Bulletins de l'Ilec

Après la quête de l’impossible consensus - Numéro 366

01/10/2005

Entretien avec Gérard Cornu, sénateur d’Eure-et-Loir, rapporteur au Sénat du projet de la loi en faveur des PME

Le titre VI de la loi du 2 août 2005 porte sur la « modernisation des relations commerciales ». Que faut-il entendre par « modernisation » ? Gérard Cornu : Le débat autour des effets pervers de la loi Galland, au premier rang desquels les marges arrière, a dépassé le cercle restreint des spécialistes au début des années 2000. Des tentatives de conciliation ont bien eu lieu, mais elles n’ont pas conduit à des améliorations sensibles. La rédaction d’un rapport a alors été confiée à Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, sur la base duquel le gouvernement s’est engagé à adapter la loi. Un groupe de travail, dont je fus membre, a ensuite été mis en place, sous la présidence de Luc Chatel, les mesures proposées ont été le résultat d’un intense processus de concertation et de négociation. Tous les acteurs du dossier ont été approchés et entendus. Voilà vraiment une réforme dont personne ne pourra dire qu’elle a été faite à la sauvette ! Plus qu’un toilettage, c’est bien une modernisation de la loi Galland qui a été menée à bien. L’évolution des relations commerciales depuis 1996, la réalité du contexte économique, et par là même le niveau du pouvoir d’achat des consommateurs, nécessitaient une remise à jour profonde de notre législation (suppression à terme des marges arrière, nouvelle définition de la coopération commerciale, assortie d’une inversion de la charge de la preuve…). Obtenir un consensus étant manifestement impossible, il me semble que le point où nous avons arrêté le curseur est probablement le bon, sachant que tout déplacement fait bouger tant de paramètres que c’est l’ensemble de l’édifice qui peut s’en trouver affecté. Quels ont été les sujets les plus sensibles dans les débats ? G. C. : Au nombre des sujets sensibles, mentionnons l’encadrement des accords de gamme, la définition précise de la coopération commerciale et surtout l’inversion de la charge de la preuve, le distributeur devant désormais être en mesure de prouver à l’autorité de contrôle la réalité des services facturés au fournisseur. Autre sujet sensible : la nouvelle définition du seuil de revente à perte, consistant à limiter les marges arrière à 20 % maximum du prix net facturé (20 % en 2006, 15 % en 2007), tout dépassement de ce pourcentage justifié par des actions effectives de coopération commerciale pouvant être imputé sur le prix de revente du produit au consommateur, dans une perspective de lutte contre l’inflation. Quelles sont les dispositions qui vous paraissent les plus importantes ? G. C. : Est désormais obligatoire l’évaluation précise et contractuelle des services de coopération commerciale ; les distributeurs sont contraints de justifier les services rendus. En cas de litige, la charge de la preuve se trouve inversée. La loi leur donne également la possibilité de remettre à l’avant les fameuses marges arrière. Un rapport sera présenté au Parlement fin 2007, sur l’opportunité de leur disparition pure et simple. Quelles sont celles que vous aviez préconisées dans votre rapport et qui n’ont pas été retenues ? G. C. : La suppression des accords de gamme : à l’issue de mes nombreuses auditions, je me suis rallié à une position plus radicale qu’un strict encadrement des accords, seule à même de régler définitivement les abus et de protéger les PME, en acceptant l’amendement de mon collègue Jean-Pierre Vial, visant à établir une corrélation automatique entre tout accord de gamme et un abus de puissance de vente. In fine, l’article 32, tout en rétablissant la notion d’abus d’accord de gamme, donne malgré tout satisfaction au Sénat, lequel, en proposant de prohiber ces accords, visait à les empêcher d’interdire d’accès aux linéaires les produits concurrents. Allons-nous vers un régime de liberté totale des prix ? G. C. : Le dispositif adopté par le Parlement régente encore la formation des prix jusqu’au début de 2008. L’observation de la période qui nous sépare de cette date permettra de savoir s’il convient d’en rester au statu quo (15 % du prix net facturé) ou de poursuivre la diminution des marges arrière, jusqu’au triple net. On ne peut donc résolument parler de liberté totale des prix. J’ajouterais a fortiori que le triple net est encore un prix contraint, par le respect de l’interdiction de la revente à perte. Et il me semble fort improbable qu’on s’achemine un jour vers l’autorisation de la revente à perte. Ce serait contrevenir à notre souci constant d’aménagement du territoire.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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