Vie des marques

Le Petit Marseillais, grande nature

13/08/2024

Les industries alimentaires ne sont pas les seules concernées par les enjeux de l’agriculture durable. Celles de l’hygiène-beauté la placent également au cœur de leur stratégie de durabilité. Entretien avec Émilie Revel, directrice du Petit Marseillais pour la France et l’Europe du Sud.

Que représente l’amont agricole d’une marque de PGC non alimentaire comme Le Petit Marseillais ?

Émile Revel : L’expérience sensorielle offerte par nos produits est un élément essentiel de l’attachement des consommateurs à notre marque. Nos parfums, nos textures et nos couleurs y jouent un rôle déterminant. Nos produits, qui prennent soin de toute la famille, sont le reflet de notre ADN : naturalité, solarité et sensorialité. Pour répondre aux attentes des consommateurs sur l’origine de nos ingrédients, nous nous efforçons, chaque fois que cela est possible, de formuler nos produits avec des extraits naturels végétaux ou issus de miel provenant de France, et si possible dans le cadre d’une agriculture éthique et responsable. Dans cette perspective, l’amont agricole est donc très important pour Le Petit Marseillais. 

Depuis quand et comment la recherche d’intrants provenant d’une agriculture plus vertueuse s’est-elle imposée chez le Petit Marseillais ?

É. R. : Le marché des produits de soin connaît une évolution notable, marquée par une demande croissante de produits plus naturels et durables. Cette demande a trois axes, les consommateurs souhaitent des ingrédients d’origine naturelle ; ils privilégient des produits dont les ingrédients sont sourcés localement, réduisant l’empreinte carbone et soutenant les économies locales, enfin ils veulent des pratiques plus respectueuses de l’environnement, des produits fabriqués de manière à minimiser l’impact sur les ressources naturelles et la biodiversité. La naturalité et la durabilité sont au cœur de notre stratégie. Cet engagement s’inscrit dans les valeurs fondamentales de la marque, qui prônent le respect du patrimoine naturel et de l’environnement.

À quel degré de nécessité la transition vers une agriculture plus vertueuse répond-elle, en termes de pérennité de vos filières amont ?

É. R. : Il faut prendre le sujet par l’autre bout. Je ne saurais vous dire si nos choix affectent la pérennité des filières amont, mais nous espérons qu’ils permettront de soutenir les producteurs qui veulent faire différemment, qui ont à cœur de préserver l’environnement et de produire des fruits, des légumes et des plantes plus sains.

Juste équilibre entre durabilité et accessibilité

Comment intéressez-vous vos partenaires cultivateurs à votre démarche ?

É. R : Nous n’avons pas un groupe fixe de partenaires cultivateurs et nous ne collaborons pas directement avec eux. Nous travaillons avec des partenaires spécialisés, en fonction des produits que nous développons. Ce soutien est crucial, car la variété de nos intrants rend impossible une gestion directe. Par conséquent, nos partenaires s’assurent de répondre à nos exigences en respectant le cahier des charges établi pour chaque nouveau produit ou chaque nouvelle gamme. Cela implique notamment l’accès, chaque fois que possible, à des extraits et des ingrédients issus de pratiques agricoles raisonnées ou biologiques. Notre partenaire gère l’approvisionnement et la transformation de ces matières premières en ingrédients industriels.

Quels ont été les coûts et, outre ceux-ci, quels ont pu être les freins au déploiement de votre démarche vers des ingrédients issues d’une agriculture plus vertueuse ? Lesquels restent à lever ?

É. R. : Notre objectif premier est de développer des produits qui, dans la mesure du possible, utilisent des matières premières agricoles françaises issues d’une production responsable et durable. Bien que cela implique des coûts supplémentaires, ces valeurs méritent d’être défendues. Nous nous efforçons de trouver un juste équilibre entre ces principes et la nécessité de maintenir nos produits accessibles aux distributeurs et aux consommateurs. De plus, certains ingrédients, indispensables pour améliorer la sensorialité (parfum et texture) – une priorité pour certains consommateurs – ne peuvent être sourcés dans des filières locales ou biologiques. Cet équilibre explique pourquoi nous ne pouvons pas atteindre, pour l’instant, une certification cent pour cent bio dans l’ensemble de notre gamme de produits. Néanmoins, nous proposons, dans chacune de nos catégories, une offre certifiée bio (douche, savons, capillaire, soins corps), et nos équipes R&D poursuivent leurs efforts pour concilier tous ces aspects, et améliorer l’ensemble des gammes à plus long terme.

Avez-vous dû engager des spécialistes en interne ou travaillez-vous avec des experts externes ?

É. R : Compte tenu de la diversité des ingrédients que nous employons, de nos gammes de produits et de nos développements par projet (par exemple une ligne de gel douche certifiée bio, une ligne de shampoing avec des ingrédients locaux), nous nous appuyons sur l’expertise de partenaires spécialisés. Ces partenaires identifient les cultivateurs les plus adaptés et, à partir de là nous fournissent les ingrédients les plus pertinents pour nos projets.

Recherche d’alternatives et renouvellements de gammes

Le respect de l’utilisation d’ingrédient issus de pratiques agricoles plus vertueuse vous conduit-il à abandonner certains de vos ingrédients (végétaux, fruits) ? Êtes-vous en quête d’ingrédients qui ne seraient plus méridionaux mais répondaient plus à vos exigences de naturalité ?

É. R : En effet, des compromis sont souvent nécessaires. D’une part, nous nous efforçons de formuler nos produits avec des ingrédients issus d’une agriculture durable et locale. D’autre part, il arrive que nous ayons besoin, pour leurs propriétés spécifiques, d’ingrédients indisponibles en France ou dans le Bassin méditerranéen, ou non proposés dans le cadre de filières durables. L’objectif est de trouver progressivement des alternatives répondant à nos objectifs environnementaux et sociétaux.

Votre démarche vous conduit-elle à abandonner certaines gammes ou segments ou à en modifier d’autres ?

É. R : Naturellement. Lorsque nous proposons des innovations, nous le faisons avec la volonté d’améliorer notre offre sous tous les aspects : l’efficacité du soin, la sensorialité, le parfum, la naturalité, mais aussi sous les aspects environnementaux, pour le contenu comme pour le contenant. Cela nous conduit parfois à repartir d’une feuille blanche, si bien que certains produits sont modifiés, d’autres sont arrêtés, puis de nouveau proposés. L’objectif est une amélioration continue de nos produits, pour répondre au plus près aux attentes des consommateurs tout en minimisant notre impact sur l’environnement, ce qui implique d’aller plus loin dans l’intégration d’extraits végétaux issus d’une production locale, vertueuse et éthique.

Quels outils employez-vous pour tracer vos ingrédients ? Quel système de contrôle ? Y a-t-il une forme de certification associée à votre démarche AR ?

É. R : Nous nous appuyons sur nos partenaires spécialisés, qui ont la charge d’identifier les meilleurs producteurs mais aussi d’assurer un suivi complet. Nous nous appuyons sur les certifications et les appellations standard sur le marché, notamment Cosmos Organic, certifié par Ecocert Greenlife selon le référentiel Cosmos [1].

En quoi consiste votre expérience « PAM » (plantes aromatiques et médicinales) Ardèche et l’agriculture « sauvage » ?

É. R : C’est un projet lancé avec notre première gamme de gel douche certifié bio et en particulier celui à la feuille d’olivier. La feuille d’olivier contenue dans le gel douche est récoltée par PAM Ardèche. PAM réunit cinquante producteurs et cueilleurs passionnés, qui pratiquent une agriculture respectueuse de la biodiversité. Une culture sauvage des ingrédients dans leur habitat naturel, sans pesticides, sans engrais, sans polluants. Ensuite, les végétaux sont cueillis à la main à maturité, en prélevant uniquement que ce qui est indispensable. De plus, PAM garantit la juste rémunération des cueilleurs et producteurs, et un confort de travail.

Préservation du patrimoine naturel en PACA

En quoi votre partenariat avec le Conservatoire du littoral ainsi que la réhabilitation des domaines de l’Ermitage, à Saint-Mandrier-sur-Mer, et du Rayol, dans le Var, participent-ils de l’agriculture durable ?

É. R : En effet, depuis 2011 Le Petit Marseillais et le Conservatoire du littoral travaillent main dans la main à la préservation de l’environnement provençal. Cette collaboration vise à la préservation d’un patrimoine naturel. Plusieurs projets ont été menés à bien. Pour 2024, la priorité a été donnée à la gestion de nos ruchers du domaine de l’Ermitage, à de nouvelles opérations de nettoyage du canal du Vigueirat, à la restauration de la restanque (retenue) du Mont-Vinaigrier à Nice, un patrimoine exceptionnel de restanques agricoles en pierre sèche, terrasses d’oliviers situées dans un espace naturel.

Vos actions avec l’institut de l’abeille s’inscrit-elle aussi dans la même démarche que celle relative à vos ingrédients ?

É. R : En tant que marque engagée, notre enjeu est de protéger les écosystèmes. Dans cette perspective, nous avons participé en 2019 et 2020 à un projet de l’Itsap [2] qui visait à développer de nouvelles ruches. Le Petit Marseillais a financé l’installation de dix ruches et nichoirs à pollinisateurs sur différents sites du Conservatoire du Littoral, permettant de redéployer et protéger les colonies d’abeilles et d’insectes sauvages. Ils favorisent la pollinisation, essentielle pour assurer le renouvellement des plantes et des arbres fruitiers. Des ruches pédagogiques ont aussi été installées dans plusieurs domaines protégés, pour sensibiliser petits et grands au rôle des abeilles dans la biodiversité. Et nous disposons de ruches dans le cadre de notre collaboration avec le Conservatoire du littoral, comme évoqué précédemment.

Quels sont vos objectifs à venir, et à quelles échéances ? Vers 100 % d’ingrédients issus d’une agriculture durable ?

É. R : Notre engagement s’est fait par étapes, et nous allons poursuivre ainsi. En 2020, nous avons franchi une étape importante en introduisant dans nos gels douche certifiés bio des ingrédients issus de la cueillette sauvage. Cette approche présente deux avantages : une plus grande concentration en principes actifs et l’absence d’intervention humaine dans la croissance des plantes. Pour les raisons déjà évoquées, nous ne pourrons jamais garantir que la totalité de nos produits utilisent des intrants agricoles venant de France ou issus d’une agriculture vertueuse. Cependant, notre objectif est que, d’ici à 2025, la totalité de nos ingrédients phares, c’est-à-dire présents dans les produits les plus vendus, soient issus d’une agriculture locale, éthique ou biologique.

Recours accru au plastique recyclé issu de la filière

Quels bénéfices de vos efforts pour votre marque ? L’engagement de vos salariés ? Les sensibilisez-vous aux enjeux d’une agriculture plus vertueuse ?

É. R : L’engagement d’une entreprise, d’une marque, dans la transformation de ses pratiques est un critère de plus en plus important pour les consommateurs mais aussi pour les salariés. Cela constitue un élément clé dans l’image employeur et dans la motivation des équipes,  qui veulent contribuer à un projet minimisant l’impact de nos gestes quotidiens sur l’environnement. On ne peut pas se passer de savon, de shampoing et de produits de soins, mais rendre cette routine plus vertueuse est très stimulant, surtout lorsqu’il s’agit de le faire en améliorant la qualité et l’expérience attachée au produit.

Les consommateurs sont-ils informés de votre engagement, avec quels effets ?

É. R : Nous communiquons nos engagements à travers nos produits grâce à des indications claires sur les emballages, ainsi qu’à travers nos divers canaux de communication : fiches produits sur notre site internet, dossiers de presse et campagnes médias. Nos bouteilles contiennent également les informations relatives à nos démarches visant à réduire l’usage du plastique, plus spécifiquement à limiter la quantité de plastique ajoutée sur le marché.

Nous améliorerons également sans cesse la composition de nos emballages, afin que les matières recyclées qui en sont issues soient de meilleure qualité et puissent être réutilisées pour le même type d’applications (circularité). Ainsi, les bouteilles des gels douche Extra Doux contiennent 30 % de plastique recyclé (hors étiquettes, hors bouchon), avec l’objectif d’augmenter très significativement cette proportion dans les prochaines années. Avec nos savons liquides nous avons introduit la première pompe entièrement recyclable du marché.

Il est difficile de quantifier précisément l’impact de nos choix sur le comportement d’achat. Cependant, nous pensons que le succès continu du Petit Marseillais, qui a été élu « Marque préférée » des Français plusieurs fois [3], ainsi que marque la plus responsable [4], est en partie dû à nos efforts pour réduire l’impact de nos activités et offrir des produits en phase avec les aspirations des consommateurs, en matière de naturalité et de développement durable.

Votre démarche contribue-t-elle à l’attractivité de votre entreprise auprès de potentielles recrues ?

É. R : Oui, certainement. Et notamment auprès des jeunes qui ont grandi avec l’urgence climatique en tête. Il est logique que les exigences en matière de consommation influencent nos aspirations professionnelles. Le succès des applications de scan, qui évaluent à la fois la composition des produits et leur impact sur l’environnement, témoigne de cette préoccupation. Avec une gamme significative de produits composés à plus de 90 % d’ingrédients naturels, incluant des intrants agricoles locaux issus de pratiques vertueuses, notre proposition est alignée avec les aspirations de nombreux consommateurs. Egalement actifs sur le plan professionnel, ils souhaitent que leurs parcours reflètent ces engagements.

1. http://cosmos.ecocert.com.
2. https://itsap.asso.fr/
3. Étude OpinionWay,1 033 répondants, mai 2024, catégorie douche.
4. LSA-Univers Retail :  Le Petit Marseillais n°1 en 2020, 2021, 2022 et 2023. Pour l’édition 2023 : https://www.lsa-conso.fr/marques-responsables-le-regard-des-francais,437816

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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