Gare aux bidonvilles commerciaux ! - Numéro 393
01/09/2008
En quoi la LME, touchant l’urbanisme commercial, représente-t-elle une modernisation ? Jean-Michel Silberstein : Ce n’est pas une modernisation. On ouvre les vannes de manière un peu brutale et sans mesurer les conséquences. Ce que proposait le CNCC, une restructuration du paysage fondée sur le concept de parc d’activités commerciales, est mis en concurrence avec des gens qui vont s’installer en solo au bord des routes, hors procédure d’autorisation, sans souci d’intégration dans le paysage. Il en découlera une dévalorisation des fonds de commerce. La LME va à l’encontre de l’ambition de faire de la France un pays où le commerce serait respectueux de l’environnement. Les objectifs du contrôle des implantations (L. 752-6) risquent-ils d’entrer en contradiction ? J.-M. S. : Les intentions sont bonnes et aucun des objectifs ne vient en contradiction avec les autres. C’est la loi elle-même qui peut poser problème, si la libéralisation des surfaces se fait de manière anarchique. Le risque existe de voir se développer des commerces et des bidonvilles commerciaux dans les corridors urbains (1) de municipalités peu regardantes, souvent à la périphérie des grandes villes. Les objectifs de la loi sont pertinents, mais nous ne voyons pas comment elle va les favoriser. Le risque de corruption vous paraît-il moindre ou plus élevé avec le nouveau dispositif ? J.-M. S. : Plus élevé, dans la mesure où la loi donne plus de responsabilités aux élus. Derrière la bonne idée peut se cacher le risque de réapparition de la corruption. Les élus auront le pouvoir de décider du choix de l’enseigne, ce qui va inciter certains intervenants à avoir des comportements peu licites. Espérons que cela restera hypothétique. Des magasins jusqu’à 1 000 m2 pourront être créés sans autorisation dans les petites villes. La reconquête commerciale des centres-villes va-t-elle vraiment en bénéficier ? J.-M. S. : La reconquête commerciale des centres-villes passe par leur perméabilité. On analyse toujours cette reconquête sous l’angle de leur défense, pour éviter que les habitants n’aillent faire leurs courses en périphérie. Or les premiers touchés par l’augmentation du prix des carburants sont aujourd’hui les centres-villes, à l’encontre de ce qu’on avait pu penser jusqu’à présent. Depuis quelques mois, les centres commerciaux de centre-ville souffrent davantage que ceux de la périphérie. Les résidents de la périphérie privilégient les achats de proximité. Aussi la perméabilité du centre-ville est-elle un enjeu important. Elle nécessité une véritable politique des transports en commun. Qu’est-ce qui a été, depuis la loi Royer destinée à le protéger, le plus préjudiciable au petit commerce ? J.-M. S. : Le plus préjudiciable au petit commerce, c’est le petit commerce lui-même, qui n’a pas su se restructurer. Certes, la loi Royer, en elle-même, ne l’a pas protégé, comme l’atteste le développement des centres commerciaux. Mais le petit commerce n’a pas su développer de commerces attractifs en centre-ville, pour retenir la clientèle censée y faire ses achats. (1). Regroupements d’autoroutes de transit, voies rapides et rues parallèles (NDLR).