« Une surenchère publicitaire contre-productive » - Numéro 362
01/04/2005
Les CDEC se préoccupent-elles assez d’urbanisme et de paysage ? Leur composition y contribue-t-elle ? Pierre-Jean Dalahousse : Nous regrettons que Paysage de France ne soit pas représenté, car même lorsque les commissions donnent un avis défavorable, des surfaces commerciales peuvent voir le jour. On peut s’interroger sur l’utilité réelle de ces commissions en matière d’autorisation. Cela témoigne d’une absence de volonté politique sur le plan national pour protéger le paysage. Il serait temps de mener une réflexion globale pour imposer des mesures fortes. Nous assistons à une consommation effrénée de l’espace par les acteurs du monde agricole, industriel ou commercial. La question de la consommation de l’espace dépasse l’urbanisme commercial. Faudrait-il subordonner les ouvertures de magasins au respect d’un cahier des charges architectural ? P.-J. D. : Il est urgent de s’interroger sur les questions d’intégration et d’architecture. Un travail colossal est à faire, car aujourd’hui les bâtiments commerciaux sont de grands alignements de bacs acier calamiteux. Nous avons atteint le degré zéro de l’architecture. Il est paradoxal que les particuliers soient assujettis à des règles très strictes quand ils veulent modifier l’architecture de leur maison, quand, à quelques mètres de leur habitation, des boîtes à chaussures puissent voir le jour aussi facilement. Il ne s’agit pas pour autant de faire des Disneyland commerciaux à l’architecture kitch. Les maires devraient être beaucoup plus exigeants et ne plus raisonner seulement au niveau de leur commune mais à l’échelle de l’intercommunalité. Quels équipements commerciaux vous paraissent, à l’étranger, les plus dignes d’être imités ? P.-J. D. : Imiter les modèles étrangers, si beaux soient-ils, aurait pour effet pervers de banaliser le paysage. Chaque région doit offrir une identité architecturale. Marquer le territoire par des différences participe de la richesse du paysage. Quelles sont les propositions de Paysages de France pour lutter contre la pollution visuelle des entrées de ville, qu’il s’agisse d’affichage ou de « boîtes à chaussures » ? P.-J. D. : Agir sur l’existant et sur le futur. Pour l’existant, à moins de tout détruire, ce qui serait très onéreux, des incitations financières peuvent promouvoir la rénovation de certains bâtiments. Des moyens économiques et très simples existent concernant par exemple le traitement des façades, en supprimant les couleurs agressives, en réduisant la taille des inscriptions et des enseignes lumineuses qui sont devenues de véritables panneaux publicitaires. Deuxième moyen simple d’emploi, même si certains y voient un cache-misère : la végétation, de la verdure autour des magasins, quitte à faire des parkings souterrains. Dans le domaine de l’affichage, une loi existe, mais elle n’est pas appliquée. La surenchère publicitaire est devenue infernale et contre-productive. Cessons de croire que la suppression de quelques panneaux va tuer l’économie française ! Pour l’avenir, la loi devrait imposer aux communes des prescriptions architecturales, avec un contrôle effectué par l’état. 1) Paysages de France, MNEI, 5, place Bir-Hakeim, 38000 Grenoble (http : //paysagesdefrance.free.fr).
Propos recueillis par Jean Watin-Augouard