Du design au dessein
11/10/2018
Team Creatif Group a fait réaliser par OpinionWay une étude intitulée Packaging et points de vente, meilleurs alliés du mieux-manger ? Une nouvelle ère s’ouvre pour les métiers du design.
Pourquoi un spécialiste du design comme Team Creatif a-t-il pris en charge une étude sur les comportements alimentaires, un thème qui peut sembler assez loin de son domaine de compétences ?
Laurence Bethines : Notre métier est de bien comprendre le territoire des marques et le besoin des consommateurs, pour apporter des packs adaptés à l’un et à l’autre. 95 % de nos clients sont des marques alimentaires de la grande consommation, que ce soit dans le commerce de détail classique ou chez les distributeurs spécialisés. L’alimentation, les habitudes alimentaires et leurs évolutions sont donc au cœur de notre quotidien. Certes, la réalisation d’études n’y figure pas – notre propre veille et les études de nos annonceurs nous alimentent déjà – mais nous avons précisément voulu entreprendre une démarche inédite : c’est la première fois qu’une agence de design fait réaliser une étude grand public, et de surcroît dans un objectif de restitution. Nous sommes conscients que nous avons changé d’ère et qu’il nous faut dépasser les clivages. En outre, cette étude apporte des réponses chiffrées à des questions précises, qui auparavant ne relevaient que de l’ordre de l’intuition. Cela va nous permettre d’affiner les recommandations faites à nos clients et d’aller davantage vers le grand public en partageant toutes ces informations.
Quels principaux enseignements avez-vous retiré de cette étude ?
L. B. : Notre plus grande satisfaction a sans doute été de découvrir que le packaging constituait la deuxième source d’information pour les consommateurs, après le réseau de la famille et des amis. On le savait important et cette dimension prépondérante a été confirmée dans plusieurs items. De façon complémentaire, alors que les Français étaient souvent le parent pauvre de l’Europe dans la lecture des dos de pack, 89 % d’entre eux affirment les lire. Mieux encore, 77 % font confiance aux informations inscrites sur le pack. Ce dernier n’est plus et ne doit plus seulement être conçu uniquement dans une logique d’impact, mais bien comme un vecteur de communication de la marque et de ses engagements sur l’ensemble de sa surface : dos, côtés, intérieur, mais aussi dans une dimension augmentée grâce au pack connecté.
En quoi le « mieux-manger » joue-t-il un rôle dans cette évolution ?
L. B. : Le mieux-manger entre dans cette logique. C’est la première question posée lors de ce sondage dont les réponses témoignent d’un véritable besoin d’information et de transparence… Transparence au niveau de l’origine : dans 55 % des cas, c’est l’information la plus recherchée, mais aussi – ce qui est récent – sur le process de transformation et les ingrédients utilisés, qui doivent être « clean ». Nous sommes confrontés à une demande de simplicité dans le message. Aujourd’hui, les listes d’ingrédients sont illisibles, comme si l’on avait des choses à cacher. Certaines marques commencent à y remédier, comme par exemple Leerdammer, qui a fait de cette liste un véritable outil de communication, transformant une contrainte en opportunité : expliquant le pourquoi de sa présence et ce que cela apporte au produit. Bon nombre de nos clients travaillent à rendre leurs recettes progressivement le plus naturelles possible et à supprimer les mauvais ingrédients. Mais on a précisément besoin des progrès industriels pour réaliser ces changements ; et il arrive que plus de 10 années de recherche et développement soient nécessaires… Enfin, il y a un besoin de réassurance sur la sécurité alimentaire. Quelle est la meilleure façon de conserver le produit et ses nutriments ? La chaîne du froid a-t-elle été bien maintenue ? On revient aussi à la mission essentielle de protection du packaging.
Toutefois, au-delà des fonctions primaires du packaging, son rôle d’information passe-t-il dorénavant devant sa mission strictement commerciale ?
L. B. : Oui, il ne s’agit plus seulement d’une étiquette de vente. En raison de ce que nous venons de constater, nous devons avant tout expliquer aux consommateurs comme aux distributeurs comment la marque fait son métier. La surface du pack est évidemment insuffisante pour cela. C’est pourquoi nous devons travailler toutes ses composantes, y compris le dos du pack, dont on avait parfois tendance à ne se préoccuper qu’au dernier moment. Il s’agit de faire émerger un ou deux messages, pas plus, pour éclairer le produit. Après, le packaging connecté peut venir prendre le relais pour permettre au digital de nourrir cette quête du consommateur.
Mais justement, il semble que certaines démarches de digitalisation n’aient pas connu beaucoup de succès. Cela ne remet-il pas en cause les promesses du pack connecté ?
L. B. : Notre étude montre qu’en 2018 la gestuelle qui conduit à scanner un produit avec son smartphone commence à s’installer. Au niveau de la population globale, 51 % des possesseurs de smartphones ont déjà scanné un produit. Pour les 18-24 ans, ce chiffre monte à 63 % . Chez ces derniers, on assiste à une inversion de pratiques en faveur des réseaux sociaux, qui deviennent leur première source d’information sur Internet, suivis des sites généralistes qui émergent nettement… alors que les sites des marques ne figurent pas parmi leurs sources d’information principales, voire, arrivent en fin de liste. Le pack connecté ne doit donc pas viser à renvoyer sur le site de la marque classique, mais à recourir à des outils ou à des applications adaptées à la communication et à la cible. Internet est en soi un média protéiforme. On en revient toujours au pourquoi et au rôle que ce relais digital peut prendre dans la vie du consommateur.
Votre métier est-il ainsi en train de devenir également celui de producteur de contenus ?
L. B. : Oui encore plus ! Aujourd’hui, nous sommes à la croisée des chemins. Il s’agit de faire du packaging autrement sans tirer un trait sur le passé : un pack doit être vu, acheté et bien sûr exprimer le positionnement et les valeurs des marques. Il doit aussi véhiculer plus que le produit : parler de l’engagement sociétal ou environnemental de l’entreprise par exemple. Parler différemment du savoir-faire et des métiers des hommes derrière les produits, des partenariats mis en place depuis plus de 30 ans parfois… Parler enfin de la qualité des ingrédients, de leur sourcing… Nous sommes en effet en train d’associer design et information, devenant de plus en plus conseils de nos clients. Nous ne sommes plus sur une étiquette, mais sur une histoire, élaborée en co-construction avec les marketeurs pour créer les signes les plus performants possibles et, bien sûr, atteindre l’acte de vente. L’impact du pack en linéaire reste toujours naturellement un prérequis, mais il faut aller plus loin, montrer ce que le produit apporte de plus.
Comment cela s’articule-t-il avec d’autres outils comme la publicité ?
L. B. : Comme il n’y a plus de média unique, il faut veiller à la cohérence de l’ensemble des supports. Tous les acteurs doivent de ce fait travailler ensemble et s’aligner sur ce qui est l’essence même de la marque, le cœur du réacteur de ce travail avec notre client et du storytelling que nous devons porter. Le packaging a la chance de concentrer tous les éléments de la marque et du produit, mais il ne peut pas tout dire : la publicité et le digital viennent en renfort.
Vous semblez sous-entendre également que cette évolution est particulièrement nouvelle en France… Quelle place y occupe le design ?
L. B. : C’est en effet une manière de faire qui progresse en France, alors qu’elle est déjà bien installée aux États-Unis ou au Royaume-Uni, ce qui est assez normal, puisqu’avec leur histoire de commerçants, ce sont ces pays qui ont inventé le marketing et le branding. La force du design se trouve dans l’expérience du produit. Du seul dessin, le design s’étend au dessein, il désigne un objectif à atteindre. Notre signature de groupe témoigne de cette ambition : Le design rend le quotidien plus beau. ■
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