Bulletins de l'Ilec

Du bon usage de la concurrence - Numéro 456

01/04/2016

La diversification qui se dessine en France pour la filière REP emballages est sans véritable équivalent en Europe. Entretien avec Mathieu Hestin, Deloitte Développement Durable

En quoi la diversification des éco-organismes peut-elle contribuer à optimiser sa performance ?

Mathieu Hestin : C’est déjà une réalité dans certaines filières, comme celles des D3E ou des piles et accumulateurs. Pour la filière emballages, c’est le cas dans certains pays, l’Allemagne qui compte une dizaine d’éco-organismes, l’Autriche… Il faut analyser la diversification des éco-organismes en fonction du type de REP, REP opérationnelle ou REP contributrice (financière) : la D3E relève de la première, puisqu’elle a la responsabilité opérationnelle de la gestion des déchets, de la collecte au recyclage ; les emballages et les papiers graphiques sont des filières contributrices, qui n’ont pas la gestion opérationnelle des déchets, dont la responsabilité revient aux collectivités locales – dans ce cas, les éco-organismes leur versent un soutien financier déterminé par le cahier des charges. La diversification peut avoir deux types d’effets : les effets positifs d’une concurrence qui optimise les coûts, suscite l’émulation, pousse à l’innovation ; mais si la concurrence porte uniquement sur les coûts, il y a risque de solutions moins-disantes par rapport aux objectifs de recyclage. Hors les cas particuliers du Royaume-Uni et de la Pologne, la concurrence ne concerne aujourd’hui en Europe que des filières opérationnelles. En cas de concurrence dans la filière emballages, la France représenterait un cas singulier, puisqu’il s’agit d’une filière contributrice. In fine, le choix d’organiser la filière autour d’un ou de plusieurs éco-organismes relève des metteurs en marché. Le Code de l’environnement prévoit que « les contributions perçues » par les éco-organismes « et les produits financiers qu’elles génèrent sont utilisés dans leur intégralité pour [leurs] missions » (L. 541.10).

Certains éco-organismes se seraient-ils trop éloignés de leur mission financière ?

M. H. : Non. Au reste, bon nombre d’entre eux n’ont pas qu’une mission financière mais aussi une mission opérationnelle. Un censeur d’État est désigné auprès de chaque éco-organisme, qui l’accueille dans son organe délibérant. Par ailleurs, des contrôles périodiques sont effectués par les pouvoirs publics sur la totalité des missions. Les activités des éco-organismes sont donc relativement bien encadrées, ce qui empêche les excès.

Faut-il affecter par avance leurs éventuels excédents de trésorerie ?

M. H. : Les excédents liés aux activités relevant de l’agrément sont encadrés par le cahier des charges. Ils doivent être dotés en provision pour charges futures, et des seuils sont à respecter, qui dépendent du chiffre d’affaires de l’éco-organisme. Les produits financiers perçus par le titulaire doivent être utilisés pour ses diverses missions, dont fait partie l’aide à l’investissement dans le tri optimisé.

Un éco-organisme a-t-il vocation à surveiller la R&D de ses contributeurs au nom d’objectifs d’écoconception ?

M. H. : Surveiller, non, accompagner, oui, dans les démarches d’éco-conception, par exemple, leur fournir des outils, des conseils. Il peut également participer à des missions de R&D qui présentent un intérêt général pour la filière.

Propos recueillis par J. W.-A.

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