Consommateur récepteur, consommateur émetteur - Numéro 414
30/10/2010
Les outils de connaissance des données consommateurs en sont-ils encore à leur préhistoire ?
Cédric Cherau : Les programmes de fidélité, principal outil pour suivre les clients dans leurs achats, sont de plus en plus répandus dans la distribution. Rares sont les enseignes qui ne sont pas équipées d’une carte de fidélité. Les solutions informatiques pour l’exploiter sont elles aussi de plus en plus abouties, et elles ne manqueront pas de s’améliorer encore. Il est difficile de parler ici de préhistoire, mais de grandes évolutions sont à attendre dans cet univers, notamment par le croisement des bases de données existantes. Les distributeurs commencent seulement à pouvoir suivre les clients dans les différents canaux de vente (magasins et internet). Le croisement va permettre de mieux comprendre les comportements d’achat. Au Royaume-Uni, en France depuis peu, les distributeurs se mettent à partager cette connaissance avec leurs fournisseurs : là aussi, le recoupement des données va faire avancer la compréhension des clients. Cette révolution va entraîner des relations nouvelles entre les consommateurs, les distributeurs et les marques.
Quelles sont les limites techniques à la curiosité et à l’exploitation mercatique des usages d’internet, sorties de caisses, moyens de paiement, etc. ?
C. C. : Il y a deux limites principales. La première tient au traitement des données qualitatives accessibles en ligne. Sur des sites comme Facebook, les internautes donnent leur avis, expriment leurs sentiments, et cela pourrait être précieux pour comprendre la perception du client. Mais il est très difficile de décrypter cette donnée qualitative : comment distinguer l’avis pertinent et celui du consommateur grognon ? Personne ne maîtrise les règles sémantiques qui permettraient d’exploiter toute cette information. Deuxième limite : la multiplicité des identités numériques est impossible à gérer. Comment savoir que j.dupont, jeandupont et jeannotdup sont une même personne ?
Le marketing personnalisé n’est-il pas voué à devenir intrusif, du fait d’internet et du mobile ?
C. C. : Oui et non. Oui, il va devenir plus intrusif, car il sera de plus en plus précis et de plus en plus personnalisé. Mais cela peut être vécu comme positif, puisqu’il permettra de rendre des services adaptés au consommateur. Non, car il existe une grande différence entre les modes de communication du marketing. Avant, le client était sollicité sans rien avoir demandé (un publipostage, un pourriel, un catalogue dans la boîte à lettres…). Aujourd’hui, avec les applications sur mobile, le client demande l’information. Elle ne lui est plus imposée, c’est lui qui lance son application pour recevoir des offres ou des informations.
Propos recueillis par J. W.-A.