Marques partenaires pour espèces menacées
17/12/2024
Pouvez-vous présenter en quelques mots le ZooParc de Beauval et l’Association française des parcs zoologiques (AFdPZ) ?
Rodolphe Delord : Le ZooParc de Beauval a été créée par ma mère Françoise Delord en 1980. Parc ornithologique à l’origine, il est devenu au fil des ans le quatrième parc zoologique du monde, accueillant trente-cinq mille animaux de huit cents espèces. J’en suis le président-directeur général, entouré de six cents employés permanents. Avec l’AFdPZ, qui regroupe cent huit membres – zoos, réserves, aquariums, refuges –,j’essaie de me faire le porte-parole de mes homologues, de porter des propositions de réglementations auprès des autorités gouvernementales.
Avez-vous vu évoluer le rôle des parcs zoologiques ces dernières années ?
R. D. : Oui, c’est incontestable. Tout d’abord, il n’y a plus aucun prélèvement d’animal dans la nature, contrairement aux années 60-70. Ces mauvaises pratiques sont combattues. Nous travaillons en coopération avec tous les zoos français, européens et mondiaux pour l’échange et le transfert d’individus selon des critères extrêmement précis : génétique, population, statut de protection UICN¹… Nous sommes dans l’ère des parcs zoologiques modernes dont la vocation est triple : la conservation, la recherche et l’éducation. Notre mission, au-delà de présenter des espèces, est de sensibiliser les visiteurs à la fragilité de la biodiversité et à nos actions de conservation en parc zoologique (ex situ) et dans le milieu naturel (in situ).
Soixante-dix programmes programmes de conservation
En quoi consistent les missions de Beauval Nature, votre association de conservation de la biodiversité, et avec quels moyens ?
R. D. : Beauval Nature a été créée en 2009 pour structurer les actions de conservation que menait déjà le ZooParc de Beauval. Depuis quinze ans, Beauval Nature finance ou gère en propre des programmes de conservation et de recherche sur cinq continents. Elle soutient soixante-dix programmes avec un budget annuel d’environ 3 millions d’euros. Selon le projet, elle verse des fonds à l’ONG, au programme qui la sollicite. Cela peut aller de 5 000 à 50 000 euros par an. Les programmes sont sélectionnés chaque année par notre conseil d’administration. Quant à ses ressources, Beauval Nature peut compter sur les dons et parrainages d’animaux à Beauval par des particuliers et sur le mécénat d’entreprise. Des campagnes de notoriété et d’appel à dons sont mises en œuvre pour nous faire connaître. Beauval Nature est une association d’intérêt général, tout don peut-être fiscalement déductible.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples de ses réalisations concrètes ?
R. D. : Nous finançons intégralement le salaire d’une éco-garde népalaise dans le cadre du Red Panda Network, un programme de conservation des pandas roux. Nous finançons l’achat de matériel de suivi d’animaux (colliers GPS), du carburant pour les patrouilles de rangers, des opérations de replantation d’arbres, notamment de palétuviers pour la restauration de la mangrove au Sénégal… Il y a tant d’exemples !
Comptez-vous des partenaires parmi les entreprises, notamment de grandes marques ?
R. D. : Nous avons noué des partenariats avec des marques de grande consommation comme le groupe PepsiCo (Pepsi, Tropicana), ou avec la licence Monopoly pour éditer une version « Beauval » du célèbre jeu. Nous communiquons sur notre site internet, par des newsletters, sur les réseaux sociaux du ZooParc et de Beauval Nature, afin de mettre en lumière nos actions et nos actualités. Nous mettons en avant nos partenariats et nos mécènes. Communiquer et expliquer notre métier sont intrinsèquement liés, pour faire connaître nos missions de coffre-fort de la biodiversité.
L’AFdPZ affiche en ligne une mère et un petit rhinocéros ; il en reste ailleurs que dans les zoos ?
R. D. : Heureusement ! Les rhinocéros sont classés en danger d’extinction par l’UICN, mais ils font l’objet de nombreux programmes de conservation en Afrique et en Asie (rhinocéros indiens). Les actions, à long terme, portent leurs fruits, puisque le braconnage est en légère baisse. Nous soutenons la Poaching Prevention Academy (prévention du braconnage) en Afrique du Sud et en Namibie, qui œuvre efficacement sur le terrain : formation et entraînement des patrouilles, achat d’équipements, écornage des animaux pour éviter qu’ils soient tués pour leur corne, vendue illégalement…
À la conservation de quelles espèces immédiatement menacées les parcs peuvent-ils contribuer ?
R. D. : La liste est longue. On peut citer les pandas géants, les orang-outans de Bornéo, les gorilles des plaines de l’Ouest, les éléphants, les girafes, les koalas du Queensland, ou un petit oiseau de Polynésie Française : le monarque de Fatu-Hiva, quasiment éteint à l’état sauvage, ou encore des escargots gravement menacés au Portugal : les escargots des Desertas. Peu importe la taille de l’animal, tous comptent ! C’est pourquoi nous parlons beaucoup de nos actions de conservation aux visiteurs de Beauval.
Susciter des vocations dans le jeune public
À quelle action un zoo peut-il inviter des visiteurs qui viennent y découvrir une faune étrangère à leur propre biotope ?
R. D. : Visiter un parc zoologique est souvent le premier point d’entrée avec le monde sauvage. Certains auront la chance de voir des animaux dans la nature, d’autres non. Aller au zoo permet de voir en chair et en os des espèces : girafes, éléphants, gorilles, condors, pandas géants… Les voir dès le plus jeune âge est souvent source d’émerveillement et peut susciter des vocations : soigneur, médiateur, vétérinaire, scientifique, éthologue, conservationniste… La visite d’un zoo est une fenêtre sur le monde pour découvrir des pays, des traditions, les liens qui unissent les hommes aux animaux…
La contribution à la biodiversité des parcs se limite-t-elle au règne animal ?
R. D. : Non, des milliers d’espèces végétales sont aussi en danger. Elles jouent toute un rôle dans la nature. Nous soutenons au Sénégal un programme ambitieux de replantation de mangroves. Ce milieu naturel, entre eau douce et eau salée, est fondamental pour préserver les littoraux. Des millions de graines de palétuviers ont été plantées une par une pour restaurer cette mangrove si utile à des milliers d’espèces (poissons, crustacés…). Autre exemple en Asie : la protection des Népenthès, plantes tropicales carnivores très prisées mais en voie de disparition.
Quel est le principal reproche que vous adressent les détracteurs des parcs, et que leur répondez-vous ?
R. D. : Venez-nous voir ! Pour moi, il n’y a rien de tel que de montrer à nos détracteurs ce que nous faisons, soit à Beauval soit in situ. Nous prenons le temps de répondre à leurs questions et de leur montrer que nous apportons notre pierre à l’édifice dans la mesure de nos moyens. Je réponds à toutes les sollicitations avec arguments, données chiffrées et résultats. En général, leur regard change. Je comprends leur méfiance vis-à-vis des zoos, au vu des cas de maltraitance relatés dans les médias. À nous de faire comprendre que nous travaillons tous les jours au bien-être animal et à des recherches pour faire progresser la connaissance animalière. Nos espaces sont adaptés à chaque espèce, nous reconstituons son biotope naturel dans la mesure du possible.