Le design branding, une méthodologie adaptée aux PME
07/10/2016
Et si les PME pouvaient se libérer de la contrainte des investissements médias et trouver d’autres ingrédients du succès dans le branding de sens ?
par Sylvie Gillibert et Olivier Creusy,
Directeurs de programmes à l’ISCOM Paris et consultants en stratégie de marque.
Les marques sont enfantées par les entreprises, mais ne sont pas tenues de ressembler à leurs parents. Une grande marque peut par conséquent être issue d’une petite entreprise, l’inverse est également vrai. Nos comportements sont déterminés par les influences combinées de trois âges : l’âge physiologique – qui est celui du corps –, l’âge psychologique – résultante de ce que nous avons vécu et pensé – et l’âge social – perception de la société et du rôle que nous devrions jouer. Chacun d’entre nous revendique la liberté de réfléchir et d’agir indépendamment de ces trois déterminismes, dans l’espoir de conserver au moins une forme de jeunesse : si le corps ne suit plus, ce sera celle des idées. De la même façon, une PME, quels que soient son statut et sa taille (physiologie) ou son histoire (psychologie), peut choisir un mode de réflexion contemporain et penser la marque avec une nouvelle ambition.
(Re)penser les marques par le design branding
Le design branding bouscule les points de vue classiques sur les marques et propose une approche innovante de leur management, qui intègre le design thinking.
Le design thinking est une façon de penser qui encourage une approche fondamentalement empathique, centrée sur le respect de l’humain et de son environnement. C’est aussi un processus de réflexion – doublé d’une méthodologie – itératif, pragmatique et non linéaire, qui laisse de la place à l’intuition. Et enfin, un cadre de travail et des schémas organisationnels propices à l’expérimentation et au travail collaboratif pluridisciplinaire. Il est tout à la fois affirmation de valeurs, état d’esprit et méthodologie. Appliqué au branding, le design thinking ouvre de nouvelles perspectives de compréhension des expériences utilisateurs par leur observation directe et sans filtre sur le terrain. Fondé sur les principes de co-création et d’appropriation, il favorise l’interactivité avec les clients des marques et autorise de nouvelles méthodes de travail en interne, avec des structures de conseil ou des fab labs qui facilitent le prototypage des innovations. Le design branding permet de construire des marques responsables, bienveillantes et engagées, susceptibles de « reliance » avec leurs publics parce qu’en phase avec leurs nouvelles attentes.
Donner confiance aux PME
Si la différence pour les marques issues de PME et celles pilotées par de grandes entreprises ne se fait pas sur leur force profonde – leur capacité à se constituer en êtres de discours rassurants et différenciés –, l’explication est peutêtre dans une forme de complexe hérité d’un passé où la force des protagonistes se mesurait en investissements médias. Sans sous-estimer l’utile et rémanente puissance des médias traditionnels, le débat – ou le combat – se décale sur un terrain où le jeu est peut-être plus équilibré. La clarté de la conscience que la marque a d’elle-même (son identité), la légitimité de la mission qu’elle se donne et la cohérence du propos tenu à ses différentes parties prenantes sont les nouveaux ingrédients du succès.
Une marque est grande quand elle agit sur son marché sans ambiguïté, en s’appuyant sur des valeurs énoncées et éprouvées et, au fond, dans une forme de simplicité. Une fois le bruit publicitaire et promotionnel assourdi, que reste-t-il ? qui a été plus convaincant ? qui propose la réponse la plus simple au besoin d’un consommateur enivré de messages ?
La simplicité sied aux grandes marques de petites entreprises. La difficulté est autant culturelle qu’économique : il s’agit de comprendre, sans le déplorer, que la communication n’a jamais eu de rôle aussi déterminant. Consentir à se dévoiler un peu, mais sans trop s’exhiber. Dire, se dire, avec des mots simples, sera un bon début. En s’ouvrant ainsi presque timidement au dialogue avec sa cible, la marque se montre sincère, engagée auprès de ceux qui lui témoignent leur fidélité. Une relation se noue, sur la base d’informations factuelles, d’histoires de famille, de paroles d’artisans, de patrimoine révélé… relation vraie parce que ni feinte ni trop construite. La marque, dont la timidité s’est estompée, découvre la joie d’être elle-même et, goûtant le plaisir de la conversation, se rassure sur la qualité de la relation qu’elle développe avec ses publics. L’empathie ne consiste pas à s’exposer à la critique de façon irresponsable : si la démarche est sincère et le propos légitime, l’échange sera fertile et bienveillant. Le design branding permet aux PME de prendre confiance en leur capacité à animer d’aussi belles marques que les autres entreprises.
Les marques de PME, naturellement portées vers le design branding
La valeur des marques se crée désormais dans le partage de temps, d’émotion et d’expérience avec leur client, devenu « usager »... Émotion, humanité et intelligence relationnelle sont les marqueurs d’un branding réussi et même souhaité. L’ADN des PME contient tous les atouts de ce nouveau branding : une taille « humaine » qui les rend accessibles et relationnelles, une histoire qui les unit au destin d’un homme ou d’une femme investis dans un projet inspiré par un territoire, une vocation à soutenir l’économie locale. Rien de surfait ni de forcé. Chaque PME est elle-même une véritable marque, dont le nom et la réputation se nourrissent de rapports étroits et sincères avec ses publics.
Ces marques portent en elles tous les ingrédients d’un branding de sens, capable de construire un lien fort et durable. Cependant, pour s’installer comme des références durables, les marques de PME doivent être portées par une stratégie volontaire selon trois axes.
1 - Mettre le client au coeur des préoccupations -
Pragmatiques là où d’autres acteurs, plus imposants, plus éloignés de leur marché, peuvent se perdre, les PME savent mettre leurs clients au coeur de leurs réflexions et de leurs actions. Leurs marques sauront adopter avec agilité cette culture de l’empathie, afin de prendre en compte les émotions des clients avant, pendant et après la vente.
2 - Expérimenter en toute agilité -
L’expérimentation en mode laboratoire est favorisée par une existence indépendante, qu’une taille démesurée, une hiérarchie trop pesante ou une organisation en silos pourraient figer. La souplesse des décisions et l’implication des salariés ouvrent les portes d’une expérimentation agile et audacieuse. Partage des bonnes pratiques et des expériences, co-construction d’idées et de solutions, se propagent alors librement. Cette évolution culturelle apporte à l’entreprise plus de mobilité et d’agilité, et lui donne de l’avance face à ses concurrents.
3 - Encourager la liberté d’entreprendre -
Des conditions extrêmement favorables à l’innovation sont réunies au sein des PME. Face aux moyens financiers démesurés des grandes entreprises, la liberté d’entreprendre et de tester peut se révéler une arme redoutable. Au-delà des contraintes organisationnelles ou culturelles, la marque de PME jouit d’une liberté d’entreprendre forte. Les initiatives individuelles émergent plus facilement de l’ensemble, écoute et bienveillance viennent encourager ces démarches.
Un peu de concret
Toutes les marques n’en sont pas au même stade d’évolution dans leur transformation numérique. Avec la marque « partagée », nous évoquons ces PME 100 % digitales, startups iconiques de la modernité entrepreneuriale. Occupées à grandir vite, elles n’ont pas toujours construit leurs marques avec les nuances et les valeurs qui assureraient leur pérennité. Être une start-up n’est pas une excuse à l’approximation ou à une forme de brutalité barbare revendiquée. Non, la marque, dès le premier jour, doit se penser comme en relation avec ses clients et non comme un aimant à investisseurs. Ainsi vient inéluctablement le moment où il faut mobiliser les énergies et l’expression des clients, usagers, utilisateurs, membres de la communauté… pour co-créer un projet de marque durable. BlaBlaCar, par le choix d’un nouveau nom qui raconte le lien social et la rencontre, est emblématique de cette deuxième naissance. Après le concept et la technologie : le sens.
La marque « augmentée » a déjà muté pour s’adapter aux contraintes et opportunités du monde digitalisé. Les PME voient ainsi disparaître les limites temporelles et géographiques de leur marché par la magie de l’e-commerce. Ce nouveau continent fait peur : comment émerger ? Soyons confiants, une marque sincère, dont l’offre est cohérente et le souci de la qualité permanent, trouve sa place au moment où l’e-réputation récompense les meilleurs et sanctionne les opportunistes. D’une certaine façon, la stratégie « clickand- mortar » est, en soi, le point de départ d’une pensée design branding globale, en combinant les avantages de la rencontre dans le réel et la praticité de la livraison à domicile. Par ailleurs, les parents gastronomes, soucieux de l’alimentation de leurs bébés, font ainsi confiance à la gamme de nutrition infantile bio et gourmande de Good Goût.
Enfin la marque « neuronale », 100 % réelle, traditionnelle souvent, détentrice d’un savoir-faire reconnu, peut enrichir son attractivité en choisissant l’ouverture et la collaboration. Les cibles sont sur-sollicitées : le premier rôle de la marque, bien faire son métier, risque de ne plus suffire. Il ne s’agit pas d’une fuite en avant vers un tout-collaboratif contre-productif parce que contrenature, mais d’une volonté maîtrisée de rapprochement avec ses cibles. La collaboration prend des formes et des profondeurs multiples, telles qu’un co-marketing avec les clients, les partenaires BtoB, les étudiants... Ainsi le logo de la nouvelle marque Jeannette a-t-il été créé en collaboration avec les IUT de Caen et du Havre. L’époque est favorable aux initiatives. Si la mise en oeuvre du design branding est en rupture avec les pratiques actuelles des PME, elle ne comporte pas de risque majeur. Quel danger y-aurait-il pour une marque à être plus adaptable, disposée à la conversation productive ? Nous ne parlons pas d’investissements lourds, mais d’une évolution sincère des modes de pensée, là où l’habitude tient lieu parfois de vérité. Or, cet utile petit mouvement de l’esprit est à la portée de tous dans ces entreprises discrètes où s’incarnent ces marques témoins de l’amour du progrès et du travail bien fait. La richesse encore trop cachée de ce que les PME ont à nous dire, et désormais à partager, n’a rien à envier aux grandes fictions des grandes marques mythiques internationales.
Le design thinking, un mode de co-créationLe design thinking est un processus inspiré du mode de pensée des designers. Il peut se définir comme une clé d’innovation imposant une synthèse permanente entre les compétences analytiques des ingénieurs, les mises en correspondance au marché réalisées par les marketeurs, et les facultés intuitives des créatifs. Par nature pluridisciplinaire, design thinking tient de la recherche, il alterne phases de « divergence » et de « convergence ». |
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