Colgate-Palmolive, l’innovation partageuse
26/08/2021
A-t-on connaissance du nombre de tubes non recyclés devenus déchets [1] ?
Caroline Brucker : Le nombre de tubes vendus sur le marché français en GMS et pharmacies s’élève à environ 309 millions par an, et ce chiffre est stable depuis quelques années. Jusqu’à présent, la grande majorité de ces tubes n’étaient pas recyclables par les moyens conventionnels. On peut donc considérer qu’il correspond à celui des tubes non recyclés devenus déchets.
Pourquoi le dentifrice a été jusqu’à votre innovation un des derniers emballages non recyclables, alors que les emballages de lait ou les flacons alimentaires le sont depuis longtemps ?
C. B. : L’emballage du dentifrice est complexe dans sa composition, aluminium à l’intérieur pour protéger la formule et plastique à l’extérieur. Il nous a fallu près de cinq années entre le moment où la R&D s’empare du projet et celui où il est validé en production et que celle-ci démarre. Le tube doit garantir la sécurité du produit et présenter une souplesse pour que la pâte sorte facilement, soit un double défi technique.
L’idée de créer le premier tube de dentifrice recyclable [2] est-elle venue d’attentes manifestées par les consommateurs ? Ces attentes diffèrent-elles selon les pays ?
C. B. : C’est une combinaison entre les valeurs et la stratégie de développement durable du groupe et les attentes des consommateurs. Nous sommes présents dans plus de six foyers sur dix dans le monde avec la marque Colgate [3]. Le groupe a donc un impact majeur sur le plan mondial. Aussi le souhait de rendre l’emballage recyclable, donc plus respectueux de l’environnement, relève de notre démarche RSE. Les consommateurs sont de leur côté, de plus en plus en demande d’emballages recyclables, avec certes des attentes plus ou moins fortes selon les pays. En Europe et en France en particulier, elles sont plus élevées qu’ailleurs.
Faciliter le travail des recycleurs partout dans le monde
La recherche-développement autour de ce projet a-t-elle été une initiative ou une mission propre à la filiale de Colgate-Palmolive France-Benelux ?
C. B. : L’initiative vient du groupe et la recherche a été menée aux États-Unis, au département R&D situé dans le New Jersey, pour les quelque deux cents pays dans lesquels Colgate-Palmolive est présent.
Quelles sont les contraintes techniques que vous avez dû surmonter avec votre partenaire, le fabricant d’emballages Albéa ?
C. B. : Les contraintes portent d’abord sur le choix d’un plastique qui doit être recyclable dans une filière de recyclage existante, et accepté par les centres de tri. Il faut simplifier les gestes non seulement pour les consommateurs, mais aussi pour les recycleurs de toutes les collectivités dans le monde. Nous avons donc choisi le polyéthylène à haute densité (PEHD), un plastique déjà largement recyclé. Autres contraintes : la souplesse du tube, pour que l’utilisateur puisse extraire facilement la pâte, et la qualité d’impression sur le tube, pour inscrire les informations essentielles aux consommateurs.
Un organisme tiers a-t-il défini les normes de recyclabilité ?
C. B. : En Europe, notre technologie a été validée par RecyClass (une initiative européenne ayant pour but l’amélioration de la recyclabilité des emballages) et revue en France par Citeo.
Exit l’aluminium
Quels sont les matériaux que vous avez supprimés et par quoi les avez-vous remplacés ?
C. B. : Nous avons supprimé la feuille d’aluminium à l’intérieur du tube et nous l’avons remplacée par le polyéthylène à haute densité. La grande innovation qui nous a permis de créer ce nouveau tube est la présence de neuf couches de PEHD pour garder le tube souple.
Le bouchon est-il également recyclable ?
C. B. : Il l’est et il est constitué pour l’heure d’un autre plastique, le polypropylène (PP). Nous travaillons à le remplacer par le PEHD pour optimiser le recyclage.
Avez-vous également travaillé l’emballage pour éviter les gaspillages de pâte à la fin de l’usage du tube ?
C. B. : Pas pour l’instant, car notre priorité était de rendre l’emballage recyclable, mais cet objectif est programmé dans nos travaux de recherche et développement.
Où ces nouveaux emballages sont-ils fabriqués ?
C. B. : Nous avons des usines de production dans plusieurs régions dans le monde. Pour l’Europe, l’usine est en Pologne.
Sous quelle marque votre nouveau tube en plastique PEHD est-il lancé en France ?
C. B. : Nous l’avons lancé pour la première fois en France en 2020 avec la gamme de dentifrice Colgate Smile for good, et nous l’avons déployé en 2021 sous la gamme Colgate MaxProtect. D’ici à la fin de l’année, près de 80 % de la marque Colgate bénéficiera de cette technologie.
Partager, pour accélérer la maturation de la filière
Quel organisme les recycle en France ? La filière était-elle déjà apte à en assurer le traitement ?
C. B. : Notre objectif est bien sûr que nos emballages soient recyclés par les organismes mis en place par les différents gouvernements. En France, Citeo coordonne le tri et le recyclage avec les collectivités locales. Le tube est composé de plastique PEHD, qui est un matériau recyclable, confirmé par Citeo. Nous avons constaté, sur la base d’un essai organisé par Citeo dans des centres de collecte représentatifs, qu’une partie seulement des tubes est à ce jour effectivement triée et recyclée. Il s’agit néanmoins d’une amélioration significative par rapport aux autres tubes présents sur le marché, qui ne le sont pas toujours. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons partager notre innovation avec d’autres fabricants afin d’augmenter le volume à trier pour les collectivités.
Quand ce nouvel emballage pourra-t-il concerner 100 % de votre offre de dentifrice dans le monde ?
C. B. : Nous allons aller plus vite en Europe. Nous avons commencé en 2020 à déployer notre technologie avec pour objectif de l’avoir sur l’ensemble de nos produits et nos marques dans le monde d’ici à 2025. Pour l’Europe, nous prévoyons d’atteindre cet objectif fin 2023.
Quels autres produits du groupe pourraient utiliser les solutions mises en œuvre pour ce nouvel emballage ?
C. B. : Ce nouvel emballage sera déployé sur toutes nos marques de dentifrice, donc Elmex et Meridol en bénéficieront également à partir de 2022. Et tout autre fabricant de produit en tube est le bienvenu pour utiliser notre technologie.
Vous mettez votre découverte en accès libre pour la partager avec vos concurrents. Que faites-vous pour la promouvoir ?
C. B. : Notre entretien participe de notre communication auprès des grandes marques de l’Ilec. Nous informons les fabricants lors de salons professionnels ou forums consacrés à l’emballage, mais également avec les groupes de distribution et leurs équipes marques propres lors de nos nombreux échanges. Et cela fonctionne, nous avons été ravis d’apprendre qu’après Colgate-Palmolive, Procter & Gamble, Henkel, les deux autres fabricants majeurs du marché, GSK et Unilever ont annoncé, en mai dernier, ce même changement d’emballage pour leurs marques de dentifrice.
Les distributeurs y ont-ils été sensibles jusqu’à intégrer tout ou partie des coûts de ce développement dans la négociation commerciale ?
C. B. : Comme je vous l’ai dit, nous sensibilisons les distributeurs en partageant notre innovation, qu’ils plébiscitent, mais pour l’heure nous en supportons tous les coûts.
Montée en puissance de l’écorecharge pour le gel-douche
Quelles autres solutions déploie Colgate-Palmolive pour réduire l’empreinte environnementale des emballages ?
C. B. : Sur le plan mondial, nos objectifs sont de trois ordres à l’horizon 2025 : zéro emballage inutile, 50 % d’emballages à partir de matériaux recyclés – 25 % sur les plastiques – et 100 % d’emballages recyclables, réutilisables ou compostables. Concrètement, l’impact le plus positif sur l’environnement est la réduction des emballages. Notre initiative avec la marque Sanex par exemple y participe puisque, avec nos écorecharges de gel douche, nous économisons près de 78 % de plastique par rapport à un flacon classique. Les consommateurs plébiscitent cette innovation, car l’usage du produit reste simple et proche de celui du flacon classique. L’adhésion du consommateur étant essentielle pour qu’une solution d’emballage fonctionne, nous allons déployer cette technologie sur d’autres produits.