Quand les abeilles font de la résistance - Numéro 480
26/03/2019
Quelles sont les innovations agroécologiques qui distinguent votre démarche ?
Florent Vacher : La varroase, maladie provoquée par le varroa, acarien parasite de l’abeille et des larves, est responsable en grande partie de la surmortalité des abeilles. Des traitements acaricides médicamenteux ont été développés. Mais après plusieurs années d’utilisation, des cas de résistance à ces traitements ont été mis en évidence, les rendant de moins en moins efficaces, sans compter le risque de traces dans le miel. Notre démarche est la recherche, l’élevage et la diffusion d’abeilles naturellement résistantes au varroa ; cela évite l’utilisation de traitements chimiques. Cette sélection d’abeilles n’est pas nouvelle, plusieurs instituts de recherche, fondations et groupes d’apiculture scientifique ont suivi cette voie. Ce qui est nouveau, c’est que cette approche expérimentale est mise en pratique. Notre démarche vise en effet à diffuser, par la distribution de reines fécondées sélectionnées et par des fécondations dirigées, avec des mâles aux caractères génétiques favorables à l’apiculture. Ce programme améliore la qualité du cheptel et contribue à l’augmentation de la production de miel français. Et il est vertueux pour l’environnement : ce sont les pollinisateurs de 80 % des espèces de plantes à fleurs que nous protégeons.
Y a-t-il un tiers certificateur ?
F. V. : Le développement durable est dans les gènes des Apiculteurs associés. Fils et petit-fils d’apiculteur, apiculteur moi-même (je gère deux milles ruches parallèlement à ma fonction de chef d’entreprise), la sauvegarde des abeilles et le soutien aux apiculteurs font partie de mon quotidien depuis toujours. La recherche de certification n’a jamais été un but en soi. Nos actions nous ont toutefois permis d’obtenir depuis 2016 le label « PME+ » des entreprises engagées pour l’humain, l’emploi et l’environnement, délivré après un audit d’Écocert. Il permet de mettre en avant notre engagement et de sensibiliser nos clients.
Les Apiculteurs associés sont-ils d’abord une entreprise vendant sous sa marque ou un accompagnateur de filière, ouvert à tout apiculteur désireux de s’inscrire dans une production responsable ?
F. V. : Nous vendons à 80 % sous notre marque et le reste sous MDD. Si nous sommes une entreprise commerciale, la deuxième marque française de miel, nous n’oublions pas nos racines. Afin de promouvoir le miel français et de contribuer à une apiculture pérenne, notre souhait est d’augmenter notre travail en filière, en développant des partenariats avec nos clients, et de déboucher sur des contrats tripartites apiculteurs-conditionneurs-distributeurs gagnants pour tous. À cette fin, nous aidons nos partenaires apiculteurs à répondre aux exigences de qualité, de traçabilité, grâce à un cahier des charges exigeant et à des audits-conseils.
Quelle a été la croissance de vos ventes ?
F. V. : De cent mille euros à nos débuts à la fin des années 1990, notre chiffre d’affaires a atteint 14 millions en 2018.
Le circuit de la grande distribution est-il mûr pour une telle montée en gamme ?
F. V. : Oui, car il est porté et poussé par les consommateurs, en demande de qualité. Si la traçabilité des produits est irréprochable, avec l’origine précise du miel sur les pots, le consommateur se sent rassuré et prêt à payer plus cher.
Vous prévoyez de porter votre volume de miels français à 25 % des miels vendus en France d’ici 2020 ; depuis quand les miels d’importation sont-ils majoritaires ?
F. V. : Les miels de France ont représenté 21,6 % des achats en 2018 au lieu de 6,9 % en 2015, 8,8 % en 2016 et 12, 8 % en 2017. Nous espérons atteindre voire dépasser 25 % dès 2019. Les miels d’importation sont majoritaires depuis 2007, car pour être référencé chez un distributeur, il faut une gamme large, en variétés mais aussi en prix. Or si l’offre de miels français est riche, elle ne permet pas de répondre en totalité à la demande de goûts divers, et son prix n’est pas aussi compétitif que l’importation. Et la France consomme 40 00 tonnes de miel par an mais en a produit moins de 10 00 en 2016 et 2017. Même si les récoltes ont été meilleures en 2018, environ 18 00 tonnes, ça ne suffit pas. Notre volonté reste néanmoins d’augmenter notre volume d’achat de miels français. Des accords tripartites peuvent nous y aider.
D’où proviennent les autres miels que vous commercialisez ?
F. V. : D’Espagne, d’Italie, d’Europe de l’Est. Nous achetons aussi en Amérique latine. Cela permet de faire découvrir aux consommateurs des crus spécifiques, comme le miel d’eucalyptus d’Argentine. Notre système qualité, certifié IFS, offre toutes les garanties à un miel sans contaminants ni ajout de sucres. Et certains de nos produits sont issus de l’agriculture biologique et certifiés par Écocert.