Intégration des talents - Numéro 455
01/03/2016
Combien d’emplois Bel représente-t-il en France ?
Emmanuel Parvillez : Le nombre des emplois en France s’élève à 3 350 (et à 11 000 dans le monde). Ils se répartissent en trois catégories. La première, qui représente les deux tiers, est la population industrielle présente sur nos sites de production, deux dans l’ouest de la France, trois dans l’est, et un centre de recherche-développement à Vendôme. La deuxième population est constituée des équipes commerciales et marketing, et la troisième des équipes de notre siège social de Suresnes.
Quelle est la tendance du niveau de qualification dans vos effectifs ?
E. P. : La transformation de notre outil industriel, conduite autonome, automatisation, intégration des tâches de maintenance, nous a conduits à élever le niveau de qualification dans nos usines. Pour les autres catégories, nous demeurons caractérisés par des emplois qualifiés, voire très qualifiés.
Y a-t-il des besoins en emplois non satisfaits dans votre entreprise et sa filière ?
E. P. : Nous n’observons pas d’emplois non satisfaits, nous n’avons pas de pénurie sur nos marchés. Pour autant, notre niveau de compétence attendu augmente la difficulté de recrutement pour certains profils, du fait d’une technicité supérieure qui exige des compétences nouvelles. Nous rencontrons quelques difficultés à pourvoir les métiers de la maintenance ou du digital. Et notre entreprise a une stratégie de marque, elle se doit de recruter les meilleurs en marketing.
Jusqu’où dans l’avenir se portent vos anticipations relatives aux métiers et qualifications de demain utiles à votre activité ?
E. P. : Nous avons un plan stratégique ambitieux, qui vise à doubler de taille à l’horizon 2025. Nous devons donc anticiper toutes nos ressources et compétences pour obtenir ces résultats, aussi bien sur le plan industriel que sur celui du courant d’affaires, notamment à l’étranger. Chez Bel, groupe familial français, dont la culture d’entreprise repose sur des valeurs fortes, les équipes ressources humaines groupe jouent un rôle essentiel d’intégration des talents et de formation, pour soutenir le développement international. Combien le groupe Bel compte-t-il de nationalités dans ses effectifs ? E. P. : Je dirais autant de nationalités que de pays où le groupe est présent, c’est-à-dire… cent vingt !
À quel niveau, en proportion de vos emplois directs, estimez-vous le volume d’emplois indirects (fournisseurs, prestataires, sous-traitance) correspondant à votre activité ?
E. P. : Question difficile ! Si l’on compte les producteurs laitiers et la filière laitière, les fournisseurs d’emballages (aluminium, carton, cellophane, cire), les transporteurs-distributeurs, cela représente entre 30 et 50 % des emplois directs.
Votre gestion de l’emploi sur vos sites français a-t-elle fait l’objet de nombreuses adaptations ou réorientations au cours des dernières années ?
E. P. : Oui, comme je l’ai souligné, elle s’est adaptée en fonction des changements dans les méthodes industrielles, comme le lean management, les outils, l’automatisation, la maintenance. Tout cela modifie les compétences. Nous avons développé un « Bel Factory Training Path », développé dans toutes nos usines, qui définit pour chaque métier lié à la production le niveau de compétences et de connaissances requis, ainsi que les formations nécessaires pour les acquérir. Cela représente cent cinquante formations regroupées pour vingt-huit métiers repères sur les lignes de production. Quand aucun programme ne répond au besoin, les équipes de la formation industrielle conçoivent des formations sur mesure. Nous avons également créé une plateforme numérique simple qui permet d’accéder à des formations en ligne. Et nous avons adapté nos équipes au siège en intégrant des profils plus internationaux.
Quels sont aujourd’hui les critères majeurs susceptibles d’encourager ou de dissuader une décision d’investissement en France, pour un groupe français à la conquête de l’international ?
E. P. : Bel est un groupe français qui n’a jamais cessé d’investir en France. C’est un territoire essentiel pour lui. Nos usines françaises et nos centres de recherche-développement basés en France nous permettent de déployer notre excellence industrielle dans le monde entier.
Les contraintes et obligations légales en matière de recrutement pèsent-elles plus en France que dans les pays voisins ?
E. P. : Non, les contraintes ne sont pas plus importantes et les obligations sont identiques, notamment en matière de non-discrimination. Quel type d’incitation publique serait susceptible d’avoir un effet sur des décisions d’investissement en formation dans un groupe comme le vôtre ?
E. P. : Notre niveau d’investissement en formation a toujours été élevé et représente 3 % de la masse salariale. Nous n’attendons pas de l’État ni d’instances particulières une incitation à embaucher. Nous sommes néanmoins satisfaits de la dernière réforme portant sur la formation, qui nous conduit à être plus attentifs aux objectifs du développement de nos collaborateurs. Nous n’avons plus d’obligation de dépenses mais des obligations de moyens et de résultats pour développer leurs compétences.
Êtes-vous en relation avec les universités des bassins d’emploi correspondant à vos sites industriels et commerciaux ?
E. P. : Oui, nous sommes en contact avec des écoles nationales d’industrie laitière (ENIL), des écoles de commerce et d’ingénieurs, pour faciliter l’intégration des jeunes étudiants et des jeunes professionnels.
Avez-vous mesuré auprès des jeunes l’image du groupe Bel et de ses marques ?
E. P. : Elle est très bonne. Nous sommes une entreprise attractive pour les profils marketing, notamment les jeunes, qui reconnaissent la puissance de nos marques et leur succès international. Nous attirons bien les jeunes dans le marketing, car nos marques sont très connues. Notre groupe a également une bonne aura grâce aux valeurs qu’il porte. En tant qu’entreprise familiale, Bel est perçue comme une entreprise positive et bienveillante, qui s’inscrit dans une stratégie de développement à long terme.
Quelle place tient la validation des acquis de l’expérience (VAE) dans votre politique de ressources humaines ?
E. P. : Nous sommes à l’écoute de toutes les demandes de VAE, mais celles-ci ne sont pas nombreuses, cela ne fait donc pas partie des priorités de notre politique de ressources humaines. Nous accompagnons cependant les démarches des salariés intéressés par la VAE.
Votre groupe a-t-il créé un CFA ou autre structure de formation ?
E. P. : Non, nous n’avons pas de centre de formation. Chaque année nous accueillons une centaine d’apprentis. Nous avons des objectifs fixés par l’État de pourcentage de notre effectif en apprentissage et contrat de professionnalisation. Nous continuons à développer ce type d’accès à l’emploi, par l’apprentissage, mais le volume n’est pas suffisant pour créer un CFA, et les apprentis n’ont pas tous le même niveau de formation (niveau CAP, bac + 2 ou bac + 5…) ou le même domaine de compétences (domaine industriel, commercial, marketing ou autre…).
Avez-vous pris des mesures visant au transfert de compétences entre générations ?
E. P. : Oui, car nous avons un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences comme il est demandé par la loi. Nous avons pris un certain nombre d’engagements, en particulier dans le domaine du tutorat et du transfert de compétences entre les plus anciens et les plus jeunes. Nous avons mis en place une équipe chargée de centraliser et de formaliser notre savoir-faire, pour pouvoir le transmettre à tout type de nouveau collaborateur, jeune ou étranger.
Les grands groupes savent-ils bien accueillir chaque nouvelle génération culturelle de jeunes salariés ?
E. P. : Oui ! Il n’y a pas de vrai problème de génération. Depuis cent cinquante ans, les générations se sont succédé, contribuant chacune et ensemble au développement de notre groupe. Il faut seulement savoir adapter les organisations aux nouveaux marchés, aux nouvelles méthodes de travail qu’apporte la transformation digitale. Ces évolutions culturelles concernent l’ensemble du groupe, quelles que soient les générations. Il n’y a pas de problème intergénérationnel, il faut simplement bien accompagner les transformations de l’entreprise.
La proportion de plus de 55 ans a-t-elle augmenté ces dernières années dans vos salariés ?
E. P. : Elle a tendance à stagner sur un plan global et à augmenter un peu dans le domaine industriel, car le turn over y est plus faible. Ces métiers sont des métiers de bassins d’emplois, plus stables que les métiers du marketing ou du commercial, eux plus mobiles.
Y a-t-il chez vous sur l’emploi un effet des pressions déflationnistes qui caractérisent le marché français depuis trois ans ?
E. P. : Nous relevons le défi de la pression commerciale de nos clients par une meilleure exécution commerciale et par une offre incontournable. Nos équipes développent des stratégies de marques et d’assortiment pour répondre au mieux aux besoins du marché. Mais évidemment, il ne faudrait pas que la déflation dure trop longtemps.
Propos recueillis par J. W.-A.