Lecture claire pour achat responsable - Numéro 396
01/12/2008
Quelles informations le consommateur attend-il dans ses achats quotidiens? Bruno Genty : Je ne sais pas exactement ce que « le consommateur » attend. Je pense qu’il convient d’être plus proactif et donc d’envisager quelles pourraient être les informations qui seraient de nature à l’aider à mettre en relation son éventuel souci de l’environnement avec ses actes d’achat. Partant de cette logique, un certain nombre de consommateurs pourraient modifier leurs pratiques d’achat en disposant d’informations visibles, lisibles et vérifiables, qui mettraient en évidence les impacts environnementaux du produit qu’ils désirent ou dont ils ont besoin. Cela permettrait de mettre en évidence qu’à besoin identique le consommateur dispose d’un certain nombre de réponses déjà disponibles sur le marché. Cela mettrait en relief sa coresponsabilité, là où nous avons tous tendance à rejeter la responsabilité sur les seuls producteurs. Ses attentes ont-elles évolué récemment de façon significative ? B. G. : Au risque de faire toujours la même réponse, je dirais que lorsque les informations ont été bien faites (lisibles, visibles et vérifiables), la demande a permis de modifier l’offre de manière importante. La meilleure illustration est celle des étiquettes « classe énergie ». Rappelons-nous : on trouvait dans les commerces des produits électroménagers très énergivores (classes E, F ou G) ; aujourd’hui, on trouve essentiellement des produits A, A+, voire A++, et quelques produits B ou C. Quels sont les champs d’information et leur hiérarchie possible, entre composition des produits, emploi, prix, impact santé, impact environnemental ou éthique ? B. G. : Les critères peuvent souvent être regroupés. C’est le cas des critères « santé » et « impact environnemental », mais d’autres aussi. Les critères « éthique » et « transport » sont souvent corrélables. Comme on ne peut pas tout inscrire sur l’emballage, il faut faire des compromis. Ainsi, on peut accepter qu’à terme les impacts environnementaux soient signalés par un code couleur, à condition qu’au préalable un travail d’information voire d’éducation ait été mené en direction des citoyens. A FNE, nous défendons la mise en place d’un programme ambitieux d’éducation populaire à la consommation soutenable. Quant à la hiérarchie des critères, on ne peut pas raisonner indépendamment de la nature de produit. L’emballage n’a pas grande importance pour un produit à longue durée de vie (il ne revient qu’à intervalles très espacés). Inversement, il est important pour un produit frais consommable. Pour d’autres articles, la longévité sera un critère essentiel. Le premier plan français de prévention des déchets prévoyait une norme expérimentale sur la durée de vie prévisible des produits : il est fâcheux que ce projet n’ait pas abouti, alors que certains producteurs (de piles et ampoules à basse consommation) mentionnent cette information de manière volontaire ! Allonger la durée de vie des produits revient à satisfaire les mêmes besoins en réduisant la consommation de ressources et la production de rejets (liquides, solides et gazeux). Où le consommateur s’attend-il à trouver les informations les plus utiles ? B. G. : Indubitablement sur le produit lui-même, car il en conserve la trace après être sorti du magasin. Cependant, on peut imaginer des informations à proximité immédiate du produit (étiquettes, « stop-rayons »…). D’autres actions, menées plus loin du produit, peuvent aussi avoir leur utilité : plaquette d’information, possibilité d’accès à des données détaillées sur demande du consommateur, sites Internet, etc. Devant la complexité des messages et la multiplication des signes de qualité, des labels, des appellations, sur quoi le consommateur peut-il se fonder pour faire son choix ? B. G. : D’abord sur les écolabels officiels. Même s’ils ne sont pas la panacée, ils offrent des garanties aux consommateurs. A produit identique, celui qui est écolabellisé est toujours meilleur pour l’environnement que son homologue qui ne l’est pas. Au-delà, les consommateurs pourront se fonder – cela prendra encore quelques années –, sur un affichage environnemental dont la procédure et les contenus seront validés par des organismes indépendants des fabricants et des commerçants. L’Ademe et l’Afnor travaillent à un guide des « Principes généraux pour l’affichage environnemental des produits de grande consommation ». Qu’est-ce qu’il est techniquement possible de collecter et d’afficher ? L’empreinte carbone est-elle un indicateur suffisant ? B. G. : Mettre en place brutalement l’empreinte carbone (qui n’intègre d’ailleurs pas toutes les externalités environnementales), c’est se faire plaisir entre experts. Là encore, tirons les enseignements de ce qui a bien fonctionné par le passé. Ainsi, l’étiquette « classe énergie » ne concernait initialement que la consommation d’énergie en phase d’utilisation. Cela était donc théoriquement vérifiable par le consommateur. Progressivement, l’étiquette « classe énergie » a intégré d’autres critères, comme la consommation d’eau. A terme, il faudra parvenir à un affichage globalisant, intégrant tous les impacts environnementaux. Cela devra se faire progressivement et de manière pédagogique, sinon le consommateur n’y comprendra rien. On peut imaginer différentes séquences successives : un temps sur le critère « transport », un autre sur le critère « déchets », etc. Enfin, et cela me paraît essentiel, il faudra que ces critères environnementaux se traduisent par des leviers financiers discriminatoires, qui encouragent les produits aux moindres impacts et qui pénalisent ceux qui en ont le plus. Cette volonté figure dans l’article 47 du projet de loi « Grenelle 1 ». Se limiter à l’affichage sans traduction financière incitative serait regrettable. On ne peut clamer à longueur de journée que l’on veut relancer l’économie par une croissance verte sans que cela s’accompagne de leviers cohérents. L’empreinte environnementale d’un produit et de sa chaîne d’approvisionnement est-elle toujours assez constante pour faire l’objet de mesure ? B. G. : Non, et c’est bien sûr un des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Cependant, de nombreux producteurs (produits laitiers, eaux de source embouteillées…) ont réussi à tenir compte d’une variation géographique de leurs fournisseurs et sont en mesure (ils y sont contraints réglementairement) d’indiquer sur leurs produits la provenance du lait ou la source utilisée. Lorsque l’on parviendra à systématiser les dispositifs de REP (responsabilité élargie des producteurs – l’échelon communautaire commence à parler de REIP ou responsabilité élargie individualisée du producteur –), il faudra bien que cette variable soit prise en compte, afin de déterminer précisément le montant de la contribution due par le metteur en marché. Enfin, cette contrainte peut aussi devenir un levier en faveur d’une logique d’amélioration continue.
Propos recueillis par Jean Watin-Augouard