Bulletins de l'Ilec

Le label au défi de l'information - Numéro 396

01/12/2008

Plus grande lisibilité de l’offre et réassurance en cas de crise : la réponse à ces deux attentes a construit la légitimité des certificats et des labels de qualité dans l’univers alimentaire, dans les années 1990. Connaîtraient-ils déjà la fin de leur âge d’or, à raison même de leur multiplication ? C’est ce que montre une récente étude du Crédoc, qui constate une baisse de l’importance du label de qualité depuis 2000. Pour les Français, la présence d’un label est le quatrième critère d’achat (68 % ) d’un produit de grande consommation. Il occupait la deuxième place en 2000, mais n’est plus cité qu’après la présence de « garanties d’hygiène et de sécurité » (81 % ), le « prix compétitif » (78 % ) et la mention « produit fabriqué en France » (68 % ). Depuis 2000, le critère d’achat « porte un label » a perdu cinq points. L’étude souligne également que 32 % des consommateurs n’attachent aucune importance aux labels. La plus grande sensibilité au prix, que confirme le dernier « baromètre alimentation » du Crédoc (décembre 2008), ne fait mystère pour personne : les consommateurs arbitrent de plus en plus leurs dépenses au détriment de l’alimentation. La perte de reconnaissance des labels s’expliquerait également par la diminution des risques sanitaires perçus. Grâce aux progrès de la traçabilité, les crises sanitaires seraient derrière nous. « L’attention portée aux labels de qualité est un phénomène générationnel : plus les générations sont récentes, moins les individus sont incités à l’achat d’un produit possédant un label de qualité », explique l’étude. Echappent à cette désaffection le Label rouge (viande et volaille) et les fruits et légumes issus de l’agriculture biologique (AB). Le Crédoc voit là l’impact du Programme national nutrition santé (PNNS), qui fait de l’alimentation le principal vecteur de l’excellence sanitaire. Aujourd’hui, près de 60 % des Français sont disposés à payer plus cher des viandes ou des volailles portant un signe officiel de qualité. Le biologique, lui aussi plus onéreux, acquiert ses lettres de noblesse : en 2000, pour définir ce qu’était un aliment de qualité, 6 % des Français citaient le terme « bio » ; ils sont 13 % en 2007. Le Crédoc a dressé une typologie des consommateurs devant les labels. Parmi les 52 % de ceux qui croient aux vertus des produits labellisés, il distingue les « confiants » (29 % ), les « engagés bio » (15 % ) et les « convaincus terroir et traditions » (8 % ). Parmi les 48 % peu sensibles ou méfiants : les « désimpliqués » (16 % ), les « défiants » (19 % ) et les « antilabels » (13 % ). Les signes de qualité ont-ils encore un avenir ? Oui, assure le Crédoc, à condition de proposer des critères plus porteurs de sens pour les jeunes générations. La voie semble ouverte par la « consommation engagée », dont le même Crédoc (2) a observé la montée en puissance : 44 % des Français disent tenir compte des engagements des entreprises en matière de citoyenneté avant d’effectuer leurs achats, et une minorité non négligeable d’entre eux seraient des « consom’acteurs » ou « alterconsommateurs » systématiques. Le label étendrait ainsi son territoire, de la qualité intrinsèque du produit à son empreinte sociale ou environnementale. Pour ce qui regarde l’alimentation et sa qualité, une étude TNS Sofres de 2006 indiquait que « près des trois quarts des Français s’estiment bien informés sur les aliments qu’ils consomment (74  % ), même si seuls 8  % d’entre eux se déclarent “très bien” informés » (3). Ce haut degré d’information n’a pourtant pas nécessité une démarche particulière. Dans la dimension sanitaire, la confiance, en dépit de crises ponctuelles, caractérise la relation des consommateurs à l’égard des produits mis en marché. Mais qu’en est-il dans la dimension sociale ou environnementale ? Une autre enquête TNS Sofrés, menée en magasins et au domicile de plusieurs groupes de consommateurs (4), évalue la durée moyenne de prise en main des produits de grande consommation, entre le rayon et le chariot, à six secondes pour les achats récurrents et dix pour les achats inhabituels. Ces durées incluent le temps d’une vérification de la date limite d’utilisation optimale (DLUO) et de la fraîcheur apparente des produits frais, éventuellement de leur provenance, de la composition des articles de soin de la personne, ou de l’intégrité de l’emballage des produits d’entretien. En épicerie, les produits habituels ne sont en rien vérifiés. Pour un produit nouveau (du point de vue du chaland), la manipulation voire l’ouverture complètent l’examen. En magasin, les informations environnementales ou nutritionnelles portées sur le produit ne sont donc pas prises en considération, même si la plupart des consommateurs ont « vu » certains signes et mentions spécifiques. Elles semblent répondre davantage à une volonté des pouvoirs publics, ainsi que des distributeurs et de leurs fournisseurs, qu’à un besoin d’information associé aux actes d’achat. Lors de ceux-ci, le chaland, observe TNS, s’oriente essentiellement à l’aide de deux « filtres » : le prix et la marque. L’un figure sur le rayon, l’autre sur le produit. Auprès de certains consommateurs, un label tient sans doute lieu de marque, agissant comme filtre à l’abord du rayon. (1) Les Signes officiels de qualité en perte de reconnaissance, de Gabriel Tavouralis, n° 212, 10 juin 2008. (2) In Consommation et modes de vie, mars 2007. (3) « Les enjeux du quotidien », les Français et l’alimentation, février 2006. (4) Enquête présentée le 11 décembre 2008 lors de la journée « Emballage et affichage environnemental » d’Eco-Emballages. TNS Sofrés souligne que les comportements observés en magasin ne varient pas de façon significative avec le milieu social des consommateurs.

J. W.-A., F. E.

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