Transition agricole
Moet Hennessy, l’esprit des sols
06/11/2024
Moët Hennessy a organisé les 8 et 9 octobre dernier la deuxième édition de son World living Soils Forum. Pourquoi est-il important de s’intéresser à la vie dans les sols ?
Sandrine Sommer : Les sols constituent un écosystème complexe et fragile. Ils jouent un rôle clé dans la régulation du climat, la rétention et la filtration de l’eau, la préservation de la biodiversité. De leur état dépendent notre agriculture, notre santé et notre économie. Or aujourd’hui, selon la FAO, plus de 40 % des sols sur la planète seraient dégradés. Il est donc urgent d’agir pour les protéger et les régénérer. Il faut accompagner la transition vers une agriculture régénératrice, en partageant des connaissances, des solutions, des moyens de mesure, et en connectant tous les acteurs liés à cette précieuse ressource que sont les sols
Naturellement connectée aux sols à travers ses différents terroirs, Moët Hennessy est engagée depuis de nombreuses années pour la préservation des sols. Pour aller plus loin, elle s’est positionnés en tant que catalyseur et a lancé en 2022 le World Living Soils Forum. Cet événement international consacré à la préservation, à la santé et à la régénération des sols vise à créer des synergies, à partager des connaissances, à s’accorder sur des méthodologies et des indicateurs de suivi et d’impact, afin d’accélérer la transition.
Comment se situe votre forum par rapport aux organisations transfilières, comme PADV, 4Pour1000, etc., qui œuvrent à promouvoir l’agriculture régénératrice ?
S. So. : Le WLSF rassemble tous les acteurs connectés aux sols. Toutes les associations ou institutions engagées dans la promotion de l’agriculture régénératrice y sont conviées pour intervenir et partager leurs actions. Le programme du WLSF est créé avec un conseil consultatif externe composé d’une quinzaine d’experts d’univers différents, notamment des scientifiques, des ONG, des institutions, des entreprises, des agriculteurs, qui se sont réunis à plusieurs reprises en amont de l’événement afin d’identifier l’ensemble des thèmes à aborder autour de la santé des sols et d’inviter les meilleurs intervenants pour chacune des expertises. PADV et 4Pour1000 font partie de ce conseil consultatif.
Pas seulement un sujet d’experts
Les sols ne semblent pas bénéficier d’une couverture médiatique aussi importante que le climat ou les océans. Comment faire passer ce sujet au premier plan ?
S. So. : Les sols sont essentiels à la vie et malheureusement bien trop invisibles et méconnus. À travers le WLSF, nous avons choisi de nous intéresser à toute la chaîne de valeur et d’inclure tous les profils d’acteurs. Car les sols ne sont pas qu’un sujet d’experts, mais également un sujet sociétal. C’est pour cela que nous avons proposé des sessions consacrées aux nouveaux imaginaires, au rôle de l’art, de la culture et de la gastronomie, pour amplifier ces nouveaux récits et sensibiliser le public à l’importance de la santé des sols. La transition agricole et viticole doit s’accompagner d’une transition sociétale, pour replacer les sols au cœur des priorités de chacun.
D’autres leviers existent pour faire bouger les lignes, comme l’éducation et la formation. Les sols doivent être intégrés dans les cursus des formations initiales, mais également dans les formations continues, pour accompagner les acteurs sur le terrain dans leur transition.
Nous avons également développé un outil pédagogique avec Sparknews¹ L’Atelier des sols vivants, qui permet de manière didactique et ludique d’appréhender le sujet des sols et de ses différentes interactions en s’adressant à tout profil de public pour le sensibiliser à cet écosystème fragile. Certains journalistes ont d’ailleurs participé à cet atelier pendant le WLSF. Nous espérons que cette sensibilisation permettra une meilleure couverture à terme de ces sujets par les médias.
Pourquoi Moet Hennessy a décidé d’être en pointe sur ce sujet ? D’autres acteurs vous ont-ils contactés depuis pour s’associer à votre démarche ?
S. So. : La préservation des sols vivants est l’un des engagements majeurs de Moët Hennessy en matière de développement durable. Nos maisons et nos marchés sont engagés depuis de nombreuses années sur ces sujets et nous avons choisi d’accélérer avec la création du WLSF, car la régénération de cet écosystème complexe est essentielle pour s’adapter et lutter contre le changement climatique et la perte de biodiversité.
En jouant un rôle de catalyseur dans l’accélération de la transition vers des pratiques durables, nous nous efforçons de connecter tous les acteurs engagés dans la régénération des sols, de partager des actions concrètes et de renforcer le lien entre la science, l’innovation et les pratiques agricoles. Nous avons organisé cette seconde édition avec ChangeNow², car seule l’action collective permettra d’accélérer la transition agricole et viticole. Nous travaillons également en proximité avec notre conseil consultatif, qui représente tous ces profils d’acteurs, dont l’industrie agroalimentaire et les associations d’agriculteurs.
Innovation primée dans le rétention d’eau
L’organisation de la filière champagne, avec une forte solidarité verticale est-elle particulièrement adaptée à la prise en compte active du soin des sols ?
S. So. : Tous les terroirs et tous les territoires sont concernés par la santé des sols, et de nombreux acteurs sont déjà engagés depuis de nombreuses années pour soutenir le déploiement de pratiques régénératrices. Les interprofessions et les filières implantées sur les territoires sont des acteurs essentiels pour avancer sur ces sujets et accompagner la transition. Le WLSF leur offre un espace privilégié pour échanger et enrichir leurs connaissances, et créer des connexions permettant d’accélérer sur leur territoire. Tout le monde est concerné à l’échelle nationale et internationale.
Quels étaient les objectifs et les nouveautés de la seconde édition de votre forum ?
S. So. : Elle a permis de proposer une programmation enrichie, avec deux duplex aux États-Unis et en Chine offrant une ouverture sur des problématiques et solutions spécifiques de ces territoires. Avec plus de soixante-dix sessions et cent quatre-vingts intervenants, elle a permis de traiter de toute la chaîne de valeur, et de s’ouvrir à de nouvelles industries du secteur alimentaire, de la cosmétique, de la parfumerie ou du textile.
La présence de solutions a été amplifiée, avec une vingtaine de startups présentes lors de l’événement, et la création d’un prix « coup de cœur » du jury. Il a été décerné à EF Polymer pour son super absorbant cent pour cent organique, biodégradable et certifié agriculture biologique : cette innovation permet une meilleure rétention de l’eau dans les sols, réduisant les besoins en irrigation et augmentant les rendements des cultures.
Enfin, a été lancé dès l’ouverture du forum à tous les acteurs connectés au sol un appel à agir en rejoignant un mouvement international en vue d’accélérer la sensibilisation et le déploiement des actions sur le terrain, en fonction du profil de chacun des acteurs.
Quelles sont les prochaines étapes ?
S. So. : Avec plus de six cents participants et une présence accrue de solutions, d’agriculteurs et de viticulteurs, d’industries de différents secteurs, cette deuxième édition a été un succès. Désormais, nous souhaitons capitaliser sur ces moments d’échanges, pour continuer à renforcer l’impact et soutenir les initiatives en faveur d’une agriculture régénératrice et durable. Nous continuons nos actions avec un prochain rendez-vous prévu lors du Sommet ChangeNow fin avril à Paris.
Comment réagissez-vous à l’annonce d’une réduction des deux tiers du budget du « pacte haies »³ dans le projet de budget 2025 ? Votre filière en était-elle bénéficiaire ?
S. So. : Nous déplorons que ce programme soit financièrement amputé. Les corridors écologiques et le déploiement de haies sont de vrais leviers pour préserver la biodiversité et accompagner la régénération des sols. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons lancé des projets dans ce sens à Cognac et en Champagne, portés par la Maison Hennessy et la Maison Moët & Chandon. Il y a un vrai consortium d’acteurs sur le terrain, rassemblant des entreprises, des viticulteurs, des communes et les interprofessions, pour permettre de mener à bien ces initiatives sur toute une région.