masse critique pour que leurs flux sortants soient collectés et valorisés efficacement.
Cette coopération peut leur permettre de trouver des exutoires plus intéressants pour réutiliser leurs matières, recycler leurs déchets, ou valoriser leur « énergie fatale » (énergie présente ou piégée dans un processus ou produit, qui n’est ni valorisée ni stockée mais pourrait l’être).
L’objectif de l’ÉIT est de réduire la dépendance des territoires et des entreprises en termes d’approvisionnements en ressources (matières, fossiles, etc.) et d’exutoires pour le traitement des déchets.
La coopération économique territoriale et le développement de nouvelles filières locales permettent de répondre à cet enjeu, en générant de nombreux bénéfices socio-économiques et environnementaux. Des liens peuvent être également établis entre les secteurs industriel et résidentiel, comme le fait par exemple Arcelor Mittal dans le Nord, qui valorise la chaleur fatale produite au niveau de son site pour chauffer les quartiers d’habitation voisins.
Diriez-vous que des territoires développant une démarche ÉIT peuvent devenir plus attractifs, et en quoi, pour de nouveaux investisseurs industriels ?
A. D. : Certains territoires ont adopté une approche d’écoconception dans le cadre de leur politique d’aménagement, dès la création de leur parc d’activités. C’est le cas dans la zone industrielle des Portes du Tarn4. La mise en œuvre de solutions de mutualisation dès l’amont contribue à attirer des investisseurs, convaincus par l’écosystème qui leur est proposé avec des solutions optimisées de gestion de déchets et de traitement des eaux usées, ainsi que par la présence de partenaires potentiels ouverts à la coopération interentreprises.
Les entreprises économisent des coûts, du temps d’installation, de recherche de prestataires locaux et d’optimisation de leurs processus. Pour l’existant, les démarches ÉIT amorcent une dynamique de coopération, associent les politiques de développement économique et de développement durable, et montrent l’implication des pouvoirs publics auprès des industriels dans leur transition écologique.