Bulletins de l'Ilec

Nouveau monde - Numéro 386

01/12/2007

Par Eric Achour, cabinet Novagraaf (conseil et services en propriété intellectuelle)

Le rêve (parfois l’inaccessible) est traditionnellement occupé par les marques du luxe automobile. Retrouver Aston Martin, Ferrari et Lamborghini aux premières places n’est pas surprenant. Il s’agit de mythes vivants, comme Ferrari – qui a toujours conçu et produit des voitures de rêve, alliant puissance et style –, ou de marques qui ont puisé dans leurs racines pour renaître à travers des véhicules qui font honneur à leur grandeur passée (Aston Martin, Lamborghini). La présence de Rolex, la montre de luxe par excellence, souligne surtout le caractère ostentatoire de ce luxe, celui d’une réussite qui ne craint pas de s’afficher, probablement celle des jeunes cadres de la City à Londres. Par ailleurs, la technique sort de la sphère de la pure performance scientifique, adossée aux codes traditionnels d’objets austères, sans attrait esthétique. Ce qui est plébiscité et fait rêver, c’est désormais une performance technique intégrée à un design abouti, qui s’insère dans le quotidien (Bang et Olufsen). Ou une expérience nouvelle de consommation, l’écoute de la musique avec un objet simple d’utilisation devenu culte (iPod) et un concept nouveau de sa distribution (iTunes). Ou encore la mise à disposition du plus grand nombre de moyens simples, puissants et beaux permettant de vivre la convergence numérique et l’explosion de l’Internet (produits Apple). Ainsi, concernant ce nouveau monde, il est très intéressant de noter que les marques phares de l’Internet qui ressortent de ce classement font émerger des entreprises qui ont créé des comportements et des économies nouvelles : – Google, qui a révolutionné la recherche sur Internet et mis à disposition du plus grand nombre la masse d’informations colossale de la Toile, et qui y a adossé un modèle économique permettant de gagner de l’argent par la publicité ciblée ; – E-Bay, qui a créé toute une économie et un écosystème fondé sur le principe des enchères, selon l’évolution d’une société qui cherche à payer le juste prix des choses, sans sombrer dans un consumérisme sauvage ; – YouTube, qui, en fondant son succès sur l’exploitation de la technologie, a su assouvir, entre autres, les besoins de créer du lien entre individus sur toute la planète, et d’exposer la créativité de chacun au plus grand nombre ; – Amazon, le précurseur dans la distribution en ligne, qui a fait exploser le nombre de références disponibles pour le consommateur par rapport aux rayons des magasins traditionnels. Notons également que le jeu, à travers les marques Playstation et Nintendo, affirme son importance dans la vie courante des jeunes et des moins jeunes, marquant aussi une volonté de rester en enfance, de s’évader et de se projeter. Une autre tendance lourde, par la présence de Green & Black’s, est la volonté de voir reconnaître l’importance du commerce équitable, une forme de développement durable à laquelle deviennent sensibles de nombreux consommateurs – et donc d’industriels et de distributeurs – qui souhaitent consommer différemment. Enfin, Virgin Atlantic a su, grâce à Richard Branson, concurrencer de nombreux secteurs et y apporter une touche iconoclaste (Virgin Cola, le transport aérien décalé…). Les marques en vogue portent clairement en elles les évolutions profondes de la consommation et de nos sociétés : elles soutiennent des produits et des services que les consommateurs plébiscitent, car ils correspondent à des attentes fortes, qui font émerger des besoins nouveaux et qui offrent des expériences uniques et renouvelées. Derrière le classement, la force ou la fragilité juridique Chaque année les marques tremblent ! Leurs classements, effectués par des organismes divers, sont rendus publics et suscitent de nombreux commentaires chez les titulaires de marques, notamment sur les critères retenus pour les construire, dans des domaines d’activité variés. Ces classements mettent en lumière la rapidité avec laquelle les titulaires de marques peuvent désormais rendre leur marque notoire. Il existe des marques qui perdurent dans le temps, qui ont assis leur notoriété au fil des ans, et d’autres qui deviennent en quelques années connues du plus grand nombre, principalement par l’expérience procurée au consommateur (innovation) et par les valeurs véhiculées, puisant dans leur patrimoine et dans l’air du temps (communication). De nos jours les sociétés doivent disposer, afin d’asseoir leur notoriété, de marques leur permettant de rayonner sur l’ensemble de la planète. Les classements ne sauraient masquer que la force d’une marque réside dans sa solidité juridique et sa capacité à protéger et à défendre son territoire. Toutes les entreprises citées mettent en œuvre une stratégie active de propriété intellectuelle dont les principales étapes sont les suivantes : 1. La marque choisie doit être distinctive, capable d’identifier le plus nettement possible les produits ou services d’une entreprise de ceux de la concurrence. Elle aura ainsi toutes les chances d’être retenue juridiquement. 2. La marque doit être disponible. Une bonne marque ne saurait être adoptée dans plusieurs pays du monde, si l’un des territoires stratégiques est inaccessible en raison de droits antérieurs empêchant tout usage sans risquer un procès en contrefaçon, de nature à réduire à néant toute l’implantation du signe. Cette vérification de disponibilité dans les pays visés constitue un préalable à tout lancement, et plus encore à tout lancement d’une marque destinée à être diffusée de façon massive au niveau planétaire (des expériences récentes montrent l’existence de trous géographique dans la protection de marques renommées). Une stratégie de levée des obstacles est, d’expérience, toujours plus aisée avant le lancement d’une marque. 3. La marque doit être gérée tout au long de sa vie en tant qu’actif immatériel à part entière, l’absence de renouvellement, de développement et même d’usage pouvant créer des situations plus que problématiques. 4. Enfin, comme tout élément de valeur, elle doit être placée sous surveillance, afin d’éviter soit de devenir dans le langage courant un élément trop identifiant (dégénérescence), soit d’être victime de son succès et de susciter les convoitises des contrefacteurs, dans un monde où Internet accélère la diffusion (des solutions de surveillance de marques sur la Toile sont disponibles). Ces considérations satisfaites, le titulaire d’une marque aura toutes les chances de réaliser le rêve de toute société : détenir une marque notoire dont le rayonnement dépasse les frontières temporelles, territoriales et juridiques, comme la plupart des marques des classements du type CoolBrands. Céline Baillet, conseil en propriété industrielle, Novagraaf

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