Bulletins de l'Ilec

La périphérie, oubliée des élus ? - Numéro 362

01/04/2005

Entretien avec Eric Ranjard, président de la Ségécé, vice-président de Klépierre et président du Centre national des centres commerciaux (CNCC)

En tant qu’aménageur commercial, quelles sont les réalisations récentes, sous l’aspect de l’urbanisme, dont vous êtes le plus fier ? Et celles dont vous vous diriez : je ne le ferai plus ? Eric Ranjard : Je suis très fier des passages de l’hôtel de ville à Boulogne-Billancourt, comme opération de cœur de ville ancienne. Je citerais également Val-d’Europe, près de Disneyland Paris, et bien d’autres encore qui témoignent, par leurs qualités, de la réussite exemplaire d’opérations d’urbanisme, de cœurs commerciaux de villes anciennes ou nouvelles, chacune ayant sa singularité. Les deux exemples cités ont reçu des prix français, européens et mondiaux. Les réalisations qui seraient moins légitimes, sont nées, ne l’oublions pas, il y a des dizaines d’années. Jeter l’opprobre sur ces opérations au demeurant encore très performantes serait injuste, même si, aujourd’hui, ces réalisations seraient conçues différemment. Quels équipements commerciaux vous paraissent, à l’étranger, les plus dignes d’être imités ? E. R. : Certains pays, comme l’Espagne, le Portugal, la Pologne ou la Turquie, se singularisent aujourd’hui par de très beaux équipements commerciaux. Pour autant, la France n’a pas à rougir. Ces pays ont réalisé en moins de dix ans ce que nous avons fait depuis quarante ans. Les expériences des « anciens » ont servi aux plus « jeunes ». Comment lutter contre la banalisation ? Serait-il envisageable, du point de vue de l’aménageur, de subordonner les ouvertures de magasins au respect d’un cahier des charges architectural ? E. R. : La banalisation concerne les équipements commerciaux des entrées de ville. La responsabilité en incombe aux élus, qui ont autorisé l’ouverture anarchique de boîtes. Aujourd’hui, les retail parks tentent d’enrayer le phénomène en concentrant sur des dizaines de milliers de mètres carrés, en une fois, des opérations d’urbanisme commercial dotées d’un plan d’ensemble cohérent et de règles d’architecture respectées par tous. Une contrainte de taille est le temps nécessaire pour obtenir l’autorisation. Le CNCC vient d’éditer un document fixant un certain nombre de critères qualitatifs. Leur respect permet d’attribuer le label « Valorpark » aux opérations commerciales exemplaires. Doit-on intégrer le droit de l’équipement commercial dans celui de l’urbanisme de droit commun ? E. R. : Il est déjà quasiment intégré. Le problème réside dans le fait que les règles de construction locales sont de la responsabilité des élus. L’implantation de la grande distribution en périphérie et du petit commerce en centre-ville n’est-elle pas obsolète ? E. R. : Je m’insurge contre la pseudo-défense des cœurs de ville, quand elle oublie la population qui habite en périphérie. Val-d’Europe, Noisy-Arcades, Créteil-Soleil, Cergy ou Evry sont autant de centres commerciaux de cœur de villes… nouvelles. Doit-on, à l’instar du système britannique, rendre obligatoire la justification de l’implantation en périphérie, au détriment d’une localisation en centre-ville ? E. R. : La justification est d’abord fondée sur la multiplication des logements et donc de l’arrivée de nouveaux habitants. La création de commissions régionales d’équipement commercial serait-elle pertinente ? E. R. : Pour traiter de quoi et sur quels critères ? Je souhaite que cela ne vienne pas compliquer un système déjà très lourd. Aux études d’impact en matière d’urbanisme commercial réalisées par l’aménageur, il faut ajouter celles de la Chambre de commerce, de la Chambre des métiers, de la DGCCRF. En cas de recours, il faut en ajouter d’autres. Une simplification serait bien souhaitable.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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