Objectif zéro - Numéro 453
01/11/2015
Qu’attendez-vous de la Cop 21 ?
Gilles Berhault : Elle marque la fin d’une négociation engagée pour compenser l’échec de Copenhague. Nous devons en profiter pour mettre en valeur les opportunités et donner à chacun la possibilité de faire un bout de chemin. L’enjeu climatique met en cause notre modèle, nos conditions de vie. Si l’on ne fait rien, des problèmes majeurs vont surgir d’ici vingt ans. J’attends de la Cop 21 un texte renforçant les engagements des pays. Cent cinquante ont déjà pris des « intentions de contributions nationales » qui feraient gagner 1 à 1,5 degré, ramenant le réchauffement annoncé par le Giec de 4,6 à 3 degrés. C’est une bonne étape, ce n’est pas suffisant. La Cop 21 doit affirmer une envie d’avenir, une mobilisation forte. Elle doit montrer qu’il y a des solutions performantes. Il faut les étudier toutes sans a priori.
Pourquoi les entreprises ne sont-elles qu’« observatrices » dans les négociations climat ?
G. B. : Les négociations portant sur le climat relèvent des États et d’eux seuls. La convention cadre des Nations unies contre le changement climatique créée après le Sommet de la Terre de 1992 réunit aujourd’hui 196 membres, appelés parties, soit 195 pays plus l’Europe avec une parole commune pour les États européens. Des représentants de la société civile et non étatique ont depuis été invités à participer en tant qu’observateurs : les entreprises, les collectivités, les ONG, les centres de recherche, les syndicats… Cette ouverture à d’autres acteurs permet de nourrir les négociations. Les mêmes règles existent pour la Convention sur la préservation de la biodiversité et la Convention contre la désertification. Le programme mondial « RE 100 », qui réunit trente-huit sociétés dont Nestlé, P&G, J&J, Unilever, Mars ou Philips, vise à ce que leur consommation d’énergie soit à 100 % d’énergies renouvelables.
Comment un État peut-il encourager de telles initiatives d’ampleur mondiale, même s’il n’est pas le premier à en bénéficier (en termes d’« objectifs nationaux » de réduction des émissions, car ces initiatives ne se déploient pas forcément partout au même rythme) ?
G. B. : Les États sont les premiers à en bénéficier, car ils représentent les citoyens et les conditions du développement humain ne pourront être viables que dans la mesure où les émissions de carbone seront réduites. Aujourd’hui, les États ne peuvent avoir comme feuille de route que de viser zéro émission de carbone, à plus ou moins long terme bien sûr ! C’est l’intérêt de tout le monde que de telles sociétés s’engagent, car les habitudes freinent encore certaines mutations impératives. Parallèlement à la transition vers les énergies renouvelables, ces sociétés doivent aussi améliorer leur efficacité énergétique. Treize multinationales dont Apple, Coca-Cola, Wallmart et Google ont signé un « American Business Act n Climat Pledge » le 27 juillet 2015, sous l’égide de la Maison-Blanche (140 milliards de dollars pour des projets à faible émission de carbone en fonction de leur secteur d’activité).
Ce type de parrainage des pouvoirs publics est-il possible en France ?
G. B. : Oui, même si cet exemple est caractéristique des relations américaines entre les entreprises et les pouvoirs publics. L’État français a compris les enjeux : il ne peut prendre une décision sans travailler clairement avec ceux qui vont l’appliquer. L’action repose sur les territoires, les entreprises et les citoyens, avec l’État et son rôle de mobilisation, qui peut se traduire par une labellisation, un encouragement au partenariat. Le coût des transferts technologiques peut conduire l’État à aider à son financement. À cet égard, Solutions Cop 21 montrera au Grand Palais du 4 au 10 décembre que des solutions existent, qu’elles doivent être débattues, appropriées. Il faut une vraie dynamique collective, l’envie d’agir.
Les entreprises internationales ont-elles une capacité d’entraînement que n’ont pas les États ?
G. B. : Difficile de comparer. Certes, les multinationales ont une puissance et une capacité de réaction rapide que n’ont pas toujours certains États. En tant qu’acteurs sociétaux, elles se doivent d’agir contre le réchauffement climatique. C’est aussi une opportunité pour elles d’inventer de nouvelles solutions, de nouveaux procédés, de répondre à de vrais besoins liés à l’évolution des marchés. Il n’y a pas de solution ni d’acteur miracle, États et entreprises sont confrontés aux mêmes impératifs.
Tous les acteurs doivent jouer leur rôle dans la transition énergétique. Faut-il abandonner l’actuel système d’échange de quotas d’émission ?
G. B. : Il a eu son utilité, des vertus pédagogiques, mais il a montré ses limites, il ne répond plus aux besoins. Il faut associer une valeur aux externalités négatives, particulièrement sur un plan financier ; on a donc besoin d’une taxe ou d’un prix carbone suffisamment important, de l’ordre de 40 €, en maîtrisant bien l’aspect spéculatif.
Quels sont les freins à la mise en place de « signaux prix » (en faveur des moteurs hybrides par exemple) ?
G. B. : Les signaux prix sont importants pour orienter les actes d’achat. Il faut une réflexion sur le dumping environnemental : les panneaux photovoltaïques importés de Chine ont ainsi un impact environnemental sur le plan du transport, ils ne sont pas obligatoirement écoconçus dans le pays d’origine, ils concurrencent des panneaux solaires conçus en Europe qui respectent les règles environnementales mais sont vendus plus cher. Nous avons donc besoin de régulation et de protection des frontières sur le plan environnemental.