Solidarité
Secours catholique, service d’Église universel
18/12/2023
Quelles sont l’origine et la singularité de votre association, est-elle toujours « catholique » ?
Emmanuel Perrin : Le Secours catholique a été fondé le 8 septembre 1946 par Mgr Jean Rodhain, concerné durant la guerre et après par la précarité des prisonniers. Il répondait à la volonté des évêques de créer une Caritas France. D’autres existaient déjà en Europe. L’association est toujours catholique dans son esprit, service d’Église, mais elle demeure indépendante, organisée en association loi de 1901 à but non lucratif, reconnue d’utilité publique, avec dans ses statuts une attention particulière pour aider toute personne, hors tout particularisme national ou confessionnel. L’ambition du Secours catholique est d’agir avec ceux que nous accompagnons et non à leur place, afin de les guider vers leur autonomie, de les rendre acteurs de leur vie et de la société.
Comment votre association est-elle organisée ?
E. P. : Elle regroupe soixante mille bénévoles et mille salariés. Particularité, les bénévoles portent l’action et les salariés sont à leur service. Nous sommes présents sur l’ensemble du territoire français avec 72 délégations, 2 400 lieux d’accueil et 3 700 équipes locales, en milieu rural aussi bien qu’urbain, proches de tous les publics. Nous sommes également présents à l’international, avec en particulier le réseau Caritas¹ Nous travaillons avec une cinquantaine de ses membres qui portent les actions sur le terrain.
Quel public visez-vous ?
E. P. : Notre association est généraliste contre l’exclusion et s’adresse à tout public souffrant de précarité : des personnes sans domicile, des ménages en difficulté financière, des migrants, des prisonniers, des femmes, des enfants pour un soutien scolaire ou les vacances… Le champ est vaste et les équipes bénévoles sont présentes localement, proches de ces publics en souffrance, en privilégiant leur accueil et leur accompagnement pour résoudre les problèmes qu’ils peuvent rencontrer. Les actions vont de l’action de quartier à des initiatives ambitieuses telles que des structures d’insertion, des épiceries sociales coopératives, des garages solidaires.
Changement de profil du bénévolat
Comment a évolué le nombre de bénéficiaires ces dernières années ?
E. P. : Il est stable à un million de personnes (552 400 adultes et 475 100 enfants en 2022), même si la pauvreté est en augmentation, du fait notamment de l’inflation. Selon notre rapport statistique[², Parmi les personnes accueillies par le Secours catholique le niveau de vie médian a baissé de 7,6 % en un an. Il s’établit à 538 euros par mois en 2022 (579 euros en 2021), soit 18 euros par jour pour subvenir à tous les besoins. C’est moins de la moitié du seuil de pauvreté, estimé à 1 211 euros en 2022.
Ce sont 95 % des personnes que nous rencontrons qui vivent sous le seuil de pauvreté (60 % du revenu médian, soit 538 euros par mois), et 74 % vivent même en situation d’extrême pauvreté (sous le seuil de 40 % du revenu médian), au lieu de 65 % en 2017. Nous avions jusqu’à présent un public en peu plus jeune que la population française. On constate un vieillissement : la part des plus de 60 ans est de 13 % , au lieu de de 6 % il y a dix ans. Les jeunes sont en plus grande fragilité : 85 % des 15-25 ans que nous rencontrons vivent sous le seuil d’extrême pauvreté (+ 3 points en un an). On constate aussi une féminisation de la pauvreté : en 1989, les femmes représentaient 51 % des adultes rencontrés par le Secours catholique. En 2022, 57,5 % , et 60 % des adultes de nationalité française. C’est souvent l’effet du travail précaire, du temps partiel subi, et des familles monoparentales.
Comment évolue le vivier des bénévoles ?
E. P. : Le bénévolat est au cœur de nos priorités, il nous permet d’agir et de créer un lien essentiel avec les personnes que nous souhaitons rendre autonomes. Nous regroupons des bénévoles « classiques » qui après une carrière professionnelle, à la retraite, consacrent une partie de leur temps libre à une association, et des personnes qui sont accompagnées par le Secours catholique et bénévoles en même temps. Avec le Covid et la fermeture temporaire d’activités, nous avons perdu près de 10 % de nos bénévoles. L’engagement a changé, pour un bénévolat plus ponctuel, sur des durées plus courtes. Nous devons donc faire un double effort, de recrutement et d’adaptation.
Partenariat avec General Mills
Quelles sont vos besoins et comment les entreprises soutiennent-elles vos actions ?
E. P. : L’association vit à 75 % de la générosité du public. Nous recevons peu de subventions, mais nous cherchons à développer ce mode de financement, tout en conservant notre liberté d’action et de parole. Nous avons des donateurs fidèles et généreux. Il existe de nombreuses façons de soutenir nos actions : faire un don ponctuel ou régulier par prélèvement automatique, faire un legs, souscrire une assurance vie en notre faveur, faire une donation…
Les entreprises peuvent aussi s’engager par du mécénat financier, en nature ou en compétences. Sur le plan financier, elles peuvent donner en toute confiance, pour l’ensemble de nos missions ou en nous soutenant sur des projets spécifiques. Ainsi General Mills soutient nos projets locaux en proximité avec leurs implantations, Arras pour Häagen-Dazs (extension et rénovation de l’accueil) et l’Adour pour Géant Vert (le Fraternibus, qui va dans les villages à la rencontre des personnes). Citons également Suez, Maison du Monde, Groupe ADP… Une dizaine d’entreprises de taille importante nous soutiennent tous les ans ainsi que bon nombre de PME et ETI. Nous bénéficions également du mécénat de compétence, principalement de longue durée, qui appuie les équipes bénévoles. Nos interlocuteurs des grandes entreprises sont les fondations, et pour les plus petites, les DG ou les départements RH ou RSE.
Vos recettes couvrent-elles vos dépenses ?
E. P. : De 2003 à 2017, nos recettes ont régulièrement progressé, puis ont stagné, alors que nos besoins continuaient de croître. Depuis, nous connaissons une période de déficit, à l’exception de la période Covid qui a été marquée par une forte générosité. Nous avons donc mis en place un plan de retour à l’équilibre à trois ans. Nous comptons évidemment aussi sur la générosité des donateurs. Nous souhaitons encourager le développement des partenariats avec les entreprises, et mieux nous faire connaître auprès de leurs salariés qui veulent s’engager davantage et partager des valeurs de solidarité et de générosité. Ils peuvent s’impliquer dans nos actions selon la forme qui leur convient.