Bulletins de l'Ilec

Le bon choix - Numéro 371

01/04/2006

Par Philippe Breton, PHB Consultant

De nombreuses enseignes ont récemment fait part de leur intention de développer des marques de distributeurs afin de sauvegarder leurs marges, compromises par la révision de la loi Galland. Certaines se sont aventurées à pronostiquer une part de marché de 50 % en volume. Est-ce la bonne stratégie pour relancer la grande consommation et résister à la concurrence des maxidiscompteurs ? Je n’en suis pas certain. En effet, à un niveau aussi élevé, la marque de distributeur doit changer de statut et apparaître aux yeux des clients comme une marque à part entière, et pas seulement comme une copie, moins chère, des plus grandes marques. L’acquisition de ce statut s’inscrit dans une démarche structurelle et stratégique de l’enseigne, comme ont bien su le faire les marques de distributeurs britanniques ou Décathlon avec ses marques « Passions ». La marque de distributeur assume alors de nouvelles responsabilités : elle joue un rôle de locomotive dans sa catégorie. C’est encore loin d’être le cas, sauf exception, en France. La confusion qui y entoure les marques de distributeurs, segmentées en marques économiques, cœur de gamme et « premium », ne milite pas en faveur d’une telle montée en puissance. L’importance des marques de distributeurs reste fortement conditionnée par la taille du magasin, par la catégorie de produits et par les performances des marques nationales. La performance d’une marque de distributeur se mesure selon trois critères : en quoi contribue t-elle à l’amélioration des performances de la catégorie pour l’enseigne ? Comment participe t-elle à la différenciation de l’offre du magasin et à la fidélisation des clients ? Avec quels leviers et quelles valeurs favorise-t-elle plus de proximité dans la relation avec le consommateur ? Les derniers résultats du baromètre des marques de distributeurs publiés par LSA confirment la forte variation dans l’appréciation des marques, par les consommateurs, selon les catégories. En l’état, il paraît illusoire de vouloir se passer des marques nationales, voire des marques régionales, qui participent les unes et les autres à l’animation de l’offre et permettent au client d’exercer un libre choix. Trente ans après le lancement des « Produits libres », cette liberté demeure une revendication non négociable. à charge pour les enseignes de jouer leur rôle de sélectionneurs, et de proposer un choix raisonnable – car il est démontré qu’au-delà de six possibilités le choix devient aléatoire. Les marques de distributeurs ne sont pas condamnées à occuper les seconds rôles, mais elles ne se justifient dans l’assortiment qu’à la condition de créer de la valeur pour les consommateurs et pour les magasins, sans oublier les industriels qui les fabriquent. Question de stratégie, de moyens et de cohérence, comme Tesco en apporte la brillante démonstration depuis vingt ans. La reconstruction de l’offre, pour l’adapter aux nouveaux arbitrages des consommateurs et répondre à la concurrence de nouveaux circuits de distribution, doit remettre les consommateurs et les produits au cœur du processus commercial, en redéfinissant les rôles complémentaires de tous les types de marques. * Auteur de : Les marques de distributeurs ne sont pas que des copies ! Dunod, 2004.

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