Bulletins de l'Ilec

OSE, voie ouverte - Numéro 473

15/06/2018

Le pionnier en France de l’entreprise à mission a un modèle socio-économique singulier. Mais il n’est pas seul. Entretien avec Isabelle Lescanne, directrice générale d’Onyx Développement (holding du groupe Nutriset)1

Première entreprise en France à adopter en 2015 un « objet social étendu » (OSE), Nutriset fait-elle des émules ?

Isabelle Lescanne : Pour son fondateur Michel Lescanne, doter Nutriset d’un OSE répondait à une logique : engager de manière pérenne les actionnaires dans un champ de responsabilités vis-à-vis de l’écosystème de l’entreprise. Cette démarche a été facilitée par le modèle socio-économique de Nutriset, à finalité humaniste, en lien direct avec son secteur d’activité, dans lequel se sont inscrits les actionnaires. L’activité répond en effet à un mandat original et exigeant : mettre à disposition des acteurs de l’aide humanitaire des produits efficaces, innovants et de qualité pour combattre la malnutrition infantile dans les pays du Sud. Ce mandat a permis de développer un modèle bénéfique pour l’ensemble des partenaires (humanitaires, fournisseurs, chercheurs), d’apporter une solution appropriée aux enfants malnutris et d’assurer le développement de l’entreprise, qui depuis sa création tient sa position de numéro un mondial.

À partir de l’expérience de Nutriset, le Centre de gestion scientifique de Mines ParisTech, qui a développé le concept d’OSE et avec qui nous avons beaucoup échangé, a créé la chaire « Théorie de l’entreprise, modèles de gouvernance et création collective ». Les entreprises qui la soutiennent sont très intéressées par ces formes d’entreprises. Fin mars, à l’initiative de Citizen Capital et de la Camif, a été constituée une « communauté d’entreprises à mission » dont nous faisons partie.

Souhaiteriez-vous voir l’entreprise à mission inscrite dans le droit par un statut spécifique ?

I. L. : Changer le prisme sur les entreprises est une nécessité. 
À l’exception de celles contraintes par l’industrialisation financière de leur actionnariat, la majorité des entreprises sont guidées par leur métier et la satisfaction de leurs clients à long terme. En ce sens, la révision des articles 1832 et 1833 du Code civil qui prévoit d’intégrer la « raison d’être » est une excellente chose. De cette raison d’être découleront les priorités ou la mission de chaque entreprise ; il sera fondamental qu’elle ne soit pas une simple déclaration d’intention, mais rédigée de façon à engager l’entreprise et l’intégralité de son collectif.

Comment impliquer les parties prenantes extérieures à l’entreprise sans contrarier la liberté d’entreprendre ?

I. L. : La question est moins celle de parties prenantes externes que de de liberté qui ne peut s’opérer qu’en prenant en compte l’ensemble des responsabilités induites. Pour diriger, il faut des cadres de responsabilité et d’équité. Ce qui lie la question de la liberté à la mise en place de normes ad hoc.

Faut-il adapter la fiscalité aux spécificités des entreprises à mission ?

I. L. : Si des actionnaires et dirigeants font l’effort de poursuivre un objectif dans le souci du bien commun, alors il est attendu que les pouvoirs publics, les administrations et les autres acteurs prennent en considération ces choix de gestion spécifiques. Ce qui revient à la nécessité de normes.

1. www.groupenutriset.fr.

Propos recueillis par J. W.-A.

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