Orangina Suntory, cap sur l’harmonie
24/03/2020
Il est des entreprises qui n’ont pas attendu la loi Pacte pour se donner une raison d’être. Ainsi du groupe japonais Suntory, fondé en 1899 et toujours aux mains de la famille Torri[1]. « Son fondateur, Shinjiro Torii, fut un pionnier à la devise audacieuse, toujours ancrée dans nos valeurs, Yatte minahare (« On abandonne jamais »), explique Mickael Motin, directeur commercial. Bien avant que la RSE soit un point de passage obligé de toute entreprise, Suntory s’était donne pour mission de « créer l’harmonie avec l’homme et la nature ». Sa promesse n’a jamais changé : « Protéger l’eau, base de tous ses produits, source de vie et d’inspiration, ou Mizu to ikiru ». Le groupe, qui a acheté Orangina Schweppes en 2009[2], est international mais avec des marques locales. « Nous entrons dans une nouvelle ère, expose Mickael Motin, celle du “One Suntory” ou synergie autour de trois piliers : une vision commune pour tous les marchés en Europe, des valeurs communes, des priorités communes sur la croissance par le développement d’une présence physique et mentale de notre portefeuille de marques, l’efficacité par des synergies avec les autres marchés et pays, le développement de nos collaborateurs avec la création d’une école de l’industrie, et le développement durable. »
Sucre, eau, plastique…
« Le groupe fait de l’harmonie le maître mot de sa politique RSE avec les consommateurs, la nature, la société et les collaborateurs », souligne Héloïse Tarraud, directrice des relations extérieures et du développement durable.
Premier pilier : les boissons et les recettes pour lesquelles le groupe s’est engagé à réduire le sucre de 25 % entre 2006 et 2020, le plus souvent sans le remplacer par des édulcorants. « Notre service de R&D basée en France travaille sur les innovations ou les reformulations des recettes existantes », précise Héloïse Tarraud. Le groupe s’engage à proposer avant la fin de l’année des boissons 100 % sans arôme ni colorant artificiel.
Deuxième pilier, le groupe fait de la protection des ressources en eau une priorité en réduisant la consommation d’eau dans les usines de 20 % par litre de boisson produit depuis 2006. Il a noué un partenariat en 2017 avec Grand Parc de Miribel Jonage, 2 200 hectares dans la région lyonnaise, pour une durée de vingt ans. Le groupe apporte 100 000 € par an pour financer le projet de préservation de la source et des activités de sensibilisation du grand public, en particulier les plus jeunes, pour comprendre le cycle de l’eau et sa préservation. Toujours dans le cadre de la protection de la nature, « Orangina Suntory France est également le premier fournisseur de boissons en France à atteindre la neutralité carbone de ses sites de production, ajoute Héloïse Tarraud. Ces quatre dernières année, 120 millions d’euros ont été investis dans nos quatre usines. » De 2007 à 2018, le groupe a réduit de 35 % ses émissions de CO2 : « Au fur et à mesure de l’amélioration des technologies disponibles, nous allons continuer cet effort. Depuis le 1er janvier, en partenariat avec ÉcoAct, nous compensons les émissions récentes par un grand projet de replantation et de préservation de la forêt amazonienne au Brésil. Aujourd’hui, nos usines ne participent plus au réchauffement climatique. »
Critère écologique dans les choix internes
Protection de la nature encore, le groupe place l’écoconception au cœur de ses prises de décisions. « Nous avons mis en place cette année un écocalculateur pour connaître, prévoir et maîtriser les émissions de carbone et les impacts environnementaux de chacun des paramètres de notre production, poursuit Héloïse Tarraud, cet outil permettra des simulations en amont des projets d’innovation et de rénovation, pour choisir la solution optimale et faire de l’environnement un critère déterminant des arbitrages internes. »
Protection de la nature toujours, le groupe accompagne chez Loop le développement de la consigne des bouteilles en verre avec les marques Orangina et Schweppes. Il met en place le logo « Métal recyclable à l’infini » sur ses canettes pour inciter au tri. Enfin : « Le big challenge pour notre secteur, c’est le plastique[3], enjeu mondial, priorité gouvernementale et attente forte des consommateurs. Les nouvelles réglementations – moins 50 % de bouteilles plastiques PET en 2030, interdiction des plastiques à usage unique d’ici 2040 – nous conduisent vers une transformation de notre industrie. Notre priorité est de trouver des solutions alternatives acceptables d’un point de vue environnemental. » Elle est aussi d’alléger le poids des emballages PET, réduit de 18,5 % en 2018 par rapport à 2006 (objectif : de 20 % en 2020). Et d’intégrer du PET recyclé : 20 % actuellement, 50 % en 2025. Sur le plan de l’innovation, il s’agit de supprimer le plastique vierge et d’avoir en 2030 100 % de bouteilles en plastique issu de matériaux recyclés mécaniquement, par des enzymes ou bio-sourcés, plastique issu du végétal (innovation technique développée par Suntory)[4]. « Nous serons les seuls à proposer cette bouteille qui représente une réduction de 50 % des émissions de CO2, par rapport à la bouteille en plastique vierge. Nous n’utiliserons plus de plastique issu du pétrole pour fabriquer nos bouteilles », affirme Héloïse Tarraud.
Troisième pilier, le groupe a demandé en 2019 à l’ensemble de ses salariés « de se prononcer et de voter pour les associations avec lesquelles ils souhaitaient qu’Orangina Suntory France noue des partenariats d’entreprise et des partenariats où chacun pourra s’engager de façon volontaire ». Ils ont choisi Planète Urgence, qui propose des missions à l’international, le Secours populaire et Ishpingo, association qui s’occupe de la préservation de la forêt amazonienne. Les modalités sont variées : journée de bénévolat, congés solidaires, arrondi sur salaire. Orangina Suntory France en reçu le prix EY de l’agroalimentaire 2020 dans la catégorie « engagement sociétal ».
2019, année mitigée
Les Français sont à la recherche de bien-être, de naturalité et de d’authenticité ; 80 % font un lien fort entre santé et alimentation ; 55 % placent la naturalité comme première tendance ; un sur deux se déclare attentif au taux de sucre dans les boissons ; 30 % évitent les édulcorants. « Ces préoccupations n’occultent pas pour autant le plaisir : 63 % des Français y sont attachés dans l’alimentation[5] », remarque Pauline Varga, directrice marketing : « Le levier numéro un de croissance de notre catégorie de produits demeure le plaisir. Elle affiche – 2,2 % en volume mais + 3,3 % en valeur (chiffres Nielsen), ce qui reflète l’évolution des consommateurs vers des segments plus valorisés (thé, bio…au détriment des colas) et des nouveaux formats plus petits[6]. »
Depuis 2015 a commencé une inversion des courbes des colas et du hors-cola (boissons aux fruits et aux plantes), en faveur des seconds[7]. La catégorie est dominée par les offres qui combinent plaisir et naturalité. Orangina Suntory France est numéro un du hors-cola avec 34 % du marché volume et valeur. Année mitigée portant en 2019, avec – 7,6 % en volume et – 3,7 % en valeur. « Ces chiffres étaient néanmoins prévus, reflets d’événements conjoncturels : l’encadrement des promotions depuis les ÉGA et le retour de Coca-Cola chez Galec, résume Pauline Varga. La loi ÉGA a eu un effet négatif plus important dans la catégorie des boissons sans alcool, la plus généreuse en profondeur de promotion, avec 24 % d’offre au-delà du seuil[8]. Nous y étions l’acteur le plus généreux avec le plus de ventes sous promotion. Nous avons donc réduit notre poids promotionnel à 21,7 % de nos volumes en 2019 au lieu de 24,5 % en 2018, pour nous retrouver au niveau de nos concurrents. » Ajoutons une météo moins favorable qu’en 2018, alors qu’Orangina Suntory France a un portefeuille de marques (dont Pulco, MayTea et Schweppes agrumes) plus météo-sensible que ses concurrents. Objectif 2020 : + 3 % en volume… hors coranavirus.
Ancrage national, emballages, teneurs en sucre, formation et association des salariés : tour d’horizon d’une stratégie RSE
Entretien avec Héloïse Tarraud, directrice du développement durable
Le fabriqué en France est-il un levier important pour fidéliser les consommateurs ?
Héloïse Tarraud : Nous n’avons pas d’étude sur le sur le « fabriqué en France » et son impact sur la fidélisation, mais nous sommes fiers de pouvoir compter sur nos quatre sites de production basés en France : 97 % de nos boissons consommées en France sont fabriquées en France. Nous avons un portefeuille de marques locales et d’équipes marketing et R&D basées en France, pour répondre au mieux aux attentes des Français. Nos consommateurs nous aiment aussi pour ça. Notre équipe R&D, au plus près de nos consommateurs, nous donne de la flexibilité pour anticiper leurs attentes vers plus de plaisir au naturel, rénover notre portefeuille, développer des innovations à forte valeur ajoutée, sans jamais transiger sur la qualité et le goût. Chaque année, nous investissons plus de 5,5 millions d’euros en R&D pour proposer des boissons moins sucrées et plus naturelles.
Pourquoi le choix de 2006 pour engager les actions de réduction (sucre, eau, poids de emballages PET…) ?
H. T. : En 2007, nous nous sommes engagés avec le ministère de la Santé dans une charte PNNS de réduction de la teneur en sucre de notre portefeuille de boissons. 2006 est donc l’année de référence avant que nous commencions à mettre des moyens spécifiques sur cet enjeu. Nous avons ensuite pris cette année de référence pour d’autres domaines d’engagement.
Sur quoi, selon vous, porteraient les transformations de votre industrie pour répondre aux nouvelles règlementations en matière de plastique ?
H. T. : La nouvelle réglementation implique principalement une réduction (- 50 % de cols d’ici 2030) puis une interdiction de bouteilles PET (d’ici 2040). Nous allons devoir modifier ou changer toutes nos lignes qui produisent des bouteilles PET, afin de conditionner nos boissons dans d’autres contenants. D’autres transformations seront à prévoir pour augmenter le taux de réemploi de nos emballages. Nous travaillons à des solutions durables qui répondront à ce défi majeur du packaging.
Votre action sociétale est-elle communiquée auprès des consommateurs ?
H. T. : Elle l’est sur notre site OranginaSuntoryFrance.com et sur nos réseaux sociaux d’entreprise (LinkedIn, Instagram, Twitter). Nos marques portent nos engagements à travers leurs communications, par exemple Pulco avec la campagne de presse 2019 « La vérité citron », qui a mis l’accent sur les baisses de sucres réalisées ces dernières années sans remplacement par des édulcorants ; ou Oasis avec le « 100 % d’ingrédients d’origine naturelle » sur les emballages et en télévision ; ou encore MayTea avec le logo « 50 % de plastique recyclé » sur toutes ses bouteilles.
Les salariés contribuent à la RSE ?
H. T. : Oui, nous avons réfléchi collectivement à ce que nous pouvions changer, avec des ambitions fortes. Cela s’est traduit par une évolution de notre modèle managérial, de notre outil de production et de notre offre de boissons. Nous avons mis en place des ateliers RSE pour identifier les sujets que les salariés jugent prioritaires, et un comité RSE composé de membres des différentes directions de l’entreprise, pour partager nos objectifs (propositions et avancées). Des groupes de travail transversaux sont régulièrement réunis sur des projets spécifiques comme l’enjeu des emballages. Dernièrement, les employés ont été invités à voter pour trois associations auprès desquelles ils pourront s’engager concrètement, avec Orangina Suntory France, pour des causes qui leur tiennent à cœur.
Vous avez créé une école de l’industrie. Quelles sont ses singularités ?
H. T. : Depuis 2016, nous avons investi plus de 120 millions d’euros dans nos quatre sites de production. Le renouvellement des équipements pour des outils plus performants en consommation d’énergie nous a permis de réduire les émissions de carbone de 35 % par rapport à 2007 ; 60 % de nos équipements ont été renouvelés ces dernières années. Cela s’est accompagné d’un investissement important pour former les salariés de nos usines à ces outils. Dans le passé, nos plans de formation étaient déployés par usine ; il était difficile de mesurer finement leur effet sur l’efficacité opérationnelle. L’objectif de l’école de l’industrie que nous mettons en place est de déployer une méthode de formation efficace pour tous nos sites de production, et d’améliorer le suivi de ces formations et de leur efficacité opérationnelle. Il s’agit aussi de mettre en place une organisation apprenante pérenne en interne, avec des parcours de formation des formateurs et en engageant nos fournisseurs d’équipements dans des partenariats.