Banania, une marque dans tous ses états
07/10/2016
Troisième marque de poudre chocolatée sur le marché français, Banania entend promouvoir la singularité de ses produits pour redevenir la marque symbole du petit déjeuner et, pourquoi pas, au-delà.
par Jean Watin-Augouard
Il est des renaissances parfois difficiles, mais le bon sens, la patience, la rigueur et la ténacité peuvent toujours avoir raison des obstacles les plus élevés. La preuve par Banania !
Juin 2003. Unilever vend une usine de poudre chocolatée à Faverolles, dans la Somme, une usine de crème dessert à Verneuil-sur-Avre, dans l’Eure, et trois marques : Banania, Benco et Yabon. Sous l’instigation d’investisseurs privés, les fonds d’investissement CDC Ixis services industrie et Electropar France, cogérés par EDF et la Caisse des dépôts et consignations, se portent acquéreurs 1. Nutrial est la holding qui rachète à Unilever, Nutrimaine la société opérationnelle. Premier handicap, et non des moindres, le rachat s’est fait sous la forme d’un LBO, compliqué quand la croissance n’est pas là, rendant le remboursement de la dette difficile bien que prépondérant. Deuxième handicap : le manque de moyens, et il ne suffit pas de se redéployer, après plusieurs années d’absence, sur le Tour de France pour redynamiser la croissance d’une marque. « Les affaires étaient alors très difficiles », se souvient Thierry Henault, actuel PDG de Nutrial. Décision est prise de vendre Yabon à Valade en 2005. L’incertitude et le trouble gagnent l’ensemble des salariés de Nutrimaine – en particulier ceux de Faverolles, où sont produites les marques Banania et Benco – car, dans une PME, tout le monde réagit très vite. CDC Ixis fait appel à Thierry Henault, alors au conseil de surveillance, pour ramener le calme. « Mon passé chez Nestlé (Gloria, Friskies), CPC, Ducros et les crises sociales que j’ai été amené à gérer m’ont aidé à rassurer les ouvriers de l’usine. » Une évidence s’impose : on ne gère pas une crise dans une PME comme dans un grand groupe, car ici, tout est question de confiance : « une PME est une affaire d’hommes plutôt que de systèmes ». Devenu opérationnel en 2006, Thierry Henault prend donc les rênes en main.
Singularité de Banania
« Avant de gérer des marques, on gère d’abord une entreprise et son résultat », prévient Thierry Henault. Et les règles diffèrent selon qu’il s’agit d’une PME ou d’un grand groupe. « Si le grand groupe offre les avantages de la taille et des moyens, une PME a ceux de la segmentation, de l’astuce ou de la flexibilité. Dans un grand groupe, la stratégie mène à la tactique, dans une PME, la tactique mène à la stratégie.
Ainsi, dans le cas de Banania, nous disposons d’une marque forte, une marque patrimoniale connue de tous, mais de peu de moyens, aussi allons-nous utiliser tout ce que nous pouvons pour booster l’actif marque. » Dans un premier temps, la singularité du produit doit être réaffirmée pour le distinguer de la concurrence. « Nous sommes les seuls du marché à proposer grâce à nos ingrédients, dont le cacao, la banane et les céréales (au nombre de trois), une dimension nutritionnelle naturelle plus importante que celle de nos concurrents et un goût différent. » Le nouveau slogan C’est tout bon résume notre positionnement : dans Banania, il n’y a aucun ajout, tout est naturel !
Cette singularité est clairement énoncée sur le packaging. Et avec « Banania, le bon petit déjeuner équilibré », les bénéfices de la recette sont eux aussi clairement exposés. Quand la marque manque de moyens pour communiquer, concentrer ses efforts sur le premier support de communication disponible – le packaging – n’est pas inutile. Preuve de sa modernité, à côté de la boîte traditionnelle d’un kilo, Banania est commercialisé en Doypack de 250 et 400 grammes.
Simultanément s’effectue un retour aux valeurs originelles fondamentales. Après des années de disparition, Dragon rouge fait revenir sur les emballages, en 2004, un enfant souriant qui, tout en conservant les codes de la marque, incarne la France multiculturelle. L’enfant a été récemment repositionné par l’agence Hotshop, accompagné du slogan C’est tout bon ! , sur ce qui reste encore aujourd’hui le design de la marque. S’il y a un enseignement à retenir, c’est que ce qui a eu, dans un temps, une signification historique n’a actuellement plus de sens. Les valeurs de nutrition et d’authenticité sont aujourd’hui un atout primordial.
Banania, une marque ombrelle
« Aujourd’hui, on est revenu à des résultats acceptables, on peut faire de la pub télé, et les affaires s’accélèrent », confie Thierry Henault. L’utilisation de la marque dans tous les domaines – extension interne avec de nouveaux produits, licences, partenariat – permet de multiplier les points de contact et de conquérir de nouveaux consommateurs. « La marque est vivante, comme l’atteste son taux de notoriété de 96 % , elle ne demande qu’à être réveillée par l’innovation et davantage de présence ».
Au reste, la vocation de Banania est d’être la marque symbole du petit déjeuner : « on étend donc à tout ce qui se consomme à ce moment-là ». D’où le lancement, en 2012, de Banania à tartiner : « on fait fabriquer un produit à l’extérieur quand on ne maîtrise pas sa technologie ». Cette pâte contient 25 % de poudre de Banania et 3 % de flocons de banane croustillants, de quoi lui donner un goût inimitable, très proche de la poudre chocolatée, revendiquant l’absence d’huile de palme pour sa recette. Dans la catégorie licence, Banania propose, depuis 2011, des chocolats saisonniers avec Babydelice et, depuis 2014, du lait aromatisé au goût de Banania développé et commercialisé par la société Freshinov.
Autre circuit de développement : Banania est fournisseur officiel de McDonald’s depuis 2005, avec des sticks. Banania, c’est aussi une licence de produits dérivés, avec une gamme large allant des arts de la table au linge de maison (éditions Clouet). Sur le plan de l’innovation, la marque a orchestré de multiples lancements. Mais les idées ont besoin de moyens, et certaines n’ont pas résisté à leur manque, telles que Banania équitable, Benco Méga Pépites (pour les 8-15 ans), ou les crêpes industrielles (qui n’ont pas résisté au leadership de Whaou).
Pour l’heure, l’ambition de Banania est de gagner de nouveaux consommateurs, avec pour cible privilégiée les 4-9 ans. « Si nous sommes consommés par les enfants, c’est à leur mère, acheteuse du produit, que l’on parle en vantant ses mérites nutritionnels. » Après le film publicitaire sur la poudre en 2011 et la pâte à tartiner en 2012, l’agence Business met en scène en 2016 un enfant partant à la découverte des ingrédients, « le film amuse les enfants et rassure leur mère en parlant des ingrédients ».
Banania demain ?
Depuis 2010, Banania a pour actionnaire à 33,25 % la société familiale allemande Krüger, qui réalise un chiffre d’affaire de deux milliards d’euros, essentiellement en tant que fabricant de MDD. « Cette société a été fondée par un homme exceptionnel, qui croit aux marques. Il nous laisse libres et comprend nos problématiques comme lors de la hausse considérable des matières premières, sucre et cacao, en 2012. Aujourd’hui, avec un chiffre d’affaires de 28 millions d’euros, et 50 salariés, nous avons des bases plus solides. Si nous pouvons envisager d’atteindre 50, voire 100 millions d’euros, notre objectif reste de toujours demeurer une PME. » En maintenant un équilibre essentiel : les hommes, les marques et les produits.
Une marque forte mais parfois détournéeEn 2006, Nutrimaine recevait une citation à comparaître devant le tribunal de Nanterre pour racisme et atteinte à l’ordre public en raison de l’usage du slogan Y’a bon. L’entreprise, qui avait déjà abandonné ce slogan historique en publicité, utilise aujourd’hui C’est tout bon. Quelques chiffres :
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Notes
La Revue des marques a publié : « Banania, 80 ans de sourire gourmand », n° 1, janvier 1993 ; « Banania, de la France coloniale à la France multiculturelle », n° 48, octobre 2004 ; « Banania, du ressort pour les années à venir », n° 67, juillet 2009.
(1) En 1987, Philippe Midy, PDG du groupe Midial, avait vendu ces trois marques gérées par Nutrial (filiale de Midial) à CPC (Corn Product Corporation), qui avait ensuite rejoint Unilever Bestfoods.
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