Pot de yaourt, défi du recyclage relevé
16/12/2024
Dans le secteur des desserts laitiers frais les initiatives de réduction et d’écoconception d’emballages se multiplient. La filière du recyclage des pots est en phase de lancement. Et le réemploi est à l’étude.
En 2023, Syndifrais, l’organisation professionnelle des fabricants de desserts laitiers ultrafrais, s’est doté d’une feuille de route « 3R » (réduire, réutiliser, recycler). « Il s’agissait de prendre à bras le corps ce sujet que la réglementation rendait de plus en plus urgent, raconte Muriel Casé, déléguée générale du syndicat, d’autant que le pot de yaourt est assez emblématique des déchets d’emballage pour les consommateurs. »
Il en est résulté la publication de quatorze engagements portant sur le recyclage, la réutilisation ou le réemploi des emballages, avec plusieurs échéances jusqu’ean 2040. Il s’agissait de fixer des objectifs tant pour les entreprises qu’au niveau collectif en matière de filière de recyclage et d’écoconception des pots. Voire de réemploi, car ce sujet reste embryonnaire pour la profession : « Là-dessus, on a tout à découvrir, et d’ailleurs le consommateur aussi », constate Muriel Casé. Un an après la publication de sa feuille de route, Syndifrais a évalué l’avancement de ses engagements.
Concernant la réduction des emballages, l’un des dossiers les plus avancés de la profession, les témoignages d’industriels montrent des avancées intéressantes, dont le yaourt en brique Yoplait, ou les emballages tenant compte de l’obligation de fournir des bouteilles avec bouchons attachés.
Double filière de polystyrène recyclé
En matière de recyclage, une filière est en cours d’installation avec Citeo, les sociétés belge Indaver et espagnole Eslava, ainsi que des centres de surtri comme Bourgogne Recyclage. Il s’agit de trouver des solutions pour le recyclage du polystyrène, qui constitue 80 % de la totalité des pots en plastique de yaourts et de desserts ultra-frais mis sur le marché en France. Il faut trier les pots, puis en séparer les différents matériaux dans le centre de surtri de Bourgogne Recyclage, pour expédier ensuite des balles vers les recycleurs avec lesquels Citeo a contractualisé. En l’occurrence, 20 % des tonnages iront à l’entreprise Eslava pour un recyclage sans contact alimentaire, et 80 % chez Indaver, dont le procédé de dépolymérisation permettra de produire du styrène pur. Les balles de pots de yaourts sont en effet préparées, passées à l’extrusion puis chauffées par pyrolyse pour produire ce styrène brut qui sera ensuite purifié, pour entrer dans la fabrication de polystyrène. Le « rStyrène » est acheminé vers deux polyméristes qui produisent ensuite un « rPS » (polystyrène recyclé). « Nous avons ainsi la garantie que le rPS provient bien de nos pots », explique Muriel Casé.
Indaver a déjà stocké de quoi faire tourner son outil durant trois ans, avec une capacité de 26 000 tonnes pour l’instant, tandis qu’un projet de module de 40 000 tonnes est à l’étude pour répondre au développement de la collecte. L’ensemble du territoire français a aujourd’hui la capacité de trier. L’enjeu est l’amont, la collecte auprès des consommateurs. Citeo s’est engagé à traiter 10 000 tonnes, sur les 60 000 tonnes du marché français de l’ultra-frais. « Cette proportion est déjà importante, estime Muriel Casé, quand on sait que ce ne sont encore que 60 % des bouteilles PET qui sont recyclées. » C’est donc sur la collecte que Syndifrais va porter ses efforts, en communicant auprès du grand public, notamment pour y lever les réticences à jeter les pots de yaourts dans le bac jaune, alors qu’il n’est même pas nécessaire de les laver.
Incertitudes autour du réemploi
Le futur du pot de yaourt passe aussi par le réemploi, mais les solutions sont encore lointaines pour les industriels des produits laitiers frais. Syndifrais s’est cependant intéressé aux attentes des consommateurs. Une enquête OpinionWay a été conduite pour identifier les freins, ainsi que le coût réel pour les entreprises. En résumé, les trois quarts des répondants se disent prêts à rapporter des emballages usagés pour qu’ils soient réemployés, plus pour des raisons écologiques que pour des raisons économiques. Mais ils ne sont qu’un sur deux à se dire prêts à utiliser des emballages réemployables consignés pour les produits laitiers frais : les freins tiennent au risque hygiénique, ainsi qu’au stockage des emballages vides et au prix de la consigne. « Différents scénarios sont à l’étude, explique Muriel Casé, il y a encore beaucoup d’incertitudes sur l’éventuel bénéfice environnemental du réemploi des emballages, au vu des volumes concernés. En outre, de telles évolutions nécessiteraient des changements de lignes de production dont l’amortissement s’étalerait sur vingt ans. »
Un temps, Syndifrais avait aussi évoqué la possibilité de développer une offre de vrac d’ultra-frais, notamment dans les rayons traditionnels des GMS : mais le décret vrac a exclu les produits laitiers traités thermiquement de cette possibilité. Le sujet est donc reporté pour l’instant.
La réduction des emballages et le recyclage sont ainsi les deux voies du secteur pour réduire l’empreinte environnementale du yaourt et des produits laitiers frais. « Nous sommes prêts pour le recyclage », assure Muriel Casé. Les premiers pots en rPS issus de la filière française pourraient apparaître cette fin d’année. L’usine d’Indaver vient de démarrer. Le passage à l’échelle de l’usage des pots en rPS dépendra évidemment de la stratégie propre à chaque entreprise, mais toutes devront atteindre 10 % de matériaux recyclés en 2030. Les enjeux obligent donc à une démarche collective, que Syndifrais a la mission de fédérer.
Benoît Jullien (Icaal)