Vie des marques

Bel, catalyseur de l’agriculture régénératrice

09/06/2023

Avec un objectif d’une production propre en totalité issue de filières régénératrices dans douze ans, la marque fromagère, de plus en plus végétale, agit en pionnière de la transition alimentaire et de la responsabilité environnementale. Entretien avec Élodie Parre, directrice du développement durable, groupe Bel.

Notre système agroalimentaire, par ses effets néfastes sur la biodiversité, atteint ses limites. Comment se positionne le groupe Bel dans la transition des modèles agricoles ?

Élodie Parre : Le modèle agro-alimentaire que nous connaissons n’est plus tenable. Avec des pratiques d’agriculture parfois intensives, il contribue à l’érosion de la biodiversité, il appauvrit les ressources hydriques, il est responsable, de la ferme à l’assiette, d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre dans le monde.

Certains n’y voient qu’un problème, nous y voyons notre premier levier d’action, celui dont chacun peut s’emparer. Chez Bel, nous préparons le futur de l’alimentation, avec la volonté de répondre aux besoins alimentaires et nutritionnels d’une population croissante, tout en préservant les ressources de la planète. Pour cela, nous nous engageons de la fourche à la fourchette, pour relever trois défis : soutenir la transition écologique du modèle agricole, équilibrer notre portefeuille de produits entre une offre laitière et une offre fruitière et végétale, et lutter contre le gaspillage alimentaire.

Il est temps de réinventer notre modèle agroalimentaire, en commençant par l’agriculture. Car la solution se trouve sous nos pieds. On parle d’agriculture régénératrice, et cela regroupe un ensemble de techniques agricoles qui replace le sol au cœur de toutes les pratiques. Une terre préservée, ce sont du lait et des pommes sains, nutritifs et de qualité pour nos produits.

Une alliance ouverte à tous

Qu’est-ce que l’« Alliance », et à qui s’adresse votre appel à la rejoindre « pour une agriculture régénératrice » ?

E. P. : Nous sommes engagés depuis de nombreuses années dans la transition des modèles agricoles. Partenaire du WWF France depuis dix ans, nous avons construit avec lui notre charte pour un amont laitier durable qui vise à promouvoir le pâturage et l’alimentation locale. Pour notre filière fruit, nous nous approvisionnons auprès de vergers labélisés « Vergers écoresponsables », premier label du rayon fruits et légumes : il s’appuie sur les principes de la production fruitière intégrée, privilégiant l’observation des vergers, les méthodes de lutte biologique et les techniques de pointe permettant d’assurer une production de qualité pour tous.

En renforçant notre démarche, nous ambitionnons demain d’avoir la totalité de notre lait et de nos pommes issus de l’agriculture régénératrice en 2030, et d’étendre cet objectif à toutes nos matières premières principales en 2035. Et au-delà de Bel, c’est l’ensemble des maillons de notre écosystème que nous souhaitons rassembler. L’Alliance pour l’agriculture régénératrice est ouverte à tous les acteurs qui pensent, comme notre groupe, que nous devons unir nos forces, créer un mouvement pour que l’agriculture régénératrice devienne la norme pour tous et partout. Nous devons travailler avec toutes les filières, d’autres entreprises de l’agroalimentaire, des coopératives, des éleveurs, des distributeurs, des experts, les consommateurs… Cette Alliance se veut internationale, car les enjeux sont mondiaux.

Comment l’agriculture régénératrice peut-elle devenir « la norme pour tous et partout » ?

E. P. : Elle le deviendra dès lors que nous aurons démontré que ces pratiques fonctionnent et ont de véritables effets. C’est pourquoi  nous devons unir nos forces et agir très concrètement, aller au-delà des intentions. C’est cet état d’esprit qui doit animer l’Alliance. La nature fait bien les choses, elle doit nous inspirer. Dans un écosystème les maillons interagissent, travaillent ensemble ; nous voulons en quelque sorte imiter ce modèle qui a fait ses preuves, et au sein de l’Alliance rassembler les expertises, mutualiser les efforts au service de l’agriculture régénératrice.

Outre WWF France, quels rôles jouent le groupe de services agricoles Biosphères [1] et Earthworm Foundation [2] dans la mise en œuvre du cadre de référence ?

E. P. : Le WWF est notre partenaire historique stratégique et travaille à nos côtés pour définir le cadre de référence de notre démarche, avec une vision holistique intégrant carbone, biodiversité, écosystèmes, etc. Biosphères et Earthworm Foundation, experts techniques reconnus, nous accompagnent pour le suivi et la mesure d’impact des projets pilotes.

Projets pilotes aux États-Unis et en Europe

L’Alliance a-t-elle engagé des projets pilotes en matière de décarbonation ?

E. P. : L’agriculture régénératrice, en préservant les sols, lui redonne son potentiel de captation du carbone et contribue ainsi à la décarbonation. Nous avons déjà mis en place des projets pilotes aux États-Unis et au Portugal pour le lait, et en France pour les fruits. Aux États-Unis, en partenariat avec la coopérative Land O’Lakes, nous avons lancé une initiative auprès de fermes partenaires pour réduire leur impact carbone, en réduisant le travail du sol et en mettant en place des couverts végétaux. Au Portugal (continental et Açores), dans cinq fermes pilotes, nous menons des diagnostics sur l’état des sols en lien avec les pratiques des agriculteurs. Des recommandations de pratiques d’agriculture régénératrice spécifiques et adaptées seront ensuite définies avec les agriculteurs. En France, nous travaillons à la définition de critères d’évaluation à suivre et à mesurer dans les vergers.

Et en faveur de la biodiversité ? Avec quels moyens surtout : réduction des intrants, replantation de haies… ?

E. P. : Biodiversité et climat sont intimement liés et on doit traiter ces deux sujets de façon globale et coordonnée. Prenons le pâturage dans les fermes laitières : en ne retournant pas le sol, on laisse les vers de terre faire leur boulot, le sol stocke le carbone et l’azote, les insectes rampants, les pollinisateurs, sont de retour, la biodiversité dans son ensemble est favorisée, les vaches mangent local, et le sol séquestre du carbone !

De la même manière, depuis 2010 nous avons décidé de devenir acteurs à part entière de la filière de production de pommes françaises en travaillant main dans la main avec des agriculteurs installés à proximité du site historique de Materne. C’est comme cela que sont nés les vergers spécifiques, en vue d’une connaissance plus approfondie des modes de culture. Ces vergers sont gérés en étroite collaboration avec les agriculteurs partenaires et permettent de tester depuis plusieurs années des méthodes d’arboriculture responsable, dont l’installation d’hôtels à insectes et de nichoirs à mésanges, la préservation des haies et des espaces enherbés, l’installation de ruches

L’« Alliance  » dispose-t-elle d’une structure propre pour la mise en œuvre, le partage d’expériences et le suivi de cette nouvelle agriculture ?

E. P. : Nous n’avons pas une structure propre sur le plan juridique. Notre alliance se veut très ouverte et internationale, l’enjeu est de créer un mouvement et un réseau où les différents acteurs vont partager leurs bonnes pratiques, leurs difficultés, avoir accès à des experts, des études, mutualiser les efforts et donc accélérer la mise en œuvre de pratiques d’agriculture régénératrice.

Quarante mille arbres

Quelles formations vos agriculteurs (pommes) et éleveurs (lait) reçoivent-ils ?

E. P. : Nous avons mis en place, avec la chambre d’agriculture des Pays-de-la-Loire, des formations à l’agroforesterie, pour nos éleveurs laitiers partenaires de l’APBO (Association des producteurs de lait Bel ouest). Les haies replantées dans le cadre de ce projet attirent les oiseaux, les abeilles, les pollinisateurs. Elles donnent un sol qui, par les racines, est plus robuste et peut capter l’eau. Elles apportent des zones d’ombrage pour les vaches, améliorant leur bien-être. Au total quarante mille arbres vont être replantés.

Quels vous paraissent être les obstacles (financiers, psychologiques, techniques, culturels…) à un déploiement accéléré des voies et méthodes que promeut « l’Alliance » ?

E. P. : Le plus grand défi est le changement des habitudes. Mais il y a urgence. Il nous revient de démontrer que le modèle proposé fonctionne et que plus personne n’est seul face à cet enjeu clé, non pas uniquement pour les entreprises de l’agroalimentaire mais pour l’ensemble des acteurs de la ferme à l’assiette.

L’agriculture régénératrice ne concerne-t-elle que la production (la fourche) ou inclut-elle la consommation (la fourchette). Appelle-t-elle un changement de comportement des consommateurs ?

E. P. : Oui, bien sûr, les citoyens mais aussi les distributeurs sont des maillons indispensables pour pérenniser ce modèle d’agriculture. C’est tous ensemble que nous devons y travailler, pour rendre le changement désirable, Bel de son côté s’appuyant sur ses marques iconiques, positives et connues dans le monde entier.

[1] https://biospheres.fr
[2] https://www.earthworm.org/fr  

 

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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