PME : Le vent en poupe
07/10/2016
Fortes de leur ancrage territorial, les PME ont une importante carte à jouer au sein du marché agroalimentaire.
Entretien avec Catherine Petitjean,
Vice-présidente de l’Ania en charge des PME et directrice générale de Mulot & Petitjean
propos recueillis par Jean Watin-Augouard
Les PME parviennent-elles à concilier leurs impératifs spécifiques avec ceux des grands groupes au sein de l’Ania ?
Catherine Petitjean : Au préalable, je souhaiterais rappeler un fait essentiel concernant les PME : leur grande diversité sur le territoire, que ce soit en termes de taille, de circuits de distribution, d’activité B to C, B to B, fabricants de MDD, de marques propres, les deux, de première transformation… Sur les 16 000 entreprises agroalimentaires, 98 % sont des PME, elles couvrent l’ensemble du territoire. Au sein de l’Ania, ce qui nous rassemble, quelle que soit notre taille, c’est le sujet de l’alimentation, la volonté d’offrir aux consommateurs de bons produits… Nous nous retrouvons également autour d’enjeux plus larges, tels que l’équilibre des relations commerciales avec la grande distribution, la promotion d’un cadre plus favorable pour les questions touchant la santé, le développement durable, la formation, l’innovation… Les problématiques des uns sont aussi celles des autres. Étant en charge des PME, j’ai à coeur de porter leurs positions. Il faut tenir compte de leurs souhaits et de leurs intérêts. L’information et les outils pédagogiques élaborés par l’Ania doivent également leur être adaptés – et accessibles –, car contrairement aux grands groupes, toutes ne disposent pas de services structurés.
La place de la marque pour les PME agroalimentaires est-elle incontournable, complémentaire, facultative ou inaccessible ?
C. P. : Il n’y a pas de modèle unique. Certaines entreprises ont une ou plusieurs marques anciennes aux identités fortes, quand d’autres ont fait le choix de fabriquer exclusivement des MDD et réussissent. La place de la marque peut varier selon l’activité de l’entreprise. Ajoutons que les marques peuvent être locales, régionales, nationales, voire internationales, leur territoire est donc multiple. Aucune n’est inaccessible, car on peut faire vivre une marque avec des moyens limités. Elle peut être au départ pensée à l’échelle de la ville, puis devenir locale, régionale, nationale. C’est un des éléments différenciateurs de l’entreprise qui peut déclencher l’acte d’achat. Pour les entreprises dédiées aux MDD, la marque n’est évidemment pas un sujet de préoccupation.
Le marché alimentaire a été plutôt favorable aux marques de PME en 2015. Est-ce toujours le cas ? Pourquoi et comment rendre ce phénomène durable ?
C. P. : Les PME, on le sait, ont une bonne image auprès du consommateur, leur proximité est rassurante, les produits qu’elles développent courtisent souvent un sentiment d’appartenance à un territoire et l’envie de participer d’une certaine manière à l’économie locale. Les PME ont donc le vent en poupe, comme l’atteste la consultation citoyenne réalisée par l’Ania au printemps dernier : tous les participants ont confirmé leur attachement à une alimentation à la française, l’importance du goût, des repas, la mémoire. Beaucoup de marques de PME symbolisent ces valeurs, comme, également certaines grandes marques. Pour rendre ce phénomène durable, il faut continuer d’asseoir sa marque sur la proximité, gageant qu’on ne peut pas être fort au niveau national si on ne l’est pas au préalable sur son territoire. L’enjeu est de toujours rester implanté sur le territoire local. Mais il faut également innover, pour répondre aux nouveaux modes de consommation et aux nouveaux goûts ; la mode ne concerne plus seulement l’univers des vêtements, elle envahit aussi la gastronomie ! Il faut également créer des événements autour de la marque, même s’ils sont locaux ; c’est ainsi que certaines entreprises ouvrent désormais leur site de production aux consommateurs, s’attachent à mettre en scène leur histoire… cela crée du lien et rassure.
Quelles sont les raisons qui pourraient conduire à leur échec ?
C. P. : Il n’y a pas de garantie de succès. Il faut être vigilant à demeurer vrai, à ne pas tromper les consommateurs, à leur offrir des produits de qualité. Il faut également toujours innover, pour éviter de se faire enfermer dans l’idée du produit local un peu folklorique, qui empêcherait l’entreprise de se développer sur un territoire plus vaste.
La gestion des marques de PME relève-t-elle de règles spécifiques ?
C. P. : Cela dépend de chaque PME. On prête beaucoup d’attention à cette gestion quand la marque est forte. Elle relève très souvent de la direction générale et du dirigeant quand il porte le nom de l’entreprise.
L’innovation suit-elle un processus particulier ?
C. P. : C’est le dirigeant qui pilote l’innovation, et le circuit de décision est plus court et plus rapide que dans un grand groupe. On peut ainsi tester de plus petites quantités et être plus réactif. Pour autant, la PME doit, elle aussi, respecter les procédures exigées par les certificats de qualité.
Les PME manquent de moyens non seulement financiers, mais aussi marketing. Comment y remédier ?
C. P. : Les moyens sont à la hauteur du chiffre d’affaires. La créativité du dirigeant est importante. La force des PME est d’être souples, réactives, cela permet de compenser le manque de moyens.
Comment peuvent-elles se singulariser face aux grands groupes ?
C. P. : Ce qui fait la force des PME, c’est leur ancrage de proximité, la souplesse et la réactivité, avec un circuit de décision plus court qui permet d’innover plus vite. Elles sont souvent en capacité de fabriquer des petites séries, de proposer des recettes différentes en fonction des clients, et d’ainsi répondre aux demandes du marché. Entreprise à taille humaine, la PME peut associer plus facilement les collaborateurs aux décisions.
Comment gérer l’arbitrage entre marque propre et marque de distributeur pour les PME qui en fabriquent ?
C. P. : Cela dépend de la stratégie de chacune : certaines PME ont parfois besoin des marques de distributeur pour rentabiliser leur outil de production.
Un groupe peut-il assurer dans l’avenir l’indépendance d’une PME (Cf. Danone et Michel et Augustin)
C. P. : J’espère que oui ! Les grands groupes ont, aujourd’hui, besoin de travailler avec des PME, car elles sont plus réactives, apportent de nouvelles idées de recettes, ont accès à de nouveaux marchés.
À l’instar de « Produit en Bretagne », les autres fédérations de marques régionales sont-elles un succès ?
C. P. : La plupart des régions en ont créé. C’est un atout pour le développement régional, cela permet de fédérer des entreprises.
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