Bulletins de l'Ilec

Attention fragile ! - Numéro 456

01/04/2016

Pour l’Association des maires de France, le risque d’instabilité financière doit être à toute force conjuré, en cas de retouche profonde du dispositif. Entretien avec Sylviane Oberlé, chargée de mission de prévention des pollutions, AMF

L’AMF s’est dite hostile à « l’étatisation du modèle français de tri et de recyclage des déchets » et au remplacement d’un « cadre juridique souple et léger »1 par une commission administrative… Quel en serait le risque ?

Sylviane Oberlé : La force du modèle est le partenariat. S’il est parfois long d’arriver à une décision, une fois prise elle est mise en œuvre par ceux qui l’ont construite. Si l’État décide, la procédure va plus vite, mais quand il faut passer à la mise en œuvre, les parties n’ayant pas été consultées peuvent s’installer dans une opposition à la mesure, et l’État a des possibilités limitées pour l’imposer. Nous craignons que l’acceptation ne devienne plus difficile et que le dispositif ne se bloque. Par ailleurs, les pouvoirs publics envisagent la création d’un fonds national pour l’amélioration du recyclage, mais on ne sait pas comment il va être géré. On connaît l’aptitude de Bercy à collecter des fonds, moins à les reverser aux collectivités.

Que redouteriez-vous si le prochain cahier des charges ne prévoyait pas le décalage d’un an entre les agréments des éco-organismes et leur prise d’effet ?

S. O. : La filière emballage a un statut particulier lié aux montants en jeu, qui pour une collectivité se chiffrent souvent à plusieurs millions : la collectivité collecte pendant une année et perçoit les soutiens correspondants au début de la suivante. C’est pourquoi un système d’avance a été mis en place dès 1992 : par exemple, la collectivité collecte pour 2016 et perçoit quatre fois 20 % des sommes qu’elle a perçues en 2015, sous forme d’acomptes, et le solde en 2017. Ce système lui évite l’avance d’une année complète de trésorerie. Mais ce n’est possible que si les éco-organismes ont la trésorerie nécessaire. Au début de l’année prochaine, il y en aura deux, voire trois. Les metteurs en marché prendront le temps de comparer les offres en début d’année. S’ils ont dénoncé leurs contrats en attendant de choisir, il n’y aura pas beaucoup de cotisations en début d’année. Les éco-organismes n’auront donc pas la trésorerie nécessaire aux acomptes, et les collectivités n’auront pas d’argent. Le dispositif risque d’être bloqué tout le premier semestre, où les déchets seront pourtant collectés et les tonnages recyclés. Il n’est pas possible de suspendre le dispositif pendant ce temps. L’instabilité financière et juridique qui s’annonce n’est pas acceptable. Nous plaidons pour un décalage d’un an entre les agréments et leur prise d’effet. Dans ce cas, le dispositif actuel reste en place une année afin d’assurer le financement de la collecte et du recyclage en 2017. Pendant cette année, les metteurs en marché comparent les offres et décident de l’éco-organisme auxquels ils veulent adhérer. Au début de 2018, ils ont fait leur choix, les éco-organismes connaissent leurs capacités financières et les collectivités peuvent toucher les acomptes prévus.

Quels sont les leviers d’optimisation des coûts de la collecte les plus opportuns dont disposent les collectivités ?

S. O. : Il existe deux façons pour les collectivités d’optimiser les coûts. La première est l’augmentation des matières à recycler, pour faire tourner au mieux les équipements. On optimise les coûts grâce à l’amélioration des collectes, à la densification du parc de conteneurs d’apport volontaire, à une dotation en bacs suffisante pour augmenter les quantités. Deuxième levier : réduire les coûts, avec le risque de diminuer la qualité du service pour les habitants. Si l’on diminue la fréquence des collectes pour réduire les coûts, on doit augmenter les capacités de stockage chez l’habitant. L’optimisation efficace passe par un équilibre entre augmentation des quantités recyclées et réduction des dépenses.

L’harmonisation des bacs de tri entre communes ne serait-elle pas un moyen sûr de favoriser le geste de tri et partant l’optimisation ?

S. O. : S’il s’agit d’harmoniser la couleur des bacs, cela peut effectivement permettre la communication sur le plan national et faciliter le geste de tri. Mais les bacs ont une dimension technique, ils doivent être adaptés au type d’habitat, sur le plan de l’urbanisme comme sur le plan sociologique. Ils doivent être adaptés à la place dont les habitants disposent pour les ranger, mais être assez grands pour ne pas déborder. Les habitants sont prêts à faire un effort pour trier, à condition qu’il reste raisonnable. Il faut que l’outil à leur disposition soit adapté à la situation locale.

1. http://is.gd/Y0DORC.

Propos recueillis par J. W.-A.

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