Matrice de collectif - Numéro 441
01/02/2014
Diriez-vous que l’image de la France à l’étranger est plutôt constante, ou sujette à la conjoncture ?
Guénaëlle Gault : Il y a dans le monde une perception assez globale et constante de la France, construite sur des marqueurs forts mais aussi des stéréotypes solides. Ces marqueurs sont les valeurs portées par notre devise, notre engagement historique dans le combat des droits de l’homme et notre contribution au patrimoine culturel mondial. Des marqueurs essentiellement culturels, politiques voire philosophiques, qui ont éclipsé l’histoire économique de notre pays. En la matière, la prééminence de la France se cristallise sur des secteurs liés, là encore, à son patrimoine (mode, gastronomie) plus que sur les secteurs de pointe où pourtant elle se distingue (nucléaire, recherche médicale, aérospatial…). Pour caricaturer, la France est reconnue comme puissante et éminemment attractive du fait de ses racines, qui continuent à rayonner, plus que pour ce qu’elle est vraiment aujourd’hui ou pourrait être à l’avenir. Il est vrai que, de façon plus conjoncturelle, l’image de notre pays peut connaître des variations. C’est essentiellement fonction de ses engagements sur la scène internationale, engagements militaires notamment. On a pu le constater lors des conflits en Irak, en Libye où plus récemment au Mali. Et cela se passe alors à des niveaux relativement locaux. TNS Sofres a mené il y a deux ans une enquête1 sur l’image de la France dans douze pays.
Si vous deviez reconduire cette enquête maintenant, vous attendriez-vous aux mêmes résultats ?
G.G. : Je crois qu’on y observerait une accentuation de certains résultats. Je pense notamment à l’un des principaux enseignements de cette étude : le grand écart entre la façon dont on nous voit à l’étranger – la cote d’amour dont nous bénéficions – et la façon dont nous nous envisageons nous-mêmes. Les Français ont une vision très dépréciée d’eux-mêmes en tant que collectif. Une vision qui va de pair avec ce que certains nomment la « panne du roman national ». Une difficulté à envisager un projet collectif, à se projeter dans l’avenir, qui produit un complexe d’infériorité : le « déclin français ». Cela, alors même qu’à y regarder de plus près, les Français font preuve d’une indéniable résilience individuelle.
Quels sont selon-vous les trois mots clés qui singularisent la France, au vu des résultats de cette enquête ?
G.G. : La singularité, justement. Ce qui revient souvent quand on parle aux Français de leur pays, mais aussi aux étrangers de la France, c’est l’idée d’un « je ne sais quoi » qu’on ne retrouve nul par ailleurs et qui s’exprime dans toutes les sphères. Le style, aussi. La French touch. Qui va avec la créativité. Et l’engagement, enfin. Qui recouvre des notions de droit, de respect mais aussi de passion.
La démarche « marque France » peut-elle ambitionner de changer l’image de la France à l’étranger ?
G. G. : Je pense en tout cas qu’elle est opportune. Et sans doute avant tout pour les Français eux-mêmes. Cette démarche cherche à réarticuler le local et le global. La mondialisation, on le sait, a beaucoup déstabilisé le cadre de pensée des Français. La marque France, même si elle n’y suffira pas à elle seule, peut être le signe envoyé d’un nouveau chapitre. Elle pourrait structurer et donner à voir notre identité : c’est d’ailleurs la fonction de toute marque. Relayer et transformer en quelque chose de collectif le potentiel pour l’instant disséminé des Français. Permettre de l’identifier et de le décliner, et du même coup raviver la fierté dont manquent aujourd’hui cruellement les Français. En rebond, cela permettrait de nourrir, et en quelque sorte d’actualiser, la vision que l’on a de la France à l’étranger. Et de faire évoluer les stéréotypes qui l’entourent, sans perdre ce qui fait notre identité aux yeux du monde.