Une excellence française - Numéro 376
01/11/2006
Depuis 2005, le Financial Times (1) publie un classement des écoles de commerce en Europe. Est-ce le premier du genre ? Financial Times : L’enquête consacrée en 2005 aux mastères européens en gestion est la première réalisée par le Financial Times. Cependant, elle est dans la droite ligne des enquêtes précédemment publiées dans le journal. Depuis 2002, le FT publie un classement des MBA de par le monde. Tous les ans, ces enquêtes sont actualisées. Les résultats sont affinés et permettent aux futurs étudiants, mais aussi aux recruteurs, de choisir ce qui correspond le mieux à leurs attentes. Le Financial Times dispose d’une rubrique appelée « Business Education », où figurent tous ces classements. Comment est effectué le classement (sources, critères, entretiens…) ? F T : Notre classement 2005 est construit à partir de deux enquêtes : l’une a été menée auprès des anciens étudiants ayant obtenu leur diplôme en 2002, l’autre au moyen d’un questionnaire directement adressée aux écoles. Le Financial Times a contacté 8 520 anciens étudiants, et 2 908 ont répondu. Le but est d’obtenir une image précise des carrières de ces anciens étudiants. Elle détermine le classement selon six des seize critères, par exemple le salaire, le taux d’emploi à la sortie, la mobilité internationale… Les dix autres critères qui contribuent au classement ordonnent les réponses données par les écoles. Le Financial Times effectue d’abord un classement pour chaque critère, puis, par un jeu d’opérations mathématiques assez complexes, aboutit au classement final. Les indications qui ont trait à la durée de la formation et à son prix sont hors classement. Pourquoi le Financial Times a-t-il réalisé cette enquête? F T : Le classement a pour but de donner une vision d’ensemble des programmes offerts en Europe, ainsi que du profil et du parcours des anciens étudiants. L’enquête a une double vocation : permettre aux étudiants de trouver l’école qui correspond le mieux à leurs attentes et donner aux recruteurs la possibilité de comparer les diplômes dispensés. Notre enquête permet à chacun de prendre une décision rationnelle, dans le sens économique du terme, c’est-à-dire avec à disposition le plus d’informations possible, afin de limiter les risques. L’enquête intéresse aussi les cadres d’entreprise qui souhaitent s’engager dans une procédure de formation continue, puisqu’elle fournit des données sur la durée des formations. Quelles sont les grandes lignes du premier classement, 2005 ? F T : La première place est détenue par HEC, suivie de deux écoles dont les programmes sont internationaux. La plus internationale est le CEMS, dont les programmes sont enseignés dans dix-sept pays. Sur les dix premières écoles classées, quatre sont françaises, six, même, si l’on compte les programmes internationaux. Le haut du classement se partage entre la France et la Grande-Bretagne, qui détient les quatrième et cinquième places, même si la domination française est incontestable. Comment évolue le classement en 2006, et pourquoi ? F T : La tendance s’est accentuée. Onze des trente-cinq programmes classés sont français. Parmi les sept premières écoles, six sont françaises. Cette prédominance s’explique par le système des « grandes écoles », un dispositif franco-français s’il en est. Il confère aux établissements une certaine expertise, doublée d’une expérience, le tout dans un environnement de saine compétition qui favorise l’excellence. Le nombre d’écoles figurant dans le classement augmente, de vingt-cinq à trente-cinq. Un critère a fait son apparition : le Financial Times a tenu compte de la proportion d’étudiants qui ont effectué un ou plusieurs stages lors de leur scolarité. Au vu des résultats apparaît d’abord la chute de la London School of Economics, de la quatrième à la huitième place. Elle a échangé son rang avec celui de la Grenoble Graduate School of Business. Le CEMS remonte d’une place (deuxième), alors que l’ESCP-EAP en perd une. La plus forte dégradation concerne l’université de Bradford, de la cinquième à la vingtième place. Plus généralement, il faut noter le renforcement de la position des écoles françaises dans le haut du classement : sur les dix premières, six sont françaises – huit, si l’on inclut les programmes internationaux tels que le CEMS. Les écoles britanniques ont dans l’ensemble reculé. Il convient de remarquer l’entrée dans le classement d’écoles originaires de l’Est (la Corvinus University ou la Warsaw School of Economics). Le fait peut être mis en relation avec le Processus de Bologne (2). Ces changements s’expliquent par la performance des écoles françaises, qui s’est améliorée, ce qui a eu pour effet direct de rétrograder des écoles dont le niveau général était stable. Le phénomène a été accentuée par l’entrée de dix écoles dans le classement. (1) Enquête réalisée chaque année par une équipe de journalistes du FT (www.ft.com/businesseducation/schools2006). (2) Le Processus de Bologne vise à créer un « Espace européen de l’enseignement supérieur » en 2010. Il est dirigé par quarante-cinq pays et par la Commission européenne, en coopération, entre autres, avec le Conseil de l’Europe, l’Union européenne des étudiants, l’Association européenne des universités et l’Unice, en tant que membres consultatifs. Objectifs : faciliter la mobilité d’un pays à l’autre, pour y poursuivre des études ou y travailler, accroître l’attrait de l’enseignement supérieur européen, afin d’attirer davantage d’étudiants originaires de pays tiers, doter l’Europe d’une « assise solide de connaissances de pointe de grande qualité ».
Propos recueillis par Jean Watin-Augouard