Des performances disparates selon la catégorie - Numéro 371
01/04/2006
La fréquentation des magasins est un objectif stratégique pour des distributeurs en forte concurrence. Les MDD ont toujours visé, sans vraiment l’atteindre, cet objectif, tant les consommateurs sont plus fidèles à leur prix qu’à l’appellation de l’enseigne (1). Mais les marques nationales concourent elles aussi très sûrement à cet objectif. Elles sont génératrices de trafic, du fait notamment de leur image et de leur caractère innovant. Une concurrence de fait existe donc entre MDD et marques nationales comme instruments du maintien ou de croissance de la fréquentation des magasins. Jusqu’où la place des marques de distributeurs peut-elle croître dans les rayons, sans entamer le pouvoir d’attraction des marques nationales ? C’est la question à laquelle notre étude (2) tente de répondre, par une analyse statistique des relations entre la fréquentation des magasins et la structure des variables d’offre. L’étude montre clairement que l’accroissement de l’espace alloué aux références de MDD, notamment de MDD économiques, ne s’accompagne pas d’une augmentation de la fréquentation des supermarchés. Les marques de distributeurs, économiques ou non, exercent un effet contreproductif, en moyenne, sur la fréquentation des supermarchés. Dans ce circuit, les marques nationales sont les principaux leviers du trafic. Toute réduction de l’allocation de leur espace s’accompagne d’une baisse du trafic. La raison en est que, dans un contexte où le linéaire est rare et inextensible, quand l’espace alloué aux marques nationales se restreint, il se traduit par une augmentation du nombre de références de ces marques au mètre linéaire ou, si l’on préfère, une réduction de la lisibilité de leur offre. Or les marques nationales sont, dans ce circuit, très négativement affectées par cette réduction. De ce fait, les décisions d’allocation d’espace favorables aux MDD, même si elles entraînent une augmentation plus ou moins forte de leurs ventes, exercent un effet indirect de sens opposé sur les ventes unitaires totales et la fréquentation des magasins, en raison de la réduction des ventes unitaires des marques nationales. Le distributeur ne peut utiliser les MDD comme moyen d’agir sur le trafic que dans les hypermarchés. Il s’appuie, pour obtenir ce résultat, sur le fait que les ventes unitaires de ces marques progressent proportionnellement à la part d’espace allouée à leurs références. Pour autant, un effet positif de cette politique sur les ventes unitaires totales du magasin n’est pas garanti. Une plus forte présence des MDD, notamment économiques, ne s’y accompagne pas nécessairement d’une hausse de la fréquentation. Elle est même à l’origine d’un léger déclin, en moyenne, dans les plus grands hypermarchés. Si l’on regarde les choses de plus près, on constate que la croissance de la part d’espace alloué aux références de MDD économiques s’accompagne tout d’abord, dans les petits comme dans les grands hypermarchés, d’une augmentation des ventes unitaires totales à la référence. Mais cet effet décline ensuite, dès lors que la part de références passe un certain seuil. Il ne peut entraîner un sensible accroissement de la fréquentation que si, et uniquement si, le magasin dispose de mètres linéaires en quantité importante. Une forte présence des MDD ne s’accompagne d’une forte fréquentation que dans les très grands hypermarchés. Si le distributeur ne dispose pas de cette surface, l’accroissement du linéaire alloué aux marques propres pénalise la lisibilité du linéaire des marques nationales et tend à contrarier leurs ventes unitaires. Cela entraîne une baisse de la fréquentation du magasin, à cause du poids relatif de ces marques dans son offre globale. L’effet négatif de l’illisibilité du linéaire des marques nationales est amplifié, en d’autres termes, par la force de ces marques. La structure des parts de linéaire et des parts de références n’est donc pas neutre. Elle conditionne la fréquentation des magasins et la rotation des produits. Dès lors, les marges de progression des MDD demeurent extrêmement étroites. Elles sont d’abord fonction de la surface des magasins. Il existe pour les supermarchés un niveau, en part des références, à ne pas dépasser avec les marques propres. On peut déterminer ce seuil critique à partir des résultats de l’étude. Pour les hypermarchés, la situation est un peu plus contrastée. Dans les grands hypermarchés, à surface identique, la fréquentation est plus élevée dans les magasins où la part des référence MDD est moins forte. Il existe donc aussi pour les hypermarchés un seuil critique au-delà duquel les marques propres deviennent contre-productives. Au total, si le résultat d’une augmentation du poids des marques de distributeurs dans les supermarchés est plus qu’incertain, il existe peut-être encore une marge de progression pour les MDD dans les hypermarchés, dans certaines catégories. Mais cette progression réclame une gestion extrêmement rigoureuse de l’allocation des linéaires et des assortiments, afin de ne pas faire baisser le trafic. De plus, dans tous les circuits de distribution, il existe un seuil au-delà duquel les marques propres deviennent contre-productives, faisant diminuer la rotation totale des magasins. Pour estimer les marges de progression des MDD, nous nous sommes intéressés à la contribution de chaque type de marque à la fréquentation totale, en rapportant sa part de ventes unitaires à sa part de références. Cet indicateur mesure l’efficacité relative de chaque type de marque. L’efficacité des marques nationales est à peu près la même d’un circuit à l’autre. Leurs ventes unitaires sont en moyenne partout proportionnelles à leur part de références, ce qui n’est pas le cas des marques de distributeurs. L’efficacité relative des marques propres se différencie d’abord selon leur type : MDD économiques ou non. Les MDD « premium » ont une efficacité relativement forte dans les hypermarchés de toute taille, contrairement aux MDD économiques. Ensuite, dans certaines catégories, les MDD sont réellement efficaces, et cette réussite justifie l’espace qui leur est alloué. Il arrive même que leur efficacité dépasse celle des marques nationales : les catégories concernées sont essentiellement composées de produits dont l’élaboration repose sur des techniques arrivées à maturité et qui, en général, ne demandent pas beaucoup d’innovations. Le distributeur peut en déléguer la fabrication à des PME. A l’inverse, les catégories où l’image des produits est forte et où l’innovation est fréquente semblent peu accessibles aux marques de distributeurs. (1) Hormis dans le cas de Reflets de France. (2) Etude réalisée par IRI avec les données de son panel de distributeurs, regroupant 24 catégories de produits suivies pendant plus d’un an dans 496 magasins.