Internet : peut mieux faire !
01/01/2019
Digitalisés, les services consommateurs sont censés être plus efficaces. Dans de nombreux cas, l’expérience montre qu’ils sont au contraire relégués au second plan. Toutefois, certaines marques savent les gérer avec soin.
De prime abord, la relation consommateurs par Internet devrait être la panacée. Dans la réalité, cela se passe autrement. Si certaines marques parviennent à nourrir un contact à la fois sympathique et efficace, un (trop) grand nombre gère cet enjeu avec légèreté. L’origine de cette faiblesse est, soit d’ordre marketing, soit d’ordre technique (ou encore les deux ! ). Pourtant, les exemples réussis montrent qu’il s’agit plus d’une question d’intention que de moyens. Ce sont en tout cas les enseignements qui ressortent d’une enquête menée par Icaal auprès de 70 marques alimentaires.
Leur service consommateurs a été contacté – ou du moins l’a-t-on tenté ! – via leur site Internet, par le biais d’une question simple. Celle-ci concernait la durée de vie d’un produit et la possibilité de le consommer bien qu’il ait excédé de deux jours sa date limite de consommation (DLC) pour les produits frais ou que sa date limite d’utilisation optimale (DLUO) ou date de durabilité minimale (DDM) ait été dépassée d’un mois pour les produits ambiants. Question trop simple ? Le consommateur s’inquiète de ce qu’il veut ! Et puisqu’il est roi, il est bien sûr naturel qu’il ne donne pas de seconde chance au service censé avoir pour vocation de lui répondre. C’est le principe qui guide les conclusions tirées de cette enquête : une seule tentative a été accordée à chacun, comme le consommateur le fait sans doute dans son quotidien. Certes, des problèmes techniques ont pu subvenir, mais ces derniers démontrent justement les limites du tout-technologique. On ne peut focaliser ses méthodes sur une technologie présentée comme quasi-infaillible pour se cacher ensuite derrière ses failles.
Première étape, accéder au service consommateurs. Sur les 70 sites visités, quatre services consommateurs n’ont pu être abordés, soit pour des problèmes techniques, soit parce que d’accès trop contraignant (obligeant par exemple à l’ouverture d’un compte) ou tout bonnement – dans un cas – parce qu’aucun n’apparaissait ! Pour les autres, si dans près de 29 % des cas la visibilité du service consommateurs sur la page d’accueil était bonne, elle s’avérait moyenne ou faible dans 20 % des autres.
Par ailleurs, 45 % des sites Internet font figurer leur service consommateurs en bas de page d’accueil, ce qui n’est pas forcément négatif, mais n’en facilite pas non plus l’accès. Première leçon donc : l’accès au service consommateurs n’est manifestement pas jugé prioritaire dans une majorité des sites de ces marques.
Deuxième étape, formuler sa requête. Sur plus de 26 % des sites, il suffit d’un ou deux clics pour parvenir à le faire, ce qui garantit une rapidité et une facilité d’utilisation appréciables pour le consommateur. Mais pour les autres, les choses se compliquent. Si trois ou quatre clics (près de 61 % des cas) restent encore acceptables, on peut se poser des questions au-delà de cinq (12,5 % ), sachant que trois sites obligeaient à huit clics et qu’un allait même jusqu’à dix. De plus, les modalités de la requête ne sont pas toujours très encourageantes. Dans 15 cas, nous les avons jugées rédhibitoires : le site oblige par exemple à renseigner le code-barres du produit – se rapprochant plus du mode de la contestation, semblant inaugurer un mode soupçonneux, pour ne pas dire contentieux, alors qu’il ne s’agissait que d’une question de bon aloi – ou certains formulaires s’avéraient tout simplement hors-service.
Des marques perdues en cours de route
Rapide calcul : 70 moins 4 (service consommateurs inaccessible), moins 15 (requête impossible ou trop lourde) égal 51. C’est le nombre de requêtes qui ont effectivement pu être envoyées, soit 72,9 % , en sorte que plus d’un quart des marques avaient déjà été perdues en route. Combien de réponses reçues à ces 51 demandes ? 37 ou 72,5 % , soit encore plus d’un quart des interlocuteurs finalement aux abonnés absents. Nous en sommes à la troisième étape : la réception d’une réponse… ce qui est un peu la finalité d’un service consommateurs. Et nous parvenons à un résultat de 52,9 % . Moralité, sur le plan quantitatif, presque la moitié des marques que nous avons approchées par Internet ne sont pas parvenues à construire une relation avec nous, alors même que nous avions fait le premier pas.
Reste – quatrième étape – la rapidité de la réponse : près de 30 % des 37 réponses reçues ont été envoyées en moins de deux heures, ce qui est un délai très réactif. En y ajoutant les réponses reçues entre deux et quinze heures, on parvient à un taux de 67,6 % , soit plus de deux tiers des réponses obtenues dans un laps de temps satisfaisant. Il atteint 83,8 % en moins de deux jours. Bref, les marques qui sont parvenues à répondre l’ont fait dans un délai assez court… à l’exception malgré tout des 16,2 % qui ont pris plus de temps, dont deux sites qui ont eu besoin de plus d’une semaine (en fait deux, voire trois ! ).
Pour clore ce chapitre quantitatif, il était impossible de résister à la tentation d’attribuer une note moyenne aux sites approchés en combinant la visibilité du service consommateurs, la rapidité et la facilité d’accès au formulaire de requête et la réactivité de la réponse. Cette approche pouvant être critiquée, nous ne citerons que les meilleurs élèves. Sur ces critères, Francine, la farine, ressort nettement en tête, avec une exécution proche de la perfection, suivie – à égalité – de Caprice des Dieux, Harrys, Sojasun, Labeyrie et Béghin-Say. Sur le seul critère de la rapidité de réponse, dont on peut estimer qu’il est celui auquel le consommateur lambda sera le plus sensible, on remarquera Sodebo, Président, William Saurin, Maggi, Francine, Béghin-Say, Uncle Ben’s, Carte Noire… sachant qu’ont été retirées de cette liste les marques dont la réponse, bien que rapide, ne pouvait être jugée satisfaisante sur le plan qualitatif. Car c’est bien sûr un autre volet de cette analyse.
Des contenus acceptables, mais prudents
Une fois les éléments techniques de la relation consommateurs via Internet passés au crible, il convient naturellement de regarder de plus près la nature des réponses sur le fond. Globalement, celles-ci sont pour la plupart tout à fait acceptables. Toutefois, quelques-unes, heureusement rares, laissent pantois : débarrassons-nous en (sans citer les marques pour ne pas risquer de les dénigrer). Sans conteste, la palme revient à celle qui figure ci-dessous ! Avec cela, on peut mourir tranquille ! On tique aussi sur une réponse un peu alambiquée : « Sachez que la Date Limite de Consommation figurant sur nos emballages de produits frais indique la période pendant laquelle nos produits doivent être consommés. Au-delà de cette date ils doivent être retirés des rayons et ne doivent plus être consommés par mesure de précaution et de sécurité alimentaire. Si vous avez d’autres questions, nos conseillers experts sont à votre écoute, contactez notre service consommateurs au … (Service gratuit + prix appel) du lundi au samedi de 9h à 19h ». D’autres se contentent d’assurer un honnête service minimum. C’est un peu décevant, mais il faudrait sonder leurs entrailles plus en profondeur pour en tirer des conclusions. C’est le cas de la plupart des réponses qui se bornent à rappeler la réglementation et à rester très factuelles, du genre : « si la date indique…, nous vous recommandons de ne pas le consommer au-delà ». Avec la variante en vigueur pour les produits ambiants : « la DLUO indique la date jusqu’à laquelle nos produits conservent la totalité de leurs qualités gustatives. Au-delà, les produits restent consommables. Cependant nous vous conseillons de ne pas dépasser cette date afin de profiter des meilleures conditions de dégustation ». Certains, aussi, tentent une pirouette, demandant la date indiquée sur l’emballage : notre message l’induisait indirectement.
De bonnes réponses : c’est possible !
Enfin, quelques marques sortent du lot par le soin apporté à leur réponse. On remarque notamment celle de Sodebo, très rapide (un peu plus de trois heures), claire, et surtout avec un petit « plus » qui fait la différence. Sur l’ensemble des réponses reçues, ce sera la seule fois qu’une marque proposera une sorte de récompense à l’effort de l’avoir contactée. Une autre marque fait certes une proposition analogue, mais assortie de conditions tellement excessives (code-barres, nom du point de vente où le produit a été acheté, etc.) qu’on en revient à la limite citée plus haut. Au passage, on appréciera aussi la petite incise des pâtes Rana : « Nous espérons que ces conseils vous soient utiles et nous serions heureux si vous continuiez à nous écrire : vos propositions seront pour nous une source d’inspiration précieuse » : cela ne mange pas de pain, mais n’est pas désagréable à lire.
Cas à part, Bonduelle (sauf Cassegrain, restée classique dans sa démarche) a manifestement choisi une autre tactique. La marque de légumes mise au maximum sur le contact téléphonique (Cf. Revue des Marques n°92, octobre 2015). Un peu plus d’une journée après notre demande, un premier appel nous a été adressé, suivi, faute de disponibilité, d’un message téléphonique très argumenté de Cédric expliquant qu’un produit en conserve restait consommable après la date indiquée, à condition que la boîte soit restée hermétique, sans défaut ni choc ou trace de fuite. Certains consommateurs pourront trouver l’initiative un peu intrusive, mais ils ne pourront nier qu’en l’espèce, on s’est soucié d’eux. Et c’est précisément la mission du service consommateur, non ?
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