Pernod Ricard du VIIIe à La Havane
16/07/2016
Le mécénat culturel s’est inscrit dès les origines dans les engagements du groupe Pernod Ricard. Plusieurs de ses marques, comme Absolut Vodka ou Martell, en multiplient les actions. Focus sur deux facettes emblématiques de cette stratégie avec la fondation Ricard et Havana Club, du triangle d’or parisien à la mer des Caraïbes…
Par Benoît Jullien, ICAAL
A près son ouverture à Paris, près de la Madeleine, en 1994, l’espace Paul Ricard est devenu la fondation Ricard en 2006. Votée en 2003, la loi Aillagon a favorisé l’émergence de ce type de structure. « Mais pour nous, il s’agissait de la poursuite logique du même engagement », précise Colette Barbier, directrice de la fondation et initiatrice dès l’origine de la démarche au sein du groupe Pernod Ricard, où elle travaillait déjà. Et de résumer : « c’est un lieu qui organise des expositions tout au long de l’année, environ six par an, confiées à des représentants de la jeune scène présente en France, soit individuellement soit collectivement ». Chaque exposition est organisée par un commissaire indépendant, « un professionnel de l’art dont c’est le métier de choisir ». Cet espace est complété par d’autres initiatives. Ainsi, dès 1999, un prix a été organisé, donnant lieu à une exposition et à la récompense par un jury d’un lauréat dont l’oeuvre est achetée par la fondation, puis offerte au Centre Pompidou. Plus récemment, le lauréat se voit offrir la possibilité de réaliser un projet à l’étranger grâce au financement de la fondation. En 2009, le Centre Pompidou, dont Pernod Ricard est devenu un « grand mécène », a d’ailleurs organisé une exposition rétrospective du prix Ricard. Enfin, un programme de conférences est aménagé pour donner la parole à des artistes, mais également à des sociologues. 100 % financée par la société Ricard, filiale du groupe, la fondation évolue avec un budget d’environ un million d’euros par an et une équipe de cinq permanents. « Nous sommes très autonomes dans notre organisation, mais entretenons des relations régulières avec l’entreprise, notamment son service marketing, qui travaille également avec des créateurs. Nous pouvons même constituer une sorte de pépinière de talents qui permet de repérer des artistes qui pourraient travailler pour le groupe », explique Colette Barbier.
Innovation et convivialité
Pour Pernod Ricard, « cet engagement s’inscrit dans la tradition de la société ». Il faut se rappeler que Paul Ricard avait suivi les Beaux-Arts de Marseille avant de lancer son entreprise. Resté peintre amateur mais passionné, il n’a eu de cesse de soutenir des artistes durant toute sa vie. Poursuivant cette démarche, la création de l’Espace Paul Ricard a surtout marqué une étape de professionnalisation de cette tradition de mécénat. « La fondation est une manière de démontrer que l’entreprise repose sur des valeurs de responsabilité et de créativité », explique Colette Barbier. « En soutenant de très jeunes artistes, elle a clairement opté en faveur du risque et de l’innovation. » Grâce à un principe d’entrée gratuite ainsi qu’à son implication sur les réseaux sociaux, la fondation bénéficie d’une fréquentation beaucoup plus jeune et populaire que son emplacement géographique et son objet – a priori un peu élitistes – pourraient laisser à penser. « Venez assister à nos vernissages, vous serez surpris », assure Colette Barbier. On retrouve ainsi l’esprit Ricard : « tout le monde peut venir, il n’y a pas de barrière et la convivialité est notre maître-mot. Même si nous nous devons d’être des découvreurs de talents, nous restons accessibles ». Depuis sa création, la fondation a soutenu plusieurs centaines d’artistes. « Je crois que notre action est saluée par le milieu de l’art, explique Colette Barbier, car nous avons permis à des artistes, pas toujours très bien soutenus au moment où ils en ont besoin, de faire éclore leur talent. Nous permettons aussi de faciliter la relation public- privé, non seulement grâce à notre partenariat avec le Centre Pompidou, mais également avec le palais de Tokyo ou les écoles des Beaux-Arts ».
La fondation s’internationalise
D’autant que le monde de l’art a changé : « l’État se désengage de certains soutiens, ce qui donne d’autant plus d’importance aux mécènes privés qui viennent prendre le relais. Cela encourage les entreprises à dépasser leur périmètre d’action, explique Colette Barbier. De plus, l’organisation des expositions est de plus en plus délicate, car le processus de création a considérablement évolué : les artistes utilisent des procédés et des matériaux nouveaux pour créer des oeuvres de plus en plus complexes mais c’est précisément notre rôle de montrer les formes les plus actuelles de la création ». De nouveaux projets sont désormais à l’oeuvre. « Il s’agit maintenant de montrer la scène française à l’étranger. » Après la Corée l’an dernier, une exposition des prix de la fondation Ricard est prévue au Mexique à la fi n de cette année, en lien avec la filiale locale du groupe, puis en Bulgarie l’année suivante. « Les filiales à l’étranger peuvent nous solliciter pour les accompagner dans des actions de mécénat », précise Colette Barbier. Parallèlement, le partenariat entre Pernod Ricard et la villa Vassilieff, que vient d’inaugurer à Paris le centre d’art Bétonsalon, démontre la volonté du groupe et de la fondation d’étendre cette action. « Nous avions le souhait de soutenir un programme de recherche avec des artistes étrangers, complémentaire de notre activité première. » En a résulté le Pernod Ricard Fellowship, une bourse permettant d’accueillir chaque année artistes, commissaires ou chercheurs venus du monde entier.
Havana Club, ambassadrice de la culture cubaine
Le monde entier, c’est d’ailleurs le terrain de jeu du groupe Pernod Ricard. Et les opérations de mécénat menées par sa marque Havana Club en témoignent. Produit « iconique » de Cuba au même titre que les cigares, ce rhum – cinquième marque du top 14 de Pernod Ricard – symbolise désormais avec d’autres une stratégie fondée en profondeur sur le territoire, voire le terroir de la marque. « Notre ancrage à Cuba est la clé de nos actions, confirme François Renié, directeur de la communication de la marque, dont La Havane constitue le coeur émotionnel ». Une limite toutefois, il ne s’agit pas de sombrer dans la nostalgie exotique : « Havana Club est le rhum d’aujourd’hui, nous mettons donc en avant des actions culturelles d’aujourd’hui. Cuba repose certes sur une tradition forte, mais sa scène est restée très vivante ». Dit autrement, il s’agit de dépasser le cliché du Buena Vista Social Club rendu célèbre par le cinéaste Wim Wenders. La première action lancée en 2007 a été de créer une vitrine Web de la culture cubaine, cette dernière étant alors affectée par un réel retard digital. havana-cultura.com constitue un web-magazine pour tous les acteurs de cet univers, relayé sur Facebook, Twitter ou YouTube. « Colonne vertébrale de notre politique, le site est devenu une référence de la création cubaine », se réjouit François Renié. En 2009, en partenariat avec Gilles Peterson, DJ et producteur reconnu internationalement, l’initiative est poursuivie par la production de CD de la nouvelle scène musicale cubaine – cinq à ce jour – ainsi que de deux albums de collaboration entre musiciens cubains et DJ étrangers. Tous sont diffusés sur les réseaux commerciaux. À noter également le cofi nancement du film 7 jours à La Havane, tourné par sept réalisateurs (dont Benicio Del Toro, Gaspar Noé ou Laurent Cantet) et présenté à Cannes en 2012 dans la sélection « Un certain regard ». Ou encore la collaboration entreprise avec le photographe Elliott Erwitt, auteur d’un reportage à Cuba pour l’agence Magnum dans les années 1960, et aboutissant à la création de The Elliott Erwitt Havana Club 7 Fellowship pour soutenir un reportage photographique chaque année. Dans toutes ces actions, la marque Havana Club reste des plus discrètes, non seulement pour des raisons réglementaires, mais également parce « le rhum est la nouvelle catégorie de spiritueux en voie de premiumisation : notre enracinement local est un gage de valeur ajoutée pour la marque, raconte François Renié. Au-delà de notre produit, nous devenons les promoteurs d’une façon de vivre. Plus qu’un blason de prestige, la marque représente un état d’esprit, empreint de partage et de multiculturalisme ».
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