Logistique : des caisses à cent rotations
07/01/2025
Comment est née l’entreprise Pandobac ?
Shu Zhang : Avec mes deux associés, notre projet a démarré en 2018. Pour ma part, mon expérience en restauration commerciale puis comme restauratrice m’a fait prendre conscience de l’importance des emballages de transport de marchandises, et donné l’ambition de diminuer leur empreinte environnementale par le réemploi. Pour mieux faire connaître notre action, nous nous sommes installés sur le marché de gros de Rungis qui approvisionne la capitale. En 2020, nous avons procédé à deux levées de fonds pour 1,2 million d’euros afin de nous déployer en restauration commerciale. Puis nous avons de nouveau levé 1,5 million en 2023, cette fois pour élargir nos actions à l’industrie agroalimentaire et à la grande distribution.
Ce développement a-t-il nécessité seulement un changement d’échelle, ou un changement de métier ?
S. Z. : Notre service reste le même, mais les acteurs, les flux, la fréquence ou la durée de rotation des emballages diffèrent beaucoup. Nous sommes spécialistes du colis. Il s’agit de remplacer les emballages jetables (carton, bois, polystyrène) utilisés pour protéger les produits durant le transport, pour des volumes importants, alors que le coût de ces emballages ne cesse d’augmenter. Nous nous concentrons sur les activités inter-entreprises, qui ne connaissent pas les limites et la complexité de l’emballage consommateur. Le réemploi n’est pas forcément pertinent pour tous les emballages, mais il l’est pour les emballages logistiques.
Comment résumeriez-vous votre offre de service ?
S. Z. : Notre point fort est une démarche d’innovation et d’élaboration conjointe avec nos clients dans un créneau émergent. Il s’agit de leur proposer la solution la plus adaptée. Notre solution passe par la caisse plastique et un service de gestion d’un parc d’emballages réutilisables proposés en boucle ouverte à tous les acteurs. Charge à nous de les récupérer, de les laver et de les remettre dans le circuit.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
S. Z. : Nous gérons un parc de cent mille caisses réutilisables. Leur récupération peut se faire à différents échelons, afin de réduire les coûts de retour. Il nous faut optimiser les volumes, notamment en nous insérant, avec un prestataire, dans d’autres flux de retour, à partir d’un point de massification. Nous servons déjà quelque dix mille points de livraison. Notre centre de lavage principal est situé à Rungis, à proximité de l’autoroute, et nous projetons de le rénover pour multiplier par cinq ses capacités de traitement. Nous travaillons aussi avec d’autres partenaires dans des boucles plus locales, afin d’éviter les allers-retours.
Quel est votre premier argument commercial ?
S. Z. : Si la première motivation de nos clients est bien sûr de respecter la réglementation – le réemploi des EIC sera une obligation à hauteur de 10 % de ces emballages en 2027 et il exonérera de l’écocontribution -, ils prêtent de plus en plus attention à leurs consommateurs ainsi qu’à leurs clients professionnels. La sensibilité s’amplifie face à la problématique du carton, qu’ils sont obligés de transformer en balles.
Sans surcoût voire moins cher
Votre solution est-elle économiquement rentable ?
S. Z. : Nous facturons nos services à l’utilisation de la caisse, en incluant toutes les étapes de son cycle : mise à disposition, outil de traçabilité par QR Code, logistique de retour et de lavage. Ce coût doit être comparé à celui d’un emballage à usage unique. La rotation d’une caisse revient entre 30 et 80 centimes, mais, par rapport à l’achat de carton, il faut comparer ce coût à la quantité de marchandises transportée, que ce soit à l’unité ou au poids. Notre solution permet d’augmenter le nombre de produits par colis et s’avère moins coûteuse avec des volumes massifiés. Nous restons prudents quant à cette promesse, nous limitant à présenter un objectif sans surcoût, mais je pense que nous pouvons facilement viser une économie de 10 % dans certains cas.
Quels sont les handicaps de votre solution : le poids, le changement d’organisation ?
S. Z. : Il est vrai que les caisses réutilisables sont plus lourdes que le carton, mais elles restent, une fois remplies, au-dessous de quinze kilogrammes¹. Ensuite, le changement du nombre de produits par colis n’est pas si évident, non seulement en fin de ligne, mais aussi dans la relation commerciale avec le client. Mais il permet une hausse non négligeable du nombre d’unités de vente consommateur par palette.
Et ses avantages ?
S. Z. : Ils sont nombreux : solidité de la caisse, qui permet à l’industriel de réduire le poids de son emballage primaire, possibilité d’entreposer en extérieur, stabilité de la palette, possibilité de superposer les palettes sur plusieurs étages suivant leur poids (« gerbabilité »). De plus, la durée de vie d’une caisse est au moins d’une centaine de rotations – même s’il faut compter avec un inévitable taux de perte, qu’il s’agit bien sûr de diminuer. J’ajoute que nos caisses sont toutes à contact alimentaire puisqu’elles ont vocation à entrer dans l’univers de production. Et nous avons une obligation de résultat quant à la qualité de leur lavage. Notre nouveau centre de production sera d’ailleurs candidat à la certification ISO 22 000.