Publicité contestée, commerce réhabilité - Numéro 362
01/04/2005
Le 17 octobre 2003, deux cents personnes quadrillent le métro parisien et recouvrent les affiches de graffitis (« La pub nuit gravement à votre santé » et autres affirmations hostiles à la publicité). Le 7 novembre, ils sont quatre cents. Souvent diplômés, pas nécessairement jeunes, ils se font connaître du grand public, des publicitaires et des marques. Les publicitaires en concluent qu’ils doivent revoir leur copie. Début 2004, cent cinquante communes, dont Paris, Marseille, Nice, Toulon, Orléans et Bordeaux, révisent leur règlement local de publicité afin de réduire le nombre de panneaux publicitaires qui défigurent leurs entrées. En juin de la même année, la distribution lance l’autocollant Stop-pub, destiné aux consommateurs qui refusent les courriers publicitaires sans adresse dans leurs boîtes à lettres. « Trois médias sont particulièrement sur la sellette, lorsqu’on évoque l’invasion publicitaire : l’affichage, internet et le publipostage dans les boîtes aux lettres », estime l’agence Australie, auteur d’une étude menée auprès du grand public en novembre 2004. Une autre enquête conduite parallèlement par l’Association des agences conseils en communication montre que les meneurs d’opinion sont devenus particulièrement critiques vis-à-vis de la publicité. SATURATION PUBLICITAIRE L’apparition des militants antipub n’est pas une surprise. Le consommateur ressent une saturation. Le métro parisien est l’un des plus accueillants à la publicité, ce qui en a fait une cible toute trouvée, et les autobus de la RATP sont sur la même voie : certaines campagnes les transforment en affiches ambulantes, réduisant à néant l’effort de qualité sur l’aspect de ces véhicules silencieux et confortables. Le moindre chantier, à Paris, autorise la mise en place de panneaux publicitaires. La saturation des consommateurs se manifeste aussi par le succès du maxidiscompte, qui offre un choix réduit de produits. Il y a moins anticonsommation que déconsommation. Plus qu’un refus de la publicité, des points de vente ou des produits, s’impose la revendication d’un libre-arbitre. A ce jour, la France n’a pas connu de mouvement militant désignant telle ou telle enseigne à l’hostilité du public en raison de l’aspect de ses points de vente. Aucune étude publique sur l’appréciation que porteraient les Français sur ces aspects n’a été entreprise. Que dirait une telle étude ? Que les entrées de ville sont sans âmes et agressives ? Que les caisses à savon les dénaturent ? Que ce n’est pas la taille d’une enseigne qui fait la fréquentation d’un magasin ? Que l’abondance de signes nuit ? Que la vulgarité n’est pas payante à long terme ? Que l’on préfère la qualité à la quantité ? DE L’AGRESSIVITE A LA QUALITE ARCHITECTURALE Depuis plusieurs années des villes petites et grandes ont choisi la voie de la rénovation de leur centre. La ville sort presque toujours gagnante à terme. Elle est toujours plus attrayante qu’un centre commercial, aussi beau soit-il. Les places, les rues, les alternances de murs et de vitrines, de pleins et de vides, les espaces verts, les ruptures, naturelles ou pas, de cheminement, et bien sûr les volumes architecturaux font de la ville un espace privilégié pour le commerce (comme pour la culture, le plaisir, la promenade). Cette alchimie du centre-ville tient souvent son efficacité de la réfection des immeubles anciens. Or qui dit « réhabilitation » dit retour sur le passé, histoire, et qui dit histoire dit tourisme. C’est inconsciemment dans la peau d’un touriste que se retrouve le promeneur du centre-ville. Les villes nouvelles ne disposent pas de cet atout naturel qui fait le succès des villes anciennes. Quand prendre un verre n’est pas un acte commercial, que déambuler n’est pas nécessairement aller de vitrine en vitrine, c’est que le chaland est en centre-ville, non dans un centre commercial. Comment donner à un centre commercial ce que l’on attend d’un centre-ville ? C’est la notion de qualité architecturale et urbanistique, donc de qualité de vie, qui doit s’imposer. Que ce soit en périphérie, à l’abord des villes, dans les quartiers ou en centre-ville, il importe de miser sur la qualité : diminuer le nombre et parfois la taille des panneaux d’affichage, réduire la taille des enseignes, éviter leurs clignotements agressifs, redessiner les façades en accord avec le style du voisinage, faire disparaître les parkings de la vue, assurer une qualité paysagère, abriter les cheminements d’un magasin à l’autre, assurer la mixité entre le commerce et la détente, créer des espaces de simple respiration. Le consommateur moyen change rapidement. Il vieillit et se féminise, c’est un constat démographique. Il rejette de plus en plus l’agressivité architecturale des commerces. Ses loisirs le portent à privilégier les plaisirs du tourisme. Le tourisme (6,6 % du PIB français, 786 000 emplois) est un marché en forte croissance et à 38 % urbain (27 % en littoral). Il y a un effort à faire, de la part des villes comme des centres commerciaux, pour attirer les touristes français ou étrangers. Ils représentent 40 % du chiffre d’affaires des Galeries Lafayette, un point de vente dont la seule architecture justifie une visite. Faut-il attendre l’explosion de brigades anti-enseignes pour améliorer les façades des commerces ?