Bulletins de l'Ilec

Éditorial

Humanités numériques - Numéro 477

30/11/2018

Entre la publication fin septembre d’un «  Livre blanc 2018 Agora Industrie  » qui met l’accent sur les modalités d’acquisition des compétences numériques, et une exposition, «  l’Usine extraordinaire »1, qui a visé, au Grand Palais, du 22 au 25  novembre, à séduire le grand public, le Bulletin de l’Ilec s’est interrogé sur la part qui revient au « digital » dans ce qui fonde les interrogations du management sur l’évolution des métiers de l’industrie – sans s’en exclure.

Cobotique, traitement de données, réalité augmentée, impression 3D de petites séries, intelligence artificielle, simulation numérique… Même si le Premier ministre pouvait s’alarmer le 20 septembre dernier que la France ait été entre 2012 et 2015 «  le seul pays d’Europe où le ratio robots sur salariés dans l’industrie (ait) baissé  », le pli est pris, et la révolution digitale touche ou touchera tous les secteurs, et peu ou prou tous les métiers.

De là à leur en substituer partout de nouveaux du jour au lendemain il y a peut-être un peu loin. Affirmer comme on le lit ici ou là que «  85  % des métiers à l’horizon 2030 n’existent pas encore  » au motif certes avéré que les cycles de vie des compétences tendent à raccourcir relève de la prophétie bon marché, tant de 2030 n’est prévisible que l’oubli profond où seront tombées les prévisions de 2018.

Reste que la transition «  4.0 » pourrait être plus complexe pour les actifs en milieu de carrière que ne l’avait été pour d’autres avant eux la généralisation de l’informatique dans les années 1980-90. Et que la question de la formation est posée à nouveaux frais pour conjurer le risque de «  l’illectronisme  », tant celui des actifs en poste dans de grandes organisations que celui des marginalisés de l’emploi.

Ce qui fonde l’inquiétude devant le numérique et l’idée de transformation des métiers vaut pour les exerçants (va-t-il s’en trouver parmi les meilleurs dans leur partie qui seront empêchés en pleine carrière ?), mais aussi pour ceux qui sont encore à l’orée de la vie professionnelle. Comme le souligne une étude de l’Agence française de coopération technique internationale, «  la  compétence numérique n’est pas innée chez les jeunes  »2 Eux aussi sont susceptibles d’être frappés de panique numérique, si leur éducation et leur formation initiale ne sont pas orientées de façon à les munir des «  compétences sociales et situationnelles  » qui leur serviront de sésame, en plus d’un bagage technologique en phase avec l’état de l’art : un peu comme aux escholiers de jadis à qui les «  soft skills  » des humanités classiques ouvraient les portes de domaines particuliers hautement techniques, comme la médecine ou la théologie.

De mémoire industrielle, ces compétences sociales et situationnelles précieuses pour «  apprendre à apprendre  » ont sans doute d’ailleurs toujours été utiles dans l’exercice des emplois. (Hors ceux de pure exécution du modèle taylorien ? Même pas sûr !) Mais elles deviennent plus précieuses à raison de la plus haute fréquence (par hypothèse) de leur mobilisation, indexée sur la rapidité de l’innovation technique. Et elles ne le seront pas moins dans leur ouvrage aux experts en conduite du changement, s’ils entendent se tenir à la hauteur des enjeux d’industries en transition permanente.

1. https://www.usineextraordinaire.com.
2. https://is.gd/5ZqDYZ.

 

François Ehrard

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