Coca, objectif neutralité carbone
15/02/2021
Coca-Cola European Partners (CCEP) s’est donné pour objectif la neutralité carbone d’ici à 2040. Est-il limité à l’Europe ? Quelles mesures verront le jour en 2021 ?
Arnaud Rolland : CCEP est le principal producteur et distributeur de boissons rafraîchissantes sans alcool en Europe et le plus grand embouteilleur indépendant de Coca-Cola au monde. Cette ambition de neutralité carbone concerne l’Europe, car CCEP opère uniquement sur ces marchés. Nous desservons une population de plus de trois cents millions de consommateurs en Europe occidentale, notamment en France, mais aussi en Allemagne, Andorre, Belgique, Espagne, Grande-Bretagne, Islande, Luxembourg, Monaco, Norvège, Pays-Bas, Portugal et Suède. Pour atteindre ces objectifs, CCEP réduira de 30 % les émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble de sa chaîne de valeur à l’échelle européenne d’ici à 2030, par rapport à 2019.
Les emballages que nous utilisons représentent plus de la moitié du total de nos émissions de GES (gaz à effet de serre). Agir en diminuant le tonnage des matériaux utilisés pour les emballages, en réduisant leur poids, en incorporant massivement des matériaux recyclés, comme le plastique recyclé, l’aluminium et le verre recyclé, tout en développant des emballages réutilisables, est donc clé pour atteindre de ces objectifs. En 2021, toutes nos nouvelles canettes passeront de l’acier à l’aluminium : une diminution de 18 % de leur empreinte carbone grâce à deux fois moins de matière et à un changement de procédé avec de l’électricité 100 % renouvelable.
Quels sont dans la chaîne de valeur, embouteilleur-producteur-distributeur, les maillons qui émettent le plus de GES ?
A. R. : Nos efforts de réduction des émissions de GES se portent sur l’ensemble de notre chaîne de valeur. Cependant, plus de 90 % de nos émissions sont indirectes (« scope 3 »). C’est pourquoi nous devrons travailler en étroite collaboration avec nos fournisseurs, en les accompagnant pour fixer leurs propres objectifs de réduction basés sur la science climatique et en leur demandant d’utiliser de l’électricité 100 % renouvelable d’ici à 2023.
Qu’entendez-vous par « émissions absolues » de GES et sur quels leviers allez-vous agir pour les réduire de 30 % d’ici à 2030 par rapport à 2019 ?
Actions multiples à échéance 2023
A. R. : Depuis 2010, nous avons réduit les émissions de 30,5 % sur l’ensemble de notre chaîne de valeur. Nous poursuivons ces efforts. Réduire de 30 % les émissions absolues de GES par rapport à 2019 est conforme à une trajectoire de 1,5°C et aux Accords de Paris sur le climat. Notre objectif sera de réduire les émissions dans les cinq domaines de notre chaîne de valeur : emballage, ingrédients, opérations, transport et réfrigération. Nous réduirons autant que possible nos émissions de « scope 1 » (émissions directes) et « scope 2 » (émissions indirectes liées aux consommations énergétiques), et nous demanderons à nos fournisseurs de s’engager davantage dans la réduction des émissions de « scope 3 ». À très court terme, nos actions consistent à éliminer le plastique vierge (issu du pétrole) de nos emballages et à passer à 100 % de plastique recyclé ; continuer à réduire le poids de nos emballages ; rendre nos réseaux de distribution et nos modes de transport plus efficaces ; changer nos matériels réfrigérés pour plus d’efficacité énergétique ; utiliser davantage le rail-route pour transporter nos produits ; éliminer les combustibles fossiles de nos sites de production (six sites de production en Europe deviendront neutres en carbone avant la fin de 2023) ; utiliser davantage de véhicules électriques et hybrides ; innover dans les emballages réutilisables et les fontaines de boissons.
Cela vous conduit-il à créer des nouvelles technologies, dans le recyclage du plastique par exemple ?
A. R. : Nous sommes convaincus que la lutte contre réchauffement climatique ne pourra se faire sans le développement de nouvelles technologies, dont beaucoup existent seulement à l’état de concepts, loin de l’échelle industrielle nécessaire. Aujourd’hui, il n’y a pas assez de PET recyclé de bonne qualité disponible pour passer à 100 % de plastique recyclé sur tout notre portefeuille en Europe de l’Ouest. C’est pourquoi nous soutenons des startups qui cherchent à développer des techniques innovantes de recyclage. Nous travaillons aussi avec les recycleurs plus traditionnels, avec des contrats d’achat à long terme de PET recyclé, pour les aider à augmenter leur capacité et à innover. Par exemple, CCEP investit et continuera à investir dans des techniques de dépolymérisation, qui vont nous aider à éliminer le PET vierge issu du pétrole de nos emballages, grâce à l’apport sur le marché de PET recyclé « identique » au vierge. En juillet 2020, CCEP Ventures, le fonds d’investissement dans l’innovation de CCEP, a investi dans la startup CuRe Technology, spécialiste de la dépolymérisation du plastique. Ce soutien financier permettra à CuRe d’accélérer le développement de sa technologie, de l’usine pilote à la commercialisation, et à CCEP de bénéficier de la majorité de la production.
Capacité d’entraînement
Comment associez-vous vos fournisseurs à votre objectif ?
A. R. : Notre objectif est de réduire nos émissions indirectes de 2,5 % en moyenne chaque année. C’est pourquoi nous nous sommes engagés à collaborer avec tous nos fournisseurs stratégiques. D’ici à 2023, nous demanderons à nos fournisseurs de fixer leurs propres objectifs de réduction des émissions de GES en ligne avec la science climatique, de s’engager à utiliser de l’électricité 100 % renouvelable dans l’ensemble de leurs activités et de partager leurs données sur l’empreinte carbone avec nous.
Cela vous conduit-il à en changer ?
A. R. : Non. Nous travaillons en partenariat avec nos fournisseurs avec un objectif commun, ce n’est pas à l’ordre du jour. Certains de nos grands fournisseurs sont déjà engagés dans des objectifs climatiques très ambitieux.
Est-il possible d’associer à votre objectif les derniers maillons : commerce, cafés-hôtels-restaurants, restauration collective, consommateurs ?
A. R. : Collaborer avec nos fournisseurs, nos clients, nos consommateurs et nos autres partenaires est essentiel. Nous allons continuer à travailler avec nos clients pour leur proposer des solutions qui répondent à leurs besoins et qui nous permettent de réduire notre empreinte GES.
Votre objectif peut-il vous conduire à revenir à la bouteille consignée ?
A. R. : La fin de vie des produits que nous distribuons a un impact sur leurs émissions de GES. Développer la collecte et le recyclage de nos emballages réduit les émissions de GES générées par leur fabrication ; les matériaux recyclés ont des empreintes carbone nettement plus faibles que les matériaux vierges, de 70 à 90 % de moins. C’est pourquoi nous nous sommes fixé comme objectif de collecter 100 % de nos emballages et d’atteindre d’ici à 2030 100 % de matériaux recyclés. Parallèlement, nous développons les emballages réutilisables comme nos bouteilles en verre consignées ; des tests sont en cours avec certains de nos clients distributeurs. Notre conviction pour améliorer la collecte des emballages est de mettre en place un système de consigne, et nous soutenons son introduction dans tous les pays où nous opérons.
Du film plastique au carton
Allez-vous au-delà des objectifs des Accords de Paris sur le climat ?
A. R. : Notre trajectoire vers la neutralité carbone est conforme à la science climatique pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Nous devons collectivement atteindre la neutralité carbone au plus tard en 2050. Nous nous sommes fixé comme objectif de l’atteindre en 2040. Nous avons intégré un objectif de réduction du carbone dans le plan d’intéressement à long terme de nos dirigeants ; cela signifie que notre comité de direction est directement incité à réduire les émissions de GES tout au long de la chaîne de valeur.
Vous êtes-vous fixé des indicateurs annuels pour suivre votre feuille de route ?
A. R. : Nous avons des indicateurs et nous continuerons à communiquer sur les progrès réalisés chaque année, dans notre rapport annuel intégré. Nous continuerons aussi à publier nos données sur notre empreinte carbone dans la publication annuelle du Carbon Disclosure Project.
Quel est le coût d’un tel plan et comment est-il financé ?
A. R. : Le plan d’action immédiat de CCEP est soutenu par un investissement de 250 millions d’euros, qui a débuté en 2020 sur trois ans et qui apportera un soutien financier ciblé aux domaines d’action de la décarbonation. Cela comprend le travail pour réduire l’empreinte carbone de nos matériels réfrigérés et nos initiatives pour des emballages plus durables, comme l’évolution vers 100 % de plastique PET recyclé et l’investissement dans de nouvelles techniques de recyclage du plastique par dépolymérisation. En 2020, cet investissement a permis la transition de nos films plastique de regroupement vers une solution d’emballage carton innovante, comme KeelClip et CanCollar, pour nos packs de canettes.
L’affichage d’un objectif de neutralité carbone va-t-il avoir des retombées positives sur les actes d’achat ?
A. R. : Pour les consommateurs, la question du changement climatique est primordiale, elle affecte toujours plus leur mode de vie et leurs choix, y compris leurs décisions d’achat. Notre objectif est qu’ils apprécient nos boissons de la manière la plus durable possible.
Propos recueillis par Jean Watin-Augouard