Tribunes

“CAGD” : l’arbitrage, règlement alternatif des conflits

17/01/2025

Du fait du périmètre des dispositifs existants et des particularités du secteur de la “grande conso”, il lui manquait une instance appropriée à la résolution des litiges. C’est chose faite.

Les relations industrie-commerce ont toujours été complexes en France. Les lois participent de cette complexité. Le tropisme français, la structure de la « grande distribution » et l’exercice souvent abusif du rapport de force occasionnent de nombreux litiges.

Leurs résolutions reposent in fine sur le bon vouloir du ministre de l’Économie, gardien de l’ordre public économique. Les contentieux directement engagés par les parties sont rares, car il est toujours compliqué pour un fournisseur d’assigner un client, surtout lorsque celui-ci représente une part essentielle de ses débouchés.

La médiation institutionnelle existe, mais seulement pour les produits alimentaires. Francis Amand puis Thierry Dahan, qui se sont succédé à la tête de la Médiation des relations commerciales agricoles¹, ont donné du crédit à cette institution, qui cependant, demeure sous l’égide du ministère de l’Agriculture, avec des moyens qui ne lui permettent pas de traiter l’ensemble des sujets et des litiges. En outre, elle ne vise que les produits alimentaires, les autres produits de grande consommation (PGC) relevant en principe de la Médiation des entreprises². Or celle-ci rechigne à accepter les dossiers qui portent sur des litiges de négociation, et préfère se concentrer sur les délais de paiement et les marchés publics ; elle est ainsi totalement absente du terrain des relations fournisseurs-distributeurs de PGC.

Quant à l’arbitrage classique, il est inadapté à un secteur régulé par un corpus légal très spécifique, qui demande une connaissance parfaite de ses dispositions et des pratiques commerciales.

Conjugaison de compétences

C’est dans ce contexte qu’a été créée la chambre arbitrale de la grande distribution (« CAGD »), initiative réunissant des professionnels de ce secteur, avec pour membres fondateurs Hervé Delannoy, directeur juridique, qui en occupe la présidence, Muriel Chagny, professeur de droit à l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, et Franck Tassan, arbitre et ancien directeur juridique, qui en sont les vice-présidents, de Daniel Diot, ancien avocat et secrétaire général de l’Ilec, qui en est le trésorier, et de Jean-Louis Fourgoux, avocat au cabinet Mermoz, qui en est le secrétaire.

Créée le 18 juin 2024, et partenaire de la Chambre arbitrale internationale de Paris (CAIP)³, la CAGD a pour vocation de proposer aux entreprises de la grande consommation des arbitrages et des médiations spécifiques à leur secteur. Elle comprend des arbitres et des médiateurs professionnels expérimentés et de haut niveau, ainsi que des représentants reconnus des fournisseurs et des distributeurs.

La création de la CAGD entend répondre à une nécessité. Les relations commerciales entre industriels et distributeurs à dominante alimentaire sont très spécifiques, avec des techniques d’achat, des enjeux logistiques, des organisations, soumis à un ensemble de règles juridiques très nombreuses, complexes et mouvantes.

La CAGD propose un service nouveau à tous les professionnels opérant dans le secteur, fournisseurs comme distributeurs : un service de médiation et d’arbitrage organisé par une institution spéciale, regroupant des experts de l’arbitrage, de la médiation et de la distribution. Aux qualités bien connues de discrétion et de rapidité de ces modes de règlement des litiges s’ajoute la confiance, avec la certitude de trouver des arbitres ou médiateurs spécialisés, faisant partie d’une chambre elle-même spécialisée et gérée par des acteurs du secteur.

C’est dans cette perspective qu’un équilibre a été recherché entre les membres de la chambre (avocats, juristes, universitaires) et entre tous les acteurs du secteur (distributeurs traditionnels et en ligne, fournisseurs, grossistes, prestataires…), ce qui est aussi un gage d’ objectivité.

Les modes alternatifs de règlement des litiges se développent largement dans de nombreux contentieux de droit des affaires, mais finalement assez peu dans la grande distribution, médiation institutionnelle mise à part. Pourtant, désigner des médiateurs connaissant le monde de la distribution est un véritable avantage dans la recherche par les parties d’une solution à leur litige. Il ressort de l’expérience que ce secteur prédispose souvent à des postures qui conduisent au blocage de la situation en l’absence d’intervention d’un tiers. Le processus de médiation sous la houlette de médiateurs spécialisés ayant une vision concrète des sujets et des problématiques peut permettre de surmonter les oppositions de principe, et de faire émerger des solutions acceptées par les parties.

La médiation est un mode de résolution des litiges plus rapide et moins cher, et laisse moins de traces qu’un contentieux imposé. Le passage à une phase arbitrale au sein de la même chambre, en cas d’échec, est également plus aisé et source d’efficacité, tout en préservant la confidentialité indispensable.

Tous types de litiges

La CAGD a vocation à administrer tout type d’arbitrage intéressant les acteurs de la distribution : arbitrages portant sur des problématiques « métiers » (relations fournisseurs-distributeurs, relations franchiseur-franchisé, etc.) et arbitrages portant sur des problématiques générales auxquelles toute entreprise, quel que soit son métier, peut être confrontée (conflit entre associés, problématiques liées à une acquisition ou à une cession, etc.)

Avec une ambition de maîtrise des coûts et de célérité de la procédure, le règlement d’arbitrage de la CAGD prévoit la nomination d’un arbitre unique, sauf bien entendu si les parties en décident autrement.

De même, la nécessité, pour figurer sur la liste des arbitres de la CAGD, de justifier d’une expertise et d’une expérience avérées des problématiques juridiques ou opérationnelles de la distribution, répond à la volonté des utilisateurs de l’arbitrage de voir leur différend tranché par des professionnels.

Les industriels et les distributeurs doivent désormais s’approprier cette possibilité de recourir à des médiations ou à des arbitrages qui seront assurés par des professionnels reconnus du secteur.

Cette approche de la résolution des conflits pourrait à terme contribuer à l’atténuation des tensions dans ce secteur. Car la perspective d’une résolution d’un litige dans un délai de trois mois maximum est conforme au rythme des affaires, elle permet de passer rapidement à autre chose, sans laisser les traces, les rancœurs et les amertumes que génère forcément un contentieux judiciaire.

1. https://agriculture.gouv.fr/le-mediateur-des-relations-commerciales-agricoles.
2. https://www.economie.gouv.fr/mediateur-des-entreprises.
3. https://www.arbitrage.org. La Chambre arbitrale de la grande distribution y est domiciliée : 6, avenue Pierre 1er de Serbie, 75116 Paris – 01 42 36 99 63 – Contact : Sofia Bernal, s.bernal@arbitrage.org.

Daniel Diot, Ilec

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