Bulletins de l'Ilec

35 heures: à loi brouillonne, message brouillon - Numéro 345

01/07/2003

En octobre et novembre 2001, l’Ilec a réalisé une étude, après deux ans de « loi Aubry », portant sur une cinquantaine d’entreprises du secteur des produits de grande consommation, rassemblant près de 80 000 salariés affiliés à vingt-quatre conventions collectives. Pour la plupart d’entre elles, la mise en place de la loi s’est faite, malgré sa complexité, sans difficultés majeures, mais il n’apparaît pas qu’en termes de motivation au travail elle ait eu des effets positifs majeurs. Le climat interne avec les partenaires sociaux s’est cependant amélioré dans la majorité des entreprises, favorisant l’ouverture du dialogue sur des sujets de fond, en particulier grâce à la mise en place, dans certains cas, de commissions de suivi. Si la loi s’est appliquée à tous les salariés, elle ne l’a été de façon uniforme que dans une entreprise sur cinq. Les autres firmes du secteur ont élaboré des dispositifs diversifiés (annualisation, mensualisation, forfaits), en fonction des catégories de personnel : salariés soumis à un horaire collectif, cadres et forces de vente. Dans leur majorité, les entreprises avancent comme critère de satisfaction la mise en place de systèmes électroniques de décompte du temps de travail et de prise de RTT, ainsi que la planification annuelle des jours de RTT et de congés payés. En l’absence de tels systèmes électroniques, le décompte est un processus fastidieux et complexe qui suscite l’incompréhension, particulièrement du personnel ouvrier travaillant en équipe. Le surcroît d’harmonie entre vie professionnelle et vie privée, revendiqué par les promoteurs de la loi, est relativisé par la tendance au cumul, par les salariés, des jours de RTT en décembre (et en mai pour les jours de congés payés). La RTT tendrait donc à être interprétée, en pratique, comme un surcroît de congés, plutôt que comme une réorganisation du temps de travail proprement dit, tout au long de l’année. Parmi le personnel non cadre auquel la RTT s’applique en heures, la remarque ne vaut pas, mais plusieurs entreprises citent cette différence de traitement parmi des facteurs de durcissement du climat social consécutif à la réforme. Une tension qui, là où elle s’est fait jour, a cependant tenu surtout à la frustration des salariés devant l’évolution de leur rémunération, affectée par l’ARTT. La loi a eu pour conséquence une évolution à la hausse de la masse salariale dans deux entreprises sur trois, que la moitié ont compensée par une politique de gel ou de modération salariale d’une durée variant entre un et trois ans. Pour le tiers restant, la mise en place de l’ARTT n’a pas eu de conséquence sur la masse salariale. Sur le plan de l’embauche, une entreprise sur deux a connu des modifications de sa politique, d’ordre qualitatif (titularisation de contrats à durée déterminée ou d’intérimaires, requalifications…) ou quantitatifs, principalement sur les sites de production. Globalement, le nombre de créations d’emplois a été modeste. L’ARTT a en revanche débouché, dans la plupart des cas, sur une réorganisation du travail, souvent coûteuse mais à terme avantageuse, du fait d’une meilleure prise en compte des variations saisonnières de l’activité ou d’une diminution de l’absentéisme pour maladie. Sous l’aspect social, les retombées positives (relance du dialogue avec les organisations syndicales, meilleur équilibre, pour certains, entre vie professionnelle et vie privée) sont balancées par le constat assez général que les 35 heures n’ont pas eu pour corollaire un surcroît de satisfaction ou de motivation au travail. Et qu’elles ont affecté, fût-ce de manière infondée, l’image des entreprises et des salariés français confrontés à la compétition internationale.

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