Bulletins de l'Ilec

Un nouveau cadre juridique pour le commerce électronique - Numéro 355

01/08/2004

1. Les principes généraux 1.1. Définition du commerce électronique L’article 14 de la loi définit le commerce électronique comme « l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services ». Il précise qu’entrent dans ce champ des services tels que ceux qui consistent à fournir des informations en ligne, des communications commerciales ou des outils de recherche, d’accès et de récupération de données, d’accès à un réseau de communication ou d’hébergement d’informations, y compris lorsqu’ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent. La liberté du commerce en ligne est posée à l’article 16, mais comporte des exceptions pour les jeux d’argent, y compris les paris et les loteries, les activités de représentation et d’assistance en justice, les activités exercées par les notaires, telles l’authentification ou la conservation des actes. 1.2. La responsabilité de plein droit du commerçant électronique Aux termes de l’article 15, le commerçant électronique est « responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par lui même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice des droits de recours contre ceux-ci ». 1.3. La loi applicable La LEN retient le principe de droit communautaire de la loi du pays d’origine : sauf convention contraire, le commerce électronique est soumis à la loi de l’État membre sur le territoire duquel le commerçant est établi, reprenant les dispositions de l’article 3.1 de la directive européenne. L’article 17 tempère ce principe dans un souci de protection des consommateurs et de l’ordre public. Ainsi, même en cas de stipulation contractuelle contraire, le consommateur ayant sa résidence habituelle sur le territoire français ne peut être privé des dispositions impératives de la loi française relatives aux obligations contractuelles. Il s’agit des règles applicables aux éléments du contrat, « y compris celles qui définissent les droits du consommateur, qui ont une influence déterminante sur la décision de contracter ». Par exemple, les dispositions du Code de la consommation relatives à la vente à distance étant d’ordre public, un contrat de commerce électronique ne pourra y déroger. 2. Les obligations du cybercommerçant 2.1. L’obligation d’information Aux termes de l’article 19 de la loi, plusieurs données doivent êtres mises à la disposition des internautes par le commerçant électronique : ses noms et prénoms (personne physique), ou sa raison sociale (personne morale) ; ses coordonnées postales et électroniques ; le cas échéant son numéro d’inscription au RCS ou au répertoire des métiers, son capital social et l’adresse de son siège social ; son numéro d’identification, s’il est assujetti à la TVA ; le nom et l’adresse de l’autorité ayant délivré l’autorisation, si son activité est soumise à un régime d’autorisation ; enfin, s’il est membre d’une profession réglementée, les références aux règles applicables, son titre, l’État dans lequel il a été octroyé et l’organisme auprès duquel il est inscrit. La loi précise que ces informations doivent être d’un accès « facile, direct et permanent ». C’est dire qu’elles doivent être, en pratique, à la disposition des clients au moyen d’un lien hypertexte, depuis la page d’accueil du site par exemple. Par ailleurs, le prix doit être clairement indiqué, même en l’absence de contrat, le commerçant devant préciser si les taxes et les frais de livraison sont inclus. 2.2. Le contrat électronique L’article 25-II de la loi complète le Code civil en y ajoutant un chapitre relatif aux « contrats sous forme électronique » et en y consacrant, dans un nouvel article 1108-1, le principe de la validité juridique de l’écrit par voie électronique#. Le nouvel article 1369-1 du Code civil dispose ainsi que le commerçant électronique doit mettre à la disposition du client ses conditions générales de vente. L’offre doit en tout cas mentionner les étapes à suivre pour conclure le contrat par voie électronique, les moyens techniques permettant à l’utilisateur, avant la conclusion du contrat, d’identifier les erreurs commises dans la saisie de données et de les corriger, les langues proposées pour la conclusion du contrat, le cas échéant, les modalités de l’archivage du contrat par le vendeur et les conditions d’accès au contrat archivé, ainsi que les moyens de consulter, par voie électronique, les règles professionnelles et commerciales auxquelles le commerçant entend se soumettre. Aux termes de l’article 23 de la LEN, qui réécrit l’alinéa 2 de l’article L. 121-20-4 du Code de la consommation, les contrats ayant pour objet la prestation de services d’hébergement, de transport, de restauration ou de loisirs qui doivent être soumis à une date ou à une périodicité déterminée doivent fournir les informations prévues à l’articles L. 121-18 du même code, c’est-à-dire les coordonnées du vendeur, les frais de livraison, les modalités de paiement, ou encore l’existence d’un droit de rétractation. Désormais, la non-fourniture de ces éléments est constitutive d’une contravention de cinquième classe, punie par une amende de 1500 euros#. L’article 25 de la loi impose au commerçant électronique d’accuser réception, sans délai injustifié et par voie électronique, de la commande qui a été faite. Selon l’article 27, le commerçant est également obligé, lorsque la transaction électronique excède un montant qui sera fixé par décret, de conserver l’écrit constatant le contrat, ledit décret précisant le délai de conservation du document. Le vendeur devra en outre en garantir à tout moment l’accès à son cocontractant si celui-ci en fait la demande. 3. La publicité électronique 3.1. L’absence de contrôle a priori Contrairement à la publicité audiovisuelle, la loi ne prévoit pas de vérification de la publicité a priori. L’article 20 dispose que la publicité doit être clairement identifiée comme telle et qu’elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée. Les offres promotionnelles déguisées sont interdites, en vertu du nouvel article L. 121-15-1 du Code de la consommation. Les sanctions encourues sont similaires à celles prévues en cas de publicité trompeuse : « Les publicités, et notamment les offres promotionnelles, telles que les rabais, les primes ou les cadeaux, ainsi que les concours ou les jeux promotionnels, adressés par courrier électronique, doivent pouvoir être identifiés de manière claire et non équivoque dès leur réception par leur destinataire ou, en cas d’impossibilité technique, dans le corps du message. » 3.2. L’interdiction de la publicité non sollicitée (spams) Le nouvel article L. 33-4-1 du Code des postes et télécommunications dispose qu’est interdite « la prospection directe# au moyen d’un automate d’appel, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d’une personne physique qui n’a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen ». Auparavant, la règle ne s’appuyait pas sur le consentement préalable du destinataire, mais sur son droit d’opposition, le consentement préalable n’étant requis que pour les prospections directes par télécopie ou automate d’appel. Le régime est maintenant unifié quelle que soit la technique utilisée. La loi précise que le consentement s’entend de « toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une personne accepte que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à des fins de prospection directe ». Il existe une exemption légale : lorsque la prospection directe par courrier électronique concerne la promotion de produits ou services analogues à ceux déjà fournis par l’annonceur au consommateur et si le destinataire se voit offrir, de manière expresse et dénuée d’ambiguïté, la possibilité de s’opposer, sans frais, hormis ceux liés à la transmission du refus, et de manière simple, à l’utilisation de ses coordonnées lorsque celles-ci sont recueillies et chaque fois qu’un courrier électronique lui est adressé. Dans tous les cas, l’émetteur du courrier doit indiquer des coordonnées valables permettant au destinataire d’exercer son droit d’opposition. Enfin, l’article 22-III de la LEN se prononce sur les fichiers constitués antérieurement à la promulgation de la loi : ils ne pourront être utilisés que pendant une période de six mois suivant la publication de la loi, et pour la seule obtention du consentement de l’internaute à recevoir à l’avenir des messages. En cas de silence des destinataires à l’issue du délai, ces derniers sont présumés avoir refusé l’utilisation ultérieure de leurs coordonnées personnelles. 4. Les autres dispositions 4.1. La liberté de la communication en ligne L’article 1 de la LEN modifie l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication pour y introduire des dispositions sur la communication en ligne. Elle définit celle-ci comme « toute mise à disposition du public par un procédé de communication électronique, de singes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère de correspondance privée ». Le courrier électronique est entendu comme « tout message, sous forme de texte, de voix, de son ou d’image, envoyé par un réseau public de communication, stocké sur un serveur du réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le récupère ». La communication en ligne est autonome des autres modes de communication, tels la presse ou l’audiovisuel, et l’exercice de sa liberté est garanti par le CSA. 4.2. La responsabilité des fournisseurs d’accès et des hébergeurs Le chapitre II de la LEN consacre de longs développements à la question des prestataires techniques, tels les fournisseurs d’accès ou d’hébergement. Leur responsabilité civile ou pénale ne peut être engagée du fait des informations ou activités stockées, à la condition qu’ils n’aient pas eu effectivement connaissance de leur caractère illicite, ou qu’une fois informés de celui-ci ils aient agi « promptement » pour retirer les informations ou en rendre l’accès impossible (article 6). Dans sa décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation sur la question de la responsabilité des hébergeurs : « Ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers, si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n’a pas été ordonné par un juge. » Le Conseil constitutionnel transfère par conséquent à la justice le soin de traiter les cas les plus litigieux, les infractions manifestes devant être réglées par les hébergeurs. La décision du Conseil n’a par conséquent levé aucune ambiguïté, et ce sont bien les juges qui se prononceront sur les conditions d’application de ce texte. Par ailleurs, les éditeurs de service de communication en ligne ont désormais l’obligation de s’identifier. Il sera possible de s’exonérer de cette obligation à une double condition : ne pas être un professionnel et tenir à la disposition du public les coordonnées du fournisseur d’accès ou d’hébergement. 4.3. La sécurité dans l’économie numérique Le titre III de la loi vise la cryptologie, définie comme « tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu’il s’agisse d’informations ou de signaux, à l’aide de conventions secrètes ou pour réaliser l’opération inverse avec ou sans convention secrète ». La loi pose le principe de la liberté de la cryptologie, sous réserve d’une déclaration préalable auprès du Premier ministre. En application des articles 32 et 33, les prestataires sont responsables du préjudice causé aux personnes qui se sont fiées aux certificats présentés comme qualifiés, lorsque les informations contenues dans le certificat sont inexactes ou que les données prescrites pour le certificat sont incomplètes. 4.4. Les infractions pénales La loi modifie de nombreuses dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale. Les articles 41 et suivants de la LEN y intègrent la lutte contre la cybercriminalité, par exemple l’atteinte aux systèmes de traitement des données ou la fabrication de virus informatiques ; l’article 35 vise les infractions aux règles de cryptologie ; l’article 6-V énumère les infractions commises par les prestataires techniques. 1) Loi no. 2004-575 du 21 juin 2004, JORF n° 143 du 22 juin 2004, p. 11168. 2) Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, JOCE L 178 du 17 juillet 2000, p. 1-16, cf. titre II de la LEN. 3) Sauf pour les actes relatifs au droit de la famille et des successions et à ceux relatifs aux sûretés personnelles ou réelles, excepté les cas où ces derniers sont passés par une personne pour les besoins de sa profession (nouvel art. 1108-2 du Code civil). 4) Art. R. 121-1 du Code de la consommation. 5) La prospection directe est définie comme l’envoi de tout message destiné à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l’image d’une personne vendant des biens ou fournissant des services (cf. art 22 de la LEN).

Anne de Beaumont

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