“Limiter les services dans une enveloppe de dix points” - Numéro 360
01/02/2005
Qu’avez-vous consacré à la baisse des prix en 2004 ? S. P. : Une part de notre chiffre d’affaires de 1,5 % est allée dans la baisse des prix, ce qui est un effort très important. Pourquoi avoir quitté la FCD ? S. P. : Le groupement a quitté la FCD pour retrouver Leclerc et Intermarché : nous partageons un enjeu économique avec Leclerc, de par notre partenariat dans Lucie. De plus, nous recherchons à exprimer mieux ensemble, en tant qu’indépendants, notre approche des sujets d’intérêt général qui concernent la profession et le statut particulier d’indépendant. A ce jour, tout reste à faire. Quant à nos relations avec la FCD, elles ne sont pas rompues. Nous entendons œuvrer ensemble sur certains sujets. Pour la première fois depuis 1998, on assiste à une baisse des prix des PGC. Cela a-t-il eu une incidence sur les volumes ? S. P. : Si l’on s’en tient au marché alimentaire, il accuse une baisse en volume et en valeur, qui correspond pour les marques nationales à respectivement moins 5,5 % et moins 9 % . Les marques de distributeurs et les premiers prix affichent des hausses de 3,3 % en valeur et de 5,6 % en volume. Preuve que les besoins des consommateurs se sont depuis longtemps orientés vers des offres économiques. Les marques nationales ont donc eu quelques difficultés, en 2004, à combler l’écart. Aujourd’hui, le facteur prix est de nouveau déterminant et les marques d’enseignes se présentent comme une réponse à l’attente consommateur. Il revient aux marques nationales de relever un défi : satisfaire les consommateurs par l’innovation, tout en adoptant un positionnement économique qui leur convient. L’éternel rapport qualité-prix : il peut néanmoins s’exprimer sur des produits positionnés différemment dans la catégorie. La baisse des prix a-t-elle eu un impact positif sur la consommation ? Ne risque-t-elle pas d’avoir des effets pervers ? S. P. : De quoi parle-t-on quand on évoque la baisse des prix ? Si l’on s’en tient à deux critères incontournables, à savoir le besoin de marge d’un magasin et la coopération commerciale reçue par un groupement comme Système U, ainsi que le résultat net d’un magasin, un supermarché U ne peut fonctionner au-dessous de 24 % de marge brute. Si l’on ajoute des coûts logistiques de 6 % , la marge est de 30 % , ce qui équivaut à la coopération commerciale. Premier constat : il n’y a pas incohérence, à partir du moment où les grandes marques sont vendues au seuil de revente à perte. Deuxième élément : la moyenne des résultats nets d’un réseau comme Système U est de 2,5 % . Si la réforme de la loi Galland est nécessaire, pour autant cette réforme ne se traduira par une baisse des prix que si la compétitivité des opérateurs est optimisée. Aujourd’hui, le potentiel de baisse est faible, à moins de trouver des péréquations. Casser les prix, c’est bien sûr casser de la valeur. Si la guerre des prix est de nouveau d’actualité, il faudra bien trouver des solutions pour maintenir nos marges, grâce à des économies dans notre chaîne d’exploitation, mais aussi par le déplacement du curseur sur des éléments que l’on maîtrise. Je pense évidemment à nos marques d’enseigne. Concernant la loi Galland, quels sont les points de convergence et de divergence entre les opérateurs ? S.G. : Nous souhaitons une réforme réelle, qui limiterait la coopération commerciale en lui donnant un véritable sens, pour éviter le gonflement des marges arrière différées. Nous appelons à une libre négociation sur le prix, à une coopération commerciale plus restreinte, dans la mesure où les tarifs sont révisés d’autant, et nous sommes hostiles à des conditions générales de vente imposées. Les convergences portent sur la réforme de la loi pour donner une plus grande souplesse au commerce et sur le maintien de l’interdiction de la revente à perte. Les divergences concernent l’intensité du transfert dans les tarifs, pour la détermination d’un niveau de seuil de revente à perte et l’intégration éventuelle d’un seuil de prédation. Luc Chatel évoque trois pistes pour faire baisser les prix : le triple net avec coefficient multiplicateur, la remontée vers l’avant de la partie des marges arrière qui dépassent 20 % , ou celle d’un tiers des marges arrière. Quelle solution préconisez-vous ? S. P. : Nous préconisons le trois fois net, avec un seuil de prédation à définir. Nous souhaitons plus de liberté et plus de transparence : la liberté de négocier les CGV et la transparence, pour construire nos marges en fonction des besoins de couverture des coûts. Système U va prouver qu’il est un des opérateurs du commerce les plus compétitifs. Comment définir la bonne coopération commerciale ? Les CGV doivent-elles être négociables ? S. P.. : Les CGV doivent être négociables, ainsi que les tarifs. Nous préférons discuter sur un prix plutôt que sur la vente de services. Les services devraient être limités dans une enveloppe de dix points. Etes-vous favorables aux accords de gammes ? S. P. : Nous n’y sommes pas favorables, car ils sont de nature à biaiser l’offre commerciale. Un produit doit s’imposer par la demande qu’il suscite, non par un accord de gamme. Notre stratégie d’offre étant fondée sur le management par catégories, nous observons l’importance d’un produit dans sa catégorie, et non dans la gamme. Qu’apportent les rapports Canivet et Chatel ? S. P. : Le rapport Canivet donne une analyse équitable et objective des rapports industrie-commerce. Ce n’est pas un document à charge qui désigne un bouc émissaire. Il souligne que la loi Galland a bénéficié aussi bien aux distributeurs qu’aux industriels. Le rapport met également en lumière le report de la marge avant sur la marge arrière et montre que 3 % des fournisseurs réalisent 50 % du chiffre d’affaires de la distribution. Le pouvoir trop important de la grande distribution est quelque peu battu en brèche. Autre nouveauté : le rapport Canivet préconise de rapprocher le seuil de revente à perte de la réalité économique. Le rapport Chatel montre que le consensus est difficile à trouver. Faut-il privilégier la concertation ou la loi ? S. P. : Il vaut mieux privilégier la concertation entre les partenaires. L’initiative prise par l’Ania et la FCD avait pour objectif de trouver des réponses aux anomalies, afin de revenir à la normalité. Tous les acteurs n’ont, semble-t-il, pas entendu le message les appelant à corriger les excès de la loi Galland. Sur la réforme en cours, deux philosophies s’opposent : celle que défend Système U, qui souhaite mettre en place la réforme d’une loi, et celle du gouvernement qui veut encadrer une baisse des prix. Jean-Pierre Raffarin a fixé comme objectif une baisse des prix de 5 % financée « sur les marges des distributeurs, c’est-à-dire sur la coopération commerciale »… S. P.. : Pourquoi pas 10 % ! Comment, aujourd’hui, puis-je baisser les prix de 5 % alors que mon résultat net est de 2,5 % ! On peut opter pour des baisses sectorielles sur certains produits, à condition d’effectuer des péréquations. Pourquoi ne pas également baisser les prix des loyers, du tabac, d’une coupe chez le coiffeur, de l’essence ? Faut-il modifier la loi Raffarin, dont l’auteur vient de déclarer : « Je ne crois pas que l’hypermarché soit l’avenir du commerce dans notre pays » ? S. P. : Nous ne souhaitons de modification de la loi Raffarin, car elle donne le pouvoir de décision aux acteurs locaux. Le maire est le plus apte à savoir ce qui est bien ou non pour sa ville. Quant au propos sur l’hypermarché, Jean-Pierre Raffarin aurait pu le tenir il y a vingt ans et pourra également le tenir dans vingt ans. Le commerce et ses concepts sont à la fois divers et concurrents. L’hypermarché n’est qu’un élément du dispositif commercial. Au reste, qu’appelle-t-on aujourd’hui hypermarché ? Si le mot est employé au sens de la nouvelle norme – au-dessus de 4 000 m2 –, alors je suis d’accord avec Jean-Pierre Raffarin : l’avenir du commerce, en France, c’est le Super U de 2 000 à 4 000 m2. C’est le très grand hypermarché qui n’est pas l’avenir. Quel est le plafond optimal en part de marché pour les concentrations, 25 % comme le préconise la commission Chatel ? S. P. : Localement, une même enseigne peut, aujourd’hui, détenir 50 % de part de marché : c’est le fruit de l’histoire. A hauteur de 25%, ce n’est pas une mauvaise chose à condition que ce seuil concerne des fusions ou des rachats. Que faut-il promouvoir : la marque en tant que concept d’innovation ou le produit ? S. P. : Il faut promouvoir les deux, la marque pour ce qu’elle exprime et le produit qui répond à des besoins concrets. Les produits U ont pour vocation de devenir des marques de référence, quittant le territoire de la copie pour aller vers un positionnement spécifique. La marque By U en est l’illustration. La marque U va se développer à trois niveaux : premium (Savoir des saveurs), standard (U) et premier prix (Bien Vu).
Propos recueillis par Jean Watin-Augouard