Huile de palme durable : mythe ou réalité ?
12/01/2017
Dans un esprit de transparence et de dialogue, Ferrero a organisé, du 14 au 19 octobre, quatre tables rondes pour échanger et débattre sur l’huile de palme durable. Lieu d’exposition, l’OpenLab Nutella fut aussi un lieu de partage de points de vue entre parties prenantes et observateurs.
propos recueillis par Jean Watin-Augouard
Entretien avec Christophe Bordin,
Directeur des relations extérieures Ferrero France
Comment est né l’OpenLab Nutella ? Fait-il suite à l’opération « L’huile de palme, parlons-en » ? Est-ce une contreattaque à la « taxe Nutella » déposée par le sénateur Yves Daudigny en 2012 puis en 2014 ?
Christophe Bordin : Il existe beaucoup d’idées reçues sur l’huile de palme. Aussi avons-nous souhaité amener parties prenantes et observateurs à échanger autour des vrais enjeux liés à cette filière, afin de réorienter le débat sur des bases saines. Nous avons réussi le pari de réunir pendant quatre jours différents intervenants, liés par un même état d’esprit d’ouverture, en totale transparence.
Comment s’est fait le choix des intervenants ? Pour quelles raisons ne figuraient pas les ONG Greenpeace, WWF ou l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ?
C. B. : Nous ne sommes pas maîtres des agendas des intervenants potentiels ou souhaités. Nous ne sommes pas partenaires des deux ONG citées, qui réservent leurs interventions à des événements organisés par plusieurs acteurs et non un seul comme c’est le cas de l’OpenLab Nutella. Rappelons néanmoins que ces deux ONG ont souligné le comportement vertueux de Ferrero à l’égard de son approvisionnement en huile de palme. Au nombre de nos intervenants figurait Orangutan Land Trust, ONG très engagée dans la sauvegarde des orangs-outans, et qui considère l’huile de palme comme une vraie solution. L’objectif de cet OpenLab n’est pas de nier les enjeux, mais de pacifier le débat : ce n’est pas parce que de mauvaises pratiques existent qu’il faut totalement condamner une culture, comme cela fut le cas au siècle dernier pour le coton, dont l’histoire est liée à celle de l’esclavage. La remise en cause d’un mode de culture ne doit pas nécessairement aboutir à la remise en cause de la culture en elle-même.
Quelles sont les idées reçues, les rumeurs autour de l’huile de palme ? Pourquoi est-elle autant diabolisée ?
C. B. : La première idée reçue porte sur sa responsabilité en matière de déforestation, or il serait réducteur de n’attribuer qu’à la seule culture du palmier à huile l’ampleur et la complexité de ce phénomène. La deuxième concerne la nature du produit, trop vite assimilé à une huile de synthèse industrielle, quand l’huile de palme est, avec l’huile d’olive, la seule issue d’un fruit et donc la seule naturelle. La troisième concerne l’extraction de l’huile : beaucoup de gens pensent qu’il faut couper les arbres pour l’obtenir ! Mais au contraire, les exploitations ont une durée de vie de l’ordre de 25 ans. Les exploitants de palmier à huile ont tout intérêt à concilier rendement et fertilité et s’intéressent de près aux méthodes durables. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle le palmier à huile épuise les sols, son impact peut être qualifié de positif : à mi-chemin entre l’arbre et la plante herbacée, il possède des racines peu profondes qui ont tendance à nourrir le sol. Pour autant, les forêts primaires doivent, bien sûr, être protégées ! Autre idée reçue, celle portant sur la santé, au nom de laquelle il faudrait éviter la consommation de cet ingrédient, comme le suggère le comportement opportuniste de certains industriels et distributeurs. Des nutritionnistes comme Philippe Legrand, intervenant à l’OpenLab, soulignent que le niveau d’acides gras saturés dans l’huile de palme n’est pas un problème en soi. Au reste, il n’y a ni huile ni corps gras parfait, chacun ayant ses avantages et ses inconvénients. Il faut plutôt retrouver un équilibre global dans l’alimentation. Rappelons que le beurre est plus riche en acides gras saturés que l’huile de palme, pour autant voit-on sur les produits l’inscription « sans beurre » ?
Certains avancent que RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil), l’organisme certificateur de l’huile de palme durable, serait sous la coupe des grandes compagnies de palmiers indonésiennes (RSPO est surnommé par les petits propriétaires mal payés « organisation des prédateurs pour une rentabilité durable ») ?
C. B. : On peut parfois reprocher à RSPO de n’être pas assez contraignant sur la protection de la forêt primaire, mais on ne peut le réduire à une affaire de lobbying de gros acteurs de l’huile de palme. Créé en 2004, RSPO a le mérite d’avoir rassemblé l’ensemble des acteurs – ONG, raffineurs, planteurs et industriels –, aboutissant à une modification de leurs comportements. Ferrero est allé au-delà de RSPO dès 2013 en créant sa propre charte, qui ne se contente pas de protéger les forêts primaires et qui formule d’autres critères dans l’approvisionnement de l’huile de palme pour les besoins du groupe. Chaque litre d’huile qui entre dans notre usine est tracé, cela nous permet de remonter jusqu’à la plantation qui nous approvisionne. Nous pouvons ainsi contrôler les méthodes de culture, le respect de notre charte, la protection de la forêt, de la biodiversité, l’intégration des petits producteurs ainsi que le respect des droits humains.
Quelle est la quantité d’huile de palme consommée quotidiennement par les Français ? on avance le chiffre de deux kilos par an… Dans quels produits se trouve-t-elle ? quelle part des acides gras saturés de notre alimentation représente- t-elle ? a-t-elle des qualités nutritionnelles malgré son raffinement ?
C. B. : Selon le Crédoc, présent à l’OpenLab, la consommation des enfants de 3 à 15 ans est de 3,3 grammes par jour, et celle des adultes de 2,7 grammes. La consommation de la population générale est de 2,8 grammes, soit un kilo par an et non deux. La contribution d’acides gras saturés est pour les enfants de 7 % et pour les plus de 15 ans de 4 % . Les qualités ne sont pas tant nutritionnelles, elles portent surtout sur la texture et la conservation, grâce à la présence de la vitamine E, antioxydant fort qui permet la stabilité de l’huile de palme. Elle est constante à température ambiante, ce qui évite le recours à l’hydrogénation.
Deux tartines de Nutella tous les matins correspondraient à cinq litres d’huile de palme par an ?
C. B. : Ce chiffre est faux. Là aussi, selon le Crédoc, la consommation des enfants est en moyenne de 30 grammes par occasion de consommation, chiffre qui s’élève à 40 grammes pour les adolescents. Ceux qui consomment Nutella le font en moyenne deux fois et demie par semaine, un enfant consommerait donc 3,5 kilos de Nutella par an. N’oublions pas que Nutella est composé de sept ingrédients, que l’huile de palme entre pour 20 % dans la composition, aussi sa consommation annuelle est-elle estimée à 780 grammes.
N’est-ce pas tant l’huile de palme qui pose problème que la quantité que le consommateur ingurgite chaque jour en consommant divers produits qui en contiennent (risque de maladie cardiovasculaire en raison de la présence d’acide gras palmitique athérogène, qui bouche les artères en cas d’excès) ?
C. B. : C’est le paradoxe de l’huile de palme, huile très versatile qui donne lieu à des usages très variés dans l’industrie alimentaire et non-alimentaire, puisqu’elle entre dans la fabrication de certains plastiques. À chaque fois, la quantité utilisée est très faible, aussi la consommation des Français reste faible.
Ne peut-on pas reprocher un manque de transparence sur certaines étiquettes qui indiquent huile végétale ou matière grasse végétale ? on en mangerait donc à notre insu et on en utiliserait dans des produits cosmétiques (shampoing…) sous la forme de dérivés ?
C. B. : Ce n’est plus le cas depuis début 2016 et le règlement européen qui exige la mention de l’huile de palme sur les étiquettes. Cette huile n’étant pas identifiée comme allergène, cette mention n’était jusqu’alors pas obligatoire.
Comment le consommateur peut-il se faire une idée précise quand les analyses scientifiques se contredisent et quand certaines marques (Findus, St Michel…) et certains distributeurs (Système U) affichent « sans huile de palme », contribuant à la stigmatisation de cet ingrédient ?
C. B. : C’est l’objectif d’OpenLab que de permettre à des observateurs éclairés de se faire entendre et parler de manière légitime.
Comment rendre audible, compréhensible, un sujet très complexe, quand le consommateur veut avoir des réponses simples ?
C. B. : C’est vrai également pour d’autres thématiques, il faut donc prendre le temps et réfléchir convenablement. Ferrero entend conserver l’huile de palme, qui respecte une charte très engageante. Si on la remplace par une autre huile, il n’est pas certain que l’on soit mieux-disant, aussi bien sur le plan de l’environnement que sur celui de la santé.
Les arguments en faveur de l’huile de palme ont-ils été bien reçus lors de l’Openlab Nutella auprès des personnes qui, auparavant, étaient hostiles à son usage ?
C. B. : On ne prétend pas résoudre très vite la question. Pour autant, on a observé sur les réseaux sociaux des échanges très riches avec des gens très opposés à l’huile de palme, mais qui ont compris que le débat devait être ouvert et ont reconnu les efforts de Ferrero.
Quels sont les progrès à faire ? L’objectif de zéro déforestation en 2020 est-il atteignable ?
C. B. : Cet objectif doit être en permanence maintenu. La mise en place d’une surveillance satellite des plantations auprès desquelles Ferrero s’approvisionne nous aide. La méthode HCSV (High Carbon Stock Value) va au-delà de la seule protection des forêts primaires ou secondaires en s’attachant à l’ensemble des forêts, définissant celles qui doivent être préservées et celles que l’on peut abattre. Pour autant, les causes de la déforestation sont nombreuses (dont les départs de feux en période de sécheresse) et dépassent la seule exploitation de l’huile de palme.
La démarche pour une huile de palme durable de Nutella, qui se pose en « éclaireur », peut-elle faire école ?
C. B. : C’est notre démarche, puisque nous sommes, avec Danone, les deux industriels membres depuis 2015 du Palm Oil Innovative Group (POIG), qui réunit des ONG comme WWF, Greenpeace, des planteurs et des raffineurs.
Afin de porter la bonne parole partout en France, l’Openlab Nutella est-il itinérant ?
C. B. : Pour l’heure, non. Nous souhaitons, par cet OpenLab, afficher une posture de transparence, une transversalité. Il peut demain revêtir une forme différente de celle du mois d’octobre.
Liste des intervenants1re table ronde : l’huile de palme durable, mythe ou réalité ?
2e table ronde : l’huile de palme dans l’alimentation des Français
3e table ronde : comment mettre en oeuvre les engagements pour une huile de palme durable ?
4e table ronde : la place des petits planteurs dans une démarche de développement durable
Synthèse sur https://openlab-nutella.com/ |
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