Bulletins de l'Ilec

CRM, quand le pragmatisme prime l’idéologie - Numéro 340

01/12/2002

Vendre plus demain qu’aujourd’hui au même client, tel est l’objectif cardinal du CRM. Confrontées à une concurrence plus aiguë, les entreprises mettent en œuvre des stratégies de conquête, de gestion et de fidélisation de leurs clients pour augmenter leurs parts de marché. Un chiffre illustre cette révolution : évalué à 22 milliards de dollars en 2001, le marché devrait atteindre 50 milliards en 2006. « Au même titre que l’informatique est venue, dans les années soixante, automatiser les processus de production (flux tendus) puis, au cours des années soixante, les applications internes dans l’entreprise (finance, technique, ressources humaines), le CRM automatise la gestion de la relation client. Nous sommes ainsi passés des projets de back office aux projets de front office, c’est-à-dire aux applications qui vont de l’entreprise vers les clients », résume Alain Savary, directeur général de Saratoga Systems, éditeur américain de logiciels depuis 1987 et société pionnière du CRM. LE SAVOIR, SOURCE DE POUVOIR La première étape du CRM consiste en l’automatisation des forces de vente (SFA, sale force automation), quel que soit le canal de distribution. « Le vendeur, canal humain, doit pouvoir se connecter régulièrement à son entreprise pour envoyer ses commandes, ses rapports de visites et recevoir de l’entreprise des informations portant, par exemple, sur des changements de prix », explique Alain Savary. Bénéfices attendus de ce CRM qualifié d’opérationnel : les cycles de vente sont réduits et la capacité de négocier des contrats s’accroît. « La qualité du canal de vente, humain ou non, doit permettre d’enrichir celui qui va acheter afin qu’il prenne plus vite sa décision. Le client doit reconnaître l’entreprise fournisseur comme la meilleure et lui être ainsi fidèle », poursuit le directeur général de Saratoga. Etre en contact avec le client et affirmer qu’il est le « roi » n’implique pas qu’il soit au centre des préoccupations de l’entreprise : tous les interlocuteurs, du central téléphonique à la direction générale, doivent être impliqués dans la relation. La performance de l’entreprise dépendra de son aptitude à gérer au mieux son capital d’informations. « L’objectif, souligne Alain Savary, est de doter l’entreprise d’une seule base de données, pour que les différents acteurs (finance, marketing, commerce, technique…), où qu’ils soient dans le monde, puissent utiliser les données clients pour des raisons différentes. La direction financière utilisera des applications de back office quand ces mêmes informations serviront aux vendeurs pour enrichir leur base de données. » Aujourd’hui, le CRM opérationnel couvre trois domaines : l’automatisation des forces de vente, le marketing et les services. Les canaux (y compris internet) mis en place, l’étape suivante est celle du CRM analytique, centré sur la connaissance des clients. L’entreprise peut segmenter son offre selon le type de clientèle et personnaliser ses relations avec les consommateurs. « Situation pour le moins paradoxale, le secteur des banques et des assurances a été le dernier à prendre conscience de l’enjeu du CRM, alors qu’il possédait depuis très longtemps les données clientèle. Il est vrai que le taux très élevé de bancarisation a longtemps protégé ce secteur, aujourd’hui concurrencé par les banques étrangères et la grande distribution », remarque Alain Savary. L’enjeu a été ressenti différemment selon les zones géographiques : l’Europe du Nord est très impliquée dans l’approche CRM, alors que l’Europe du Sud, longtemps rétive, se laisse conquérir progressivement. Symbole de l’unifi-cation : la récente création par l’École supérieure de commerce de Rennes du premier mastère CRM européen orienté sur la relation client. PRINCIPE DE REALITE Comme toute révolution, le CRM peut être source de désillusions. « L’éclatement de la bulle spéculative et le ralentissement de l’économie mondiale ont eu raison des projets trop coûteux car trop complexes, mélangeant toutes les phases du CRM », rappelle Alain Savary. De fait, chaque entreprise a une demande spécifique, liée à son cœur de métier, ses équipes et son organisation. Elle a également l’œil rivé sur le retour sur investissement. « Aujourd’hui, souligne Alain Savary, les projets sont plus courts et plus pragmatiques, avec plusieurs phases : on commence par l’automatisation des forces de vente, avant d’automatiser le marketing et la création d’un service clients. » Les éditeurs de logiciels opérationnels se divisent en deux écoles : celle qui propose une offre structurée par métiers, avec des processus déjà figés, et celle, plus ouverte, qui s’adapte aux besoins de chaque client. Autre enseignement du passé récent : « Le canal internet permet certes de réduire les coûts d’infrastructures, mais, contrairement à ce que l’on croyait il y a peu de temps, il ne remplace pas le canal humain, qui reste le plus grand vecteur de vente », conclut Alain Savary.

Jean Watin-Augouard

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