Une double équivoque, ou la mercatique à la lumière de la théologie - Numéro 344
01/06/2003
L’équivoque des valeurs Un terme non théologique... Le mot valeur est comme le mot liberté pour Valéry, un mot-valise « qui chante plus qu’il ne parle ». Ce terme n’apparaît nulle part dans le catéchisme de l’Église et pas plus dans les textes canoniques. C’est un mot forgé par la sociologie. Or il est dangereux. Il inspire le respect en raison de sa connotation morale ou religieuse supposée, quand il conduit à l’hubris collective : soit dans l’indifférenciation et le « tout se vaut » du choix arbitraire (pensée post-68) ; soit dans l’affrontement du choc des civilisations : supposées valeurs chrétiennes contre celles de l’islam. La connotation morale ou religieuse du terme valeur relève ou de l’ignorance (théologique) ou de la manipulation (politique ou économique). La marque est lien, mais pas en tant qu’elle porte des valeurs. ... voire un concept délirant... Avec Pro Logo (Éditions d’organisation), Michel Chevalier et Gérald Mazzavalo ont écrit un ouvrage de vulgarisation, un manuel technique inspiré des meilleures intentions à l’égard de la marque (en réponse à No Logo, de Naomie Klein, cf. encadré supra). Rien de nouveau, jusqu’à la conclusion, qui tourne au délire. Les auteurs s’y expliquent sur leurs valeurs (après avoir présenté celles de la marque) dans le contexte du postmodernisme, assimilé à « l’acédie » (affection de l’âme située, décrite par Évagre le Pontique (1), entre l’aboulie et la déréliction). Il faut bien donner un sens à la vie, constatent les auteurs : qu’à cela ne tienne, la marque intervient. « Si un remède possible à l’acédie réside dans une curiosité renouvelée vis-à-vis de soi et du monde, dans la quête courageuse d’un sens à sa propre vie, il nous semble que celles-ci [les marques] ont un rôle à jouer… » La marque comme remède à l’effroi métaphysique (Pascal), à l’absurde (Camus) ou à la déréliction (sainte Thérèse) ! Vient la conclusion, néoplatonicienne : « Temps privilégié où l’esthétique et l’éthique des entités de marques contribueront à donner plus de sens à la vie des hommes, où le beau engendrera le bien, où le bon contenu motivera la bonne forme, dans la promotion de valeurs tout simplement humanistes ». Les références à la théologie et au platonisme sont évidentes. L’humanisme est mobilisé. Pascal disait : « Qui fait l’ange fait la bête. » La marque a tout à perdre à prendre sur elle le fardeau du « retour des valeurs ». ... quoi qu’il arrive bien lourd à porter À trop mettre l’accent sur ses « valeurs », comme l’y poussent certains, la marque s’expose à des retours de flamme violents (guerres de religion). L’universalité est exposée à la pression de l’identitaire. Aucune organisation universelle autre que l’Église catholique n’a résisté à deux mille ans d’histoire, comme l’a remarqué Régis Debray. L’islam a six cents ans de moins et n’est pas une organisation. Mais l’Église est portée par l’Esprit. Quel est l’esprit de la marque pour s’exposer à l’universalité dans le temps ? L’universalité peut être conjuguée sous la forme de l’ultramontanisme, du gallicanisme, de l’autocéphalité (chez des orthodoxes) ou, plus lâche encore, de l’œcuménisme. Le catholicisme a payé un lourd tribut à l’augustinisme politique (i.e. une seule Église, un seul trône de saint Pierre auquel les souverains temporels sont tenus de rendre hommage) sous la forme de schismes, de guerres, de prise du pape en otage. La marque transnationale opte clairement pour la centralisation. En a-t-elle mesuré les risques ? Une tentation faustienne La marque saura-t-elle – dans les domaines de la santé, résister à la tentation faustienne de la promesse des promesses ? Qu’en sera-t-il d’elle, de l’homme, du lien, si elle succombe à la tentation ? Plus prosaïquement, jusqu’où est-il raisonnable qu’aille l’envahissement du temps par la publicité à la radio et à la télévision ? (Une comparaison serait à faire entre CNN, support publicitaire et BBC World , organe d’information, durant la deuxième guerre du Golfe). La même remarque s’impose pour l’espace. L’envahissement jusqu’où ? La question se pose des entrées des villes en France, des centres commerciaux de banlieue où marques de fabricants et enseignes rivalisent de mépris de l’urbanisme, de l’urbanité. L’enjeu est le respect de la privauté, que le message de Dieu s’arroge – à tort ou à raison – le droit de bousculer (son plan est l’homme nouveau) mais que la marque aurait tout intérêt à respecter, car elle ne peut ni ne veut forger un homme nouveau, au sens religieux, ce qui, dans l’ordre social, relèverait du totalitarisme. Retour sur quatre « valeurs » - La réassurance : dans l’ensemble, parmi les vertus cardinales, la marque a raté la marche de la prudence. Elle découvre la justice. Saura-t-elle appliquer ces vertus sans chercher à se les approprier, en respectant leur antériorité ? Une chose est de respecter un principe, autre chose d’en faire une qualité intrinsèque. La communication étant par nature superlative, qu’en est-il si la marque, avec l’enthousiasme du converti, se lance dans une surenchère dans la vertu dont l’effet ne peut être que le doute sur une vertu devenue marchandise ? La marque, marchande par nature, peut-elle être vertueuse et la vertu marchandise peut-elle être vertueuse ? Quand la question de la tempérance reviendra-t-elle au premier plan ? La déontologie professionnelle (BVP) ou institutionnelle (CSA) peut-elle tenir lieu de vertu ? Une vertu institutionnelle peut-elle échapper au reproche soit de tartufferie soit d’ordre moral ? – L’innovation : le progrès ne fait plus rêver (déprime de la science-fiction). Il fait peur (craintes alimentaires). L’innovation ne va pas aussi vite que les virus qui s’adaptent (SRAS). La marque l’a parfaitement compris (Renault et les voitures à vivre, le terroir...). Pourtant le marché doit être renouvelé (syndrome de l’ennui). Comment vendre un progrès qui, de toute évidence, n’en est pas un ? Comment tenir la promesse de l’innovation, souvent réduite au colifichet ? Comment empêcher que le retour aux valeurs traditionnelles (mot-valise) ne tourne au refus de tout progrès et de la marque qui lui est liée (guerre de religion) ? Comment empêcher l’affrontement entre progrès matérialiste et promesse eschatologique au sein du monde islamique ? En somme, quelle est la bonne distance entre la marque et le progrès (selon l’époque et le lieu) ? – Le choix : le dernier sondage Le Monde – La Vie montre que l’hyper-segmentation, le libre-service, minent les religions, qui risquent de ne plus relier personne. Il en va exactement de même pour les marques. Jusqu’où décliner l’offre, au risque de faire décliner la demande ? L’effondrement de la culture religieuse a son rôle dans le picorage des avatars de Dieu (20 % des Français se disent intéressés par le bouddhisme, sans en rien connaître). Pareillement, les théories de l’asymétrie de l’information (cf. Bulletin de l’Ilec n° 339, novembre 2002) montrent que le libre fonctionnement du marché peut engendrer des choix qui éloignent de l’optimum économique (les mauvais services d’assurance chassent les bons). Devant l’ampleur des choix, comment gérer l’information, en sorte que le christiano-bouddhiste ne soit tenté d’acheter une « Simca 1000 Peugeot » (Coluche) ? – La familiarité. C’est le plus grand défi de la marque. Comment empêcher que l’intercession ne tourne à la mascarade ? Un coureur cycliste, un motard, sont-ils encore des sportifs ou des hommes-sandwichs forcés, pour cette raison, aux corticoïdes ? Comment respecter l’enfance, l’école, l’université ? L’enseignement doit-il être préparation à la vie professionnelle ou à la vie d’homme ? Faut-il enseigner les humanités, les sciences sociales, les techniques comptables et juridiques, dans les écoles de commerce, ou la mercatique ? Quelle est la nature de la mercatique sans les humanités fondatrices ? Illusion, incantation au Mammon du marché ? Comment respecter le verbe ? L’anglais est aujourd’hui plus envahissant à Paris que ne le fut l’allemand durant l’Occupation. Les publicitaires y sont pour beaucoup. Peut-on penser en sabir ? Un citoyen peut-il s’exprimer librement dans la langue d’autrui, qu’il ne maîtrise pas ? Peut-on conserver l’estime de soi dans les mots d’autrui ? La langue de la Bible est l’araméen. Depuis la Septante, la langue de Dieu est le grec, ce qui signifie la synthèse réalisée entre le fond sémitique et la philosophie. Quelle est la signification de la fusion entre le français et l’anglais ? - Le plaisir, l’hédonisme. Les mots parlent d’eux-mêmes. La religion ouvre sur l’eudémonisme (le bonheur), la marque sur l’hédonisme (le plaisir). La répétition de l’appel au plaisir débouche nécessairement sur la surenchère (seule parade à l’ennui) et au syndrome de la liste (Don Juan). Quand autrui est instrument de son bon plaisir, en même temps qu’obstacle à la répétition de ce plaisir (avec un autre). La surenchère dans l’érotisme est inévitable dans l’ère de la communication de masse tournée vers l’hédonisme (le contraire de la sublimation, de l’ataraxie). Jusqu’où ? La déontologie est-elle la bonne réponse ? Comment empêcher les réactions bégueules (associations familiales), hystériques (le corps de la femme comme sanctuaire du bon plaisir… de la femme), ou religieuses (les associations traditionalistes et, beaucoup plus grave, les musulmans qui voilent la face, voire tout le corps de la femme) ? Les valeurs n’appartiennent pas au langage religieux. Elles en dérivent comme des résidus (cf. Jean-Pierre Dupuy, citant Chesterton : « À quoi [en l’espèce, les propos de Nietzsche sur la morale d’esclaves] l’on fait répliquer avec Chesterton que, en effet, « le monde moderne est plein d’idées chrétiennes devenues folles »). La marque aurait intérêt à prendre la mesure des sources religieuses de son langage pour ne pas verser, par pure ignorance des concepts qu’utilisent ses chargés de communication, en raison de la profonde méconnaissance contextuelle où ils se trouvent, dans une folie… qui n’a rien à voir avec la folie paulinienne, mais plutôt avec celle des inspirateurs de No Logo. L’équivoque symbolique Signe et symbole Le signe renvoie à un contenu donné, plus ou moins étendu : signe alphabétique, icone de l’ordinateur, panneau indicateur routier. Nous vivons à l’ère du signe, avec prédominance de l’icone sur la lettre. Iconolâtrie ? L’icone a l’avantage d’être plus souple, moins compromettante en termes de sens. Elle s’accommode de la pensée molle. Le symbole renvoie à un contenu illimité. La pensée symbolique est celle du commentaire sans fin (le Talmud, la scolastique, la psychanalyse), celle de l’indicible (mythe des origines). Le symbole rassemble librement. Par opposition à la science où expliquer n’est pas comprendre (René Thom), il donne à comprendre sans avoir à expliquer. La pensée symbolique n’est pas le propre de la pensée religieuse. C’est elle qui fonde l’art (exemple dans l’art profane avec Ceci n’est pas une pipe de Magritte : au premier degré, ce n’est pas une pipe, mais l’image d’une pipe ; au deuxième degré, ce n’est pas l’image d’une pipe, mais l’image de la pipe de Magritte ; au troisième degré, qui est le personnage de Magritte, comparé au vrai Magritte ? etc.). C’est encore elle qui fonde la mathématique (les pythagoriciens vénéraient, au contenu inépuisable, tout comme ; la symbolique mathématique opère sur l’infini des nombres, des espaces (Hilbert) ou sur le non-sens, cf. Les Désarrois de l’élève Törless, de Musil, réflexion sur les nombres imaginaires qui n’existent pas ! ). La pensée symbolique est cependant le champ d’exercice par excellence de la pensée religieuse (d’où son déni de la part de l’ethnologie structuraliste). Exemple du pain : lorsque Jésus multiplie les pains pour rassasier les foules, il accomplit un miracle (le miracle est le signe de sa nature divine). La foule a mangé, elle est contente, Jésus est un prophète. Fin du signe. Mais le pain est aussi le pain de vie, la chair du Christ partagée lors de la Cène, l’Eucharistie et la transsubtantiation. En ce cas, le pain est symbole. Il renvoie au mystère strictement inépuisable de l’incarnation. La désymbolisation du monde Dany Robert-Dufour et Patrick Berthier (« Vers un nouveau nihilisme », in Le Débat n° 123, janvier-février 2003) exposent la thèse suivante : nous vivons l’époque de la désymbolisation du monde. L’invasion de l’univers marchand (l’échange) dans l’univers de l’être (l’ontologie) désymbolise les instances que sont l’État, la famille, les croyances morales. Livré au libre-arbitre identitaire, le sujet n’a plus d’objet de révolte, de symbole à renverser, d’où s’ensuit une violence gratuite qui est à elle-même sa propre fin. Les auteurs d’affirmer : « La dé-symbolisation indique un processus visant à débarrasser l’échange concret de ce qui l’excède tout en l’instituant : son fondement. » Il n’y a plus de sens au-delà de la transaction, donc plus de direction, plus de strates générationnelles (discrédit de la famille), plus de surmoi collectif. La société tourne en rond dans la violence. Marque et symbole La marque est un signe. Le logo renvoie à un contenu concret : un produit, une promesse. Elle n’a rien à voir avec la pensée symbolique. Elle n’explique ni les origines ni les fins dernières. Elle doit résister à la tentation du sens : – Elle ne renvoie qu’à elle-même. Au-delà, en investissant le sens, elle participe à la désymbolisation, en élargissant l’aire de l’échange marchand aux dépens de la valeur symbolique. Elle justifie les accusations portées contre elle, en termes de guerre de religion. – Elle ne peut investir le symbole qu’en le ramenant au signe. Détournement des œuvres d’art, détournement du sacré, scandale (Benetton : étreinte d’un prêtre et d’une nonne), blasphème (affiche de Scorcese). La marque doit se garder de ceux qui la poussent vers un univers qui n’est pas le sien (la Cité, le sacré). Elle a tout à y perdre, comme l’ont montré les campagnes de Benetton. Ce n’est pas à elle de venir au secours de la pensée symbolique défaillante. Le piège du post-modernisme Dans la pensé post-moderne, il y a réfutation de la domination exercée par la culture (cf. La Reproduction, de Bourdieu et Passeron : « Toute action pédagogique est objectivement une violence symbolique en tant qu’imposition, par un pouvoir arbitraire, d’un arbitraire culturel. Savoir égale pouvoir égale domination »). D’où le règne de la doxa (l’opinion) aux dépens du logos (la science). « Une paire de bottes vaut Shakespeare », écrit Alain Finkielkraut (La Défaite de la pensée). La désymbolisation de la pensée renvoie à son arbitraire intéressé. Dieu étant mort, le référent fait défaut. La pensée est ramenée à l’errance égalitaire, sauf à servir de masque grossier à la domination culturelle, laquelle justifie, explicite, illustre la domination économique par le marché. La critique du logos au nom de la doxa conduit à une critique de l’économie politique. Le vide laissé par la domination idéologique est comblé par le marché. Nous sommes dans la société de marché. La dernière valeur, une fois que toutes les autres ont été arasées, est la valeur monétaire. Ce genre de critique doit être pris au sérieux par l’entreprise citoyenne, terme qui fait florès. Qu’a à gagner l’entreprise à s’engager dans le débat citoyen ? Le citoyen est celui qui est relié. Le consommateur est l’individu qui choisit. Ce sont deux mondes différents. Ce n’est pas parce que trente pour cent des consommateurs visitent une enseigne que celle-ci peut se prévaloir d’une légitimité qui revient aux citoyens. La barrière d’espèce est infranchissable. Qu’ont à gagner les pouvoirs publics à charger à l’infini la barque de l’entreprise à laquelle il revient d’assurer l’emploi (voire le bon emploi), la qualité de l’environnement (qu’il serait déjà sage de ne pas polluer) et bientôt le développement durable (concept extensible à l’infini, dans l’espace et le temps) ? L’entreprise croule sous les devoirs qui lui sont délégués par le politique défaillant (dans l’ordre national) ou absent (dans l’ordre international). L’entreprise a tout à gagner à se recentrer sur sa mission économique. Le sens n’est pas son fort dans l’ordre symbolique, non plus que la citoyenneté dans l’ordre politique. Lien, religion, liane Le langage de la marque, de la communication, de l’entreprise, surabonde de concepts, de mots, d’idées, arraisonnés, en provenance du religieux. Mais l’ignorance des sources, l’effondrement culturel post-moderniste, rendent les marqueteurs dupes de leur propre langage. Tout est bon à la communication qui se veut information, laquelle ne vaut pas réflexion. Ceux qui sont restés proches de la source, de l’eau de vie, ne s’y trompent pas. Ils font l’éloge du lien en se gardant de piller la religion, ou de tomber dedans. Preuve en est la dernière campagne de Monoprix. L’enseigne Monoprix a compris le message du lien et de la charge émotionnelle du religieux. Elle lance le magazine Liane, dont le message est strictement religieux. Qu’on en juge d’après le communiqué de presse : « Monoprix lance Liane… Intemporel, et pourtant [il faudrait dire par conséquent] au cœur de questionnements pérennes [claire allusion à l’éternité], Liane déclinera… la thématique du lien [thématique religieuse]… Une approche intimiste [en relation avec l’âme]… Liane est l’expression de cette philosophie [c’est de l’anthropologie]. Car Monoprix veut croire [le credo] que liane est le féminin de lien [culte marial] »… Et pour ceux qui n’auraient pas encore compris : « Liane raconte les liens. Le lien durable, le lien de famille, le lien quotidien, le lien du corps et, pourquoi pas, le lien social, les liens culinaires, les liens secrets… » La marque est religion dans la cité. Par rapport au Ciel, les rédacteurs sont prudents. Ils emploient un terme forgé de toutes pièces : liane, c’est la religion sans Dieu (dans le contexte français, l’évocation de Dieu sent le soufre). Ils assortissent la sortie politique, le « lien social », d’un « pourquoi pas », hommage obligé au politiquement correct. Les frontières du sacré et du politique sont tangentées, mais respectées. L’autonomie de chaque sphère – entre l’économique, le social et la théologie – est assurée. Saint Augustin peut dormir en paix. Les deux cités (celle de Dieu et celle des hommes) communiquent entre elles (Dieu n’est plus interdit de séjour ici-bas), elles se connaissent (les rédacteurs de la campagne ne sont en aucun cas dupes de leur emprunt au fonds), mais elles ne se confondent pas. Sémiotique n’est pas symbolique. Le logos instrumentalisé tourne à la logomachie. La marque mérite mieux. Elle revendique l’excellence. Monoprix l’a parfaitement compris : liane est lien, mais pas religion de marché. (1) À propos d’Évagre le Pontique, qui comme son nom l’indique est né dans la province du Pont, en Asie Mineure, dans une citation de seconde main les auteurs font référence à un obscur moine du désert égyptien dont ils ne semblent pas peu fiers d’avoir fait la découverte. Malchance. Évagre a été formé par Basile de Césarée (dit Basile le Grand, fondateur du monachisme grec et Père de l’Église). Dans ses écrits, il revendique le magistère de saint Macaire d’Égypte, fondateur du semi-érémitisme au désert. Évagre est l’un des auteurs majeurs de la philosophie alexandrine. La philocalie (ou anthologie) est le recueil des livres de la sagesse chrétiene de tradition orientale (cf. Jacques Touraille, Philocalie des Pères neptiques, Desclée De Brouwer, 1995, deux volumes), laquelle tend à préparer à l’hesykhia (quiétude). Évagre continue la tradition alexandrine d’Origène (autre Père de l’Église). Réfléchissant sur les tourments de l’âme, il dresse une liste de huit « pensées mauvaises », dont la sixième est l’acédie. Cette liste sera reprise par saint Cassien de Marseille, puis allégée par le pape saint Grégoire le Grand, qui définira les « sept péchés capitaux » que tout le monde connaît, au moins par ouï-dire ou par gourmandise. L’ignorance contextuelle est patente. L’affectation intellectuelle tombe à plat, pour qui se donne seulement la peine de remonter à la source philocalique. Lorsque la cuistrerie conduit la pensée à l’errance, dont la marque est la victime propitiatoire, au terme du délire…