Le grand écart - Numéro 386
01/12/2007
Que pensez-vous du classement CoolBrands ? Son « Top 20 » rend-il compte d’une réalité objective ? Jean-Baptiste Danet : Ces marques sont-elles essentielles dans la vie des consommateurs ou bien les font-elles rêver ? Selon le classement, le jugement sera nuancé. On peut néanmoins observer un grand écart entre Aston Martin et iTunes. Nul doute que la célèbre marque de voiture doit sa place au succès du dernier James Bond, Casino Royale. En revanche, classer iPod en numéro deux se justifie davantage, si l’on s’interroge sur la façon nouvelle de consommer de la musique, et sur le rôle qu’y a joué la marque. IPod correspond à un phénomène socioculturel. Même réflexion pour YouTube, qui prouve que certaines marques venant de nulle part s’installent de plus en plus vite, en créant leur marché, une tendance, une nouvelle habitude de consommation. La marque Agent provocateur est certes une « coolbrand », mais elle appartient plutôt à un marché de niche. Elle est pourtant classée au huitième rang, alors qu’iTunes est au dix-neuvième. Ces marques ne relèvent pas de l’univers des besoins mais de celui des envies. En quoi les marques présentes dans le classement CoolBrands nous instruisent-elles plus particulièrement sur la société britannique ? J.-B. D. : Ce classement est le miroir d’une catégorie de population très anglo-saxonne, au cœur de l’actualité mais qui répond à des questions mal posées, comme « quelles sont les marques que vous préférez ? » et non « quelles sont les marques qui comptent le plus pour vous ? », ou « quelles sont celles qui ont une place prépondérante dans la société ? ». Aston Martin, Agent provocateur et Green & Black’s n’ont pas de contributions vraiment déterminantes dans l’univers des marques. De manière plus générale, qu’est-ce que la hiérarchisation des marques traduit du monde dans lequel nous vivons ? J.-B. D. : Ce classement montre la rapidité avec laquelle certaines marquent acquièrent de la notoriété et sont consommées sans réticence aucune, comme le réseau social en ligne Facebook, qui n’est pas cité, ou YouTube, iPod, eBay, iTunes, qui illustrent un mode de consommation radicalement nouveau. Ce classement est un bon mélange des genres. Que peut-on induire de l’évolution d’une société à partir d’un classement de marques ? J.-B. D. : Aujourd’hui, quand on pose des questions sur les marques aux consommateurs, il faut être prudent, car elles ne portent ni sur la solidité des marques, leur histoire, leur valeur financière ou la qualité de leur stratégie. On privilégie le vécu récent. CoolBrands porte bien son nom, mais ce classement n’exprime pas la vision du consommateur moyen, ni ses préoccupations. (1). Leader mondial en conseil et création de marques, Interbrand est spécialiste depuis 1988 de l’évaluation des marques. Le cabinet publie chaque année, depuis six ans, un classement des cent premières marques mondiales. La valeur de la marque est déterminée selon la méthode de la Brand Valuation ™.
Propos recueillis par Jean Watin-Augouard