Bulletins de l'Ilec

L’histoire des marques, une mine d’or sous-exploitée - Numéro 357

01/10/2004

Entretien avec Rejane Bargiel, conservateur au musée de la Publicité

Du 12 mai au 14 novembre, le musée de la Publicité a présenté le troisième volet d’une histoire de la publicité (1), « Les années glorieuses de la publicité, 1950-1970 ». Est-ce la preuve d’un intérêt croissant du public pour ce type de manifestation et à qui s’adresse-t-elle ? Réjane Bargiel : Depuis la création du musée, en 1982, on constate que la publicité est un phénomène culturel, et l’engouement du public n’a jamais été démenti. La série d’expositions consacrée à l’histoire de la publicité ne témoigne donc pas tant d’un regain d’intérêt que de la publiphilie des Français. Le public est à la fois jeune et âgé. Les jeunes sont intéressés pour des raisons professionnelles et pédagogiques, car ils peuvent, à travers la publicité, aborder et analyser l’évolution de la société française de manière ludique et vivante. Les visiteurs plus âgés viennent pour redécouvrir l’univers de leur enfance et de leur jeunesse. La mémoire des sens se réactive à partir des affiches, des sons, des films et des objets publicitaires. En avril 2005, le musée de la Publicité accueillera la dernière partie, couvrant la période 1970-2005. Quelle est la vocation du musée de la Publicité ? Exposition, archivages, conseils aux entreprises ? R. B. : La première mission est de conserver, de restaurer et d’entretenir les archives pour l’avenir. Il revient ensuite au musée de diffuser la connaissance de ce patrimoine auprès du grand public sous forme d’expositions, de livres et de conférences. Nous conseillons rarement les entreprises en matière de préservation des archives. Celles qui nous sollicitent le font lorsqu’elles veulent fêter un anniversaire par une exposition ou organiser un événement autour d’un lancement de produit. Elles cherchent alors, comme Citroën ou Air France récemment, à valoriser leur marque par leur patrimoine. L’objectif n’est pas de faire un coup marketing mais de s’inscrire dans la durée. La démarche doit être légitime vis-à-vis du grand public. Les expositions ont valeur d’exemples. Musées, livres, événements autour d’un anniversaire, semblent plus nombreux qu’il y a deux ou trois décennies. Depuis quand les entreprises commencent-elles à prendre conscience de l’intérêt et de l’enjeu de leur histoire comme outil de communication ? R. B. : La culture des marques est un phénomène récent. Certaines entreprises reviennent donc à leur source et constatent que leur passé peut être un atout en termes de communication. Règles d’or : il ne faut surtout pas jouer la carte de la nostalgie, et il importe d’avoir une approche non plus monolithique mais très large, en jouant sur plusieurs registres culturels. Comment convaincre les entreprises encore rétives que l’histoire n’est pas seulement synonyme de passé, pour les inciter à être plus vigilantes en matière de conservation de leur patrimoine ? R. B. : Les entreprises sont dans l’instant présent et se projettent dans l’avenir. Regarder en arrière peut leur sembler contradictoire. Tout dépend de la personnalité des dirigeants et de leur plus ou moins grande sensibilité à l’histoire et, de manière générale, à la culture. Les entreprises encore familiales y sont sensibles, quand les multinationales le sont moins, surtout quand les marques changent souvent de propriétaire. Il demeure que l’obsession de la rentabilité immédiate pose les questions du retour sur investissement et de la valeur marchande du patrimoine. Certaines entreprises préfèrent communiquer sur l’art contemporain. D’autres nient leurs origines pour être soi-disant modernes mais oublient que les consommateurs ont de la mémoire : ils veulent certes de la nouveauté, mais avec un point d’ancrage. Quels conseils donner pour gérer le patrimoine et conserver la mémoire ? R. B. : Inscrire la gestion du patrimoine dans la durée sans laquelle il n’est pas de stratégie efficace. Si les entreprises ne veulent pas prendre en charge cette gestion, elles peuvent s’adresser à des institutions, INA, Archives nationales, BNF, musée de la Publicité et bien d’autres, dont la vocation est de conserver et de valoriser le patrimoine. Lors de fusions, déménagements ou restructurations, les archives rejoignent trop souvent la benne ! * 107, rue de Rivoli - 75001 Paris - 01 44 55 57 50. Ouvert de 11 à 18 heures du mardi au vendredi, de 10 à 18 heures les samedis et dimanches. Programme sur www.museedelapub.org (1) Après « La belle époque de la publicité, 1850-1920 » en 2002, et « De la réclame à la publicité, 1920-1950 » en 2003.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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