Urbanisme commercial : prime aux formats réactifs - Numéro 393
01/09/2008
Y a-t-il dans la LME des points qui vous paraissent obscurs ou ambigus, voire contradictoires avec les objectifs recherchés ? Patrick de Saint Martin : La loi de modernisation de l’économie est un compromis entre l’interventionnisme administratif et le libéralisme. Comme tout compromis, il a ses avantages et ses inconvénients. Il en est ainsi de la distinction des communes de moins de 20 000 habitants et des autres. Jusqu’à 1 000 m2, les magasins peuvent être implantés sans autorisation dans les communes de plus de 20 000 habitants. En revanche, dans les communes de moins de 20 000 habitants, le maire, saisi d’une demande de permis de construire un magasin dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 m2, peut proposer au conseil municipal de saisir la commission départementale d’aménagement commercial, pour statuer sur la conformité du projet. Mais pourquoi ce seuil de 20 000 habitants ? En fonction de quoi a-t-il été retenu ? Personne n’est réellement capable de le légitimer. Le seuil de 20 000 habitants est en contradiction avec l’objectif de concurrence accrue. Quels circuits et quels types de marques le nouveau dispositif devrait-il favoriser ? La diversité de l’offre pourrait-elle en pâtir ? Voyez-vous une volonté politique de privilégier les marques de distributeurs et le maxidiscompte, comme a semblé le manifester, le 28 août, le secrétaire d’Etat à l’Outre-Mer à la Réunion ? P. S.-M. : Le dispositif va favoriser les formats de distribution les plus souples et les plus réactifs. Ont ces caractéristiques les maxidiscomptes, les magasins alimentaires spécialisés (produits frais…), les points de vente moyens non alimentaires et les magasins disposant de réserves pouvant être supprimées. Dire que la diversité de l’offre pourrait en pâtir signifie que l’offre actuelle est diversifiée. Elle l’est peut être au niveau global. Mais elle ne l’est souvent pas au niveau des zones de chalandise locales. Une récente étude a bien montré que la diversité de l’offre était souvent réduite à la représentation des enseignes d’un même groupe ! La diversité est souvent illusoire. Quant à dire que les maxidiscomptes vont être privilégiés, cela me semble excessif. Leur part de marché va augmenter, mais cette hausse correspond davantage à un rattrapage par rapport à un développement qu’ont bridé les précédentes mesures législatives. à la Réunion, le contexte est différent. Les départements d’outre-mer supportent des coûts de transports importants pour les livraisons de produits venant de la métropole. Le niveau des prix est élevé. Agir sur les variables produits MDD et premiers prix est beaucoup plus facile que de baisser les frais d’approche, dans le contexte actuel. L’objectif de forte et rapide amélioration du pouvoir d’achat local semble être la motivation principale de la signature de l’accord entre le secrétaire d’Etat et la FCD. On ne voit pas l’intérêt du gouvernement de favoriser les MDD et les premiers prix au niveau national. Ce serait handicaper le potentiel d’innovation et d’exportation des industriels agroalimentaires, alors que c’est un des rares secteurs à avoir une balance commerciale excédentaire. Les cinq objectifs (1) du contrôle des grandes surfaces introduits par la LME risquent-ils d’entrer en contradiction ? P. S.-M. : La LME illustre le louable souci de chercher à associer les préoccupations d’aménagement du territoire et celles du développement durable. Des critères d’évaluation sont fixés, alors qu’ils ne le sont pas pour la protection des consommateurs. La commission départementale d’aménagement commercial doit pourtant se prononcer sur les effets du projet en la matière, au même titre que pour l’aménagement du territoire et le développement durable. Il faut surtout souligner la volonté de prendre en compte la desserte des transports (deux critères : « effets du projet sur les flux de transports », « insertion dans les réseaux de transports collectifs »). En revanche, le critère de la qualité environnementale du projet peut donner lieu à toutes les interprétations possibles, tant les points de vue peuvent être opposés en la matière. Qu’est-ce qui a été, selon vous, depuis la loi Royer destinée à le protéger, le plus préjudiciable au petit commerce ? P. S.-M. : Le plus préjudiciable au petit commerce est à chercher du côté des hommes politiques et des commerçants eux-mêmes. Le discours politique dominant a été trop négatif et anxiogène. Il a refusé de mettre en valeur les aspects positifs que pouvaient tirer les petits commerçants du développement des grandes surfaces. C’est une réaction bien française ! La loi Royer a donné au petit commerce le plus mauvais signal qui soit, l’illusion d’être protégé. De même, les petits commerçants se sont souvent arc-boutés sur la défense de leurs situations acquises, plutôt que de réfléchir aux moyens d’adaptation et de développement à mettre en œuvre. Leurs représentants ne les ont pas aidés. Quelles sont, dans les autres pays européens, les règles qui organisent l’urbanisme commercial ? P. S.-M. : Dans l’Union européenne, il y a une grande diversité de règles, puisque l’urbanisme commercial est de la compétence des Etats. Grosso modo, on peut distinguer l’Europe du Nord et celle du Sud. Dans l’Europe du Nord, une majorité de pays mènent parallèlement l’étude de l’implantation du nouveau magasin et le processus du permis de construire. Les pays de l’Europe du Sud font de l’autorisation administrative un préalable à l’obtention du permis de construire. (1). « Effet sur l’animation de la vie urbaine, rurale et de montagne » ; « effet du projet sur les flux de transport », « effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l’habitation et L. 123-11 du Code de l’urbanisme », « qualité environnementale du projet » ; « son insertion dans les réseaux de transports collectifs ».