Marques vs labels : une logique gagnant-gagnant
12/01/2017
Pour reconquérir la confiance perdue des consommateurs, certaines marques recourent aux labels, au risque de perdre de leur légitimité. Avec comme règle d’or : du bon usage des labels pour valoriser les marques.
par Sarah Zannetti,
Planneuse stratégique Logic Design
Au coeur d’enjeux économiques, sanitaires et écologiques importants, l’univers de la grande consommation connaît, depuis une quinzaine d’années, de profondes mutations qui s’incarnent notamment dans la montée en puissance des labels. Ces derniers semblent même avoir détrôné les marques dans leur capacité à convaincre et à rassurer les consommateurs. Parce qu’ils sont le gage d’une valeur ajoutée qualitative et d’une traçabilité maîtrisée, les labels sont très prisés par les marques, qui y voient un levier efficace pour reconquérir la confiance perdue des consommateurs. Quitte parfois à en abuser et à les démultiplier sur les facings de leurs packagings. Or, la surenchère informationnelle a des limites. Poussée à l’extrême, la logique des labels risque bien de perdre toute sa légitimité et de discréditer les marques dans un même mouvement.
Des consommateurs en quête de réassurance
« Horsegate », pesticides, OGM, déforestation… les produits de consommation courante soulèvent aujourd’hui une multitude de questions, largement relayées et étayées dans l’agenda médiatique. On assiste donc tout naturellement à un mouvement général de conscientisation des effets de la consommation sur la santé d’abord, mais également sur l’avenir de la planète. L’opinion selon laquelle les marques de grande consommation ont donné priorité à leurs enjeux économiques au détriment de l’intérêt général est désormais largement répandue.
En parallèle, la crise économique a réintroduit une dimension citoyenne dans les actes d’achat du quotidien, notamment via le retour du « made in France ». Consommer français, c’est participer à sauvegarder des emplois et s’assurer dans le même temps d’une meilleure traçabilité des produits. Certains consommateurs se montrent d’ailleurs plus exigeants encore et privilégient des circuits très courts en se tournant vers des offres régionales ou des marques locales. Faire ses courses dépasse donc largement la problématique fonctionnelle du réapprovisionnement et les critères de sélection d’un produit sont de plus en plus complexes. L’arbitrage qualité/prix, qui prévalait encore au début des années 2000, est bel et bien transcendé par des interrogations plus profondes sur les conséquences de nos choix de consommation. La croissance du bio, qui a encore vu ses ventes bondir de presque 15 % en 2015, en est une parfaite illustration. La démocratisation de cette catégorie de produits alternatifs montre à quel point les consommateurs considèrent de plus en plus comme acquis les dangers liés à certains modes de production. Mieux informés, ils sont en passe de devenir de véritables experts et réclament toujours plus de transparence et de preuves. C’est dans ce contexte de prise de pouvoir du consommateur que les labels connaissent un essor important. Créés par les pouvoirs publics et les filières, ils permettent de répondre à un besoin croissant d’information et d’offrir des garanties tangibles de traçabilité et de qualité. Et parce qu’ils suscitent un réel engouement, les labels se sont multipliés ces dernières années, au gré notamment des scandales sanitaires, au risque parfois de générer une certaine cacophonie.
Des labels à vocations multiples
Autrefois cantonnés à certains marchés spécifiques, tels que la viande et les produits laitiers, les labels sont désormais partout et il devient difficile de s’y retrouver. S’ils visent, pour la plupart, à certifier l’origine d’un produit, il est néanmoins possible de les classer en fonction de la promesse que le consommateur leur associe. Nous distinguerons cinq catégories.
- Les labels valorisant une qualité du produit supérieure.
C’est le cas par exemple de l’emblématique Label Rouge. Son antériorité et une communication efficace en ont fait un label de référence. Attribué par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), le Label Rouge est particulièrement plébiscité pour les produits d’origine animale. Depuis quelques années, ces derniers peuvent d’ailleurs bénéficier de différents labels, dont le récent Viandes de France, qui se décline en dix logos en fonction de la filière concernée (porc, volaille, lapin, viande bovine, chevaline…). - Les labels respectueux de l’environnement.
Les plus célèbres étant le label AB et son pendant européen, l’Eurofeuille. Plus confidentiels, les écolabels MSC (Marine Stewardship Council) et FSC (Forest Stewardship Council) récompensent la gestion durable et responsable des ressources marines et forestières. Le label Max Havelaar, quant à lui, enrichit l’engagement écologique d’un double volet social et économique en revendiquant le respect de conditions de travail et de rémunération décentes pour les producteurs locaux partout dans le monde. - Les labels garantissant un terroir et un savoir-faire comme l’AOC (Appellation d’origine contrôlée), l’AOP (Appellation d’origine protégée) ou encore l’IGP (Indication géographique protégée). Moins puristes, certains labels associatifs issus de collectives mettent en avant une origine régionale. C’est le cas des labels Produit en Bretagne ou Produit en Poitou-Charentes.
- Les labels ayant trait à des problématiques de santé. À titre d’exemple, nous citerons le label de l’institut Pasteur présent sur certaines huiles et margarines anti-cholestérol qu’il a participé à mettre au point, ou le label Bleu- Blanc-Coeur qui vise à améliorer la teneur en oméga-3 de certains produits par le biais d’une meilleure alimentation animale et du retour à des cultures végétales vertueuses pour l’environnement.
- Les labels privés tels qu’Élu Produit de l’année ou Saveurs de l’année constituent une cinquième et dernière catégorie. Valorisant les qualités gustatives ou le caractère innovant d’un produit, ces labels ont une tonalité plus marketing qui les rend moins crédibles aux yeux des consommateurs, les incitant moins à l’achat. Selon une récente enquête du magazine Que choisir, moins de 20 % des personnes interrogées se disent influencées par ces deux labels, contre plus de 90 % pour les labels bio ou le Label Rouge ! La préférence des consommateurs semble donc aller clairement à des labels émanant d’organes indépendants s’appuyant sur un cahier des charges objectif.
Quoiqu’il en soit, cette typologie met en lumière la diversité existante et la pluralité des intérêts desservis. Et si les consommateurs ne saisissent pas toujours bien le sens de tous les labels, ils continuent à y voir un garde-fou contre les abus de l’industrie agroalimentaire et les chimères d’un certain type de marketing.
Une logique gagnant-gagnant
Si les labels ont le pouvoir de rassurer les consommateurs, il est donc bien entendu qu’ils constituent des alliés de choix pour les marques. D’abord parce qu’ils incarnent une raison de croire dans les promesses des produits qu’elles mettent en avant. Ensuite parce qu’ils leur permettent de se différencier de leurs concurrents, voire d’affirmer leur supériorité qualitative sur leur marché. De la même manière, les labels donnent la possibilité à de petits acteurs de crédibiliser leur offre face aux marques leaders qui bénéficient d’une notoriété bien supérieure. En conséquence, les marques n’hésitent pas à offrir aux labels une place de choix sur leurs packagings afin de leur assurer une visibilité optimale en rayon. Il n’est pas rare également de voir différents labels apposés sur un même packaging. La force de conviction des labels est telle que les marques qui n’ont pas la chance d’être estampillées d’un label officiel développent leur propre label. Car après tout, les pictogrammes que l’on trouve sur les facings des packagings ne sont rien d’autre que des labels conçus par les marques elles-mêmes pour valoriser leurs produits. S’inspirant du registre visuel et sémantique des labels officiels, les pictogrammes sont également censés jouer un rôle de réassurance auprès des consommateurs. Néanmoins, on peut s’interroger sur les limites de cette escalade d’informations. Certains packagings surchargés de labels et autres pictogrammes en sont presque illisibles, et créent de la confusion dans l’esprit du consommateur qui ne sait plus quelle information privilégier, voire même ce qu’il achète ! Et que dire du poids de la marque dans l’acte d’achat quand celleci parvient à peine à émerger au milieu d’une jungle de sceaux et d’allégations ? Si l’on pousse plus loin cette logique, peut-on imaginer demain des produits sans marque uniquement « signés » par les labels ? Cette hypothèse reste peu probable, car les ressorts d’un acte d’achat demeurent en bonne partie émotionnels et parce que les consommateurs restent très sensibles à l’imaginaire déployé par les marques et aux valeurs qu’elles projettent. Pour autant, il paraît pertinent de réfléchir à un bon usage des labels afin de continuer à rassurer sur la qualité des produits tout en délivrant des messages immédiats et des packagings clairs. Car la volonté du consommateur de faire des choix éclairés sur la base d’informations crédibles s’accompagne désormais d’un besoin important de simplification.
En définitive, pour exploiter les labels en toute efficience et continuer à en faire de véritables dynamiseurs de marques, il apparaît nécessaire de redonner du sens à l’utilisation qui en est faite. D’abord en opérant des choix, car dans l’esprit des consommateurs, une marque qui veut trop en dire est une marque qui a quelque chose à cacher. Ensuite en mettant en conformité la réalité de l’offre avec le degré d’engagement de la marque, parce qu’un label ne peut pas tout et qu’il doit se matérialiser dans une liste d’ingrédients exigeante et un positionnement impliquant. Au sein de marchés très bataillés, les labels sont à juste titre perçus comme des boosters de succès pour les marques ; pour autant, l’opportunité qu’ils constituent ne doit pas faire oublier la responsabilité qu’ils impliquent.
Pour accéder à l'article complet, cliquez sur Article au format PDF